Pausanias, Elide-1, chapitre XIII

Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (3p. 100-108).

CHAPITRE XIII.


Pélopium, enceinte dans l'Altis. Traditions concernant Pélops et Tantale. Construction et dimension de l'autel de Jupiter Olympien.

IL existe dans l'Altis une enceinte nommée Pélopium, qui est depuis longtemps l'objet de la vénération des Éléens, Pélops étant, suivant eux, autant au-dessus des autres héros qu'on honore à Olympie, que Jupiter est au-dessus des autres Dieux. Le Pélopium est donc à droite de l'entrée au nord du temple de Jupiter; il est cependant assez éloigné du temple pour qu'il y ait dans l'intervalle beaucoup de statues et d'autres offrandes ; il s'étend en longueur depuis à peu près la moitié dû temple jusqu'à l'Opisthodome ; il est entouré d'une balustrade de pierre, planté d'arbres et orné de statues.

L'entrée de cette enceinte est au soleil couchant. On dit qu'elle a été consacrée à Pélops par Hercules, fils d'Amphitryon, qui descendait de lui à la quatrième génération ; Hercules, dit-on, fut aussi le premier qui lui offrit dans une fosse un sacrifice que les magistrats Éléens renouvellent encore tous les ans. La victime est un bélier noir ; il n'en est réservé aucune part pour le devin, et il est d'usage d'en donner seulement le col au Xyleus; c'est le nom de l'un des serviteurs du temple ; chargé de fournir à un prix fixe aux villes et aux particuliers le bois qui leur est nécessaire pour les sacrifices. Le peuplier blanc est le seul arbre qu'on emploie à cela. L'entrée du temple de Jupiter est interdite à tout étranger ou même à tout Éléen qui a seulement goûté des chairs de la victime sacrifiée à Pélops. Il en est de même à Pergame sur le Caïque pour ceux qui ont sacrifié à Télèphe ; ils ne peuvent pas entrer dans le temple d'Esculape avant de s'être purifiés.

On raconte aussi au sujet de Pélops, que la guerre de Troie traînant en longueur, les devins annoncèrent qu'on ne prendrait pas la. ville qu'on n'eût les flèches d'Hercules et un os de Pélops ; d'après cela, dit-on, les Grecs firent venir Philoctète dans le camp et envoyèrent chercher à Pise l'omoplate de Pélops ; à leur retour chez eux, beaucoup de vaisseaux grecs périrent vers, l'Eubée et celui qui rapportait l'os de Pélops fut de ce nombre.

Longtemps après la prise de Troie, un pécheur d'Érétrie, nomma Damarménus, ayant jeté ses filets dans la mer, en retira cet os ; étonné de sa grandeur, il le tint caché dans le sable, et enfin il alla à Delphes pour demander au dieu de quel homme venait cet os, et ce qu'il en fallait faire :

il se trouva que, par un effet de la providence divine, les Éléens demandaient alors au dieu les moyens de faire cesser une épidémie qui ravageait leur pays ; le dieu ordonna aux Éléens de recouvrer les os de Pélops, et à Damarménus de donner aux Éléens ce qu'il avait trouvé. Damarménus obéit à l'oracle, et outre plusieurs autres témoignages de reconnaissance, les Éléens l'établirent gardien de cet os. L'omoplate de Pélops n'existait plus de mon temps ; comme elle avait été pendant un grand nombre d'années, cachée dans les flots, elle n'avait pas moins souffert de ce séjour dans la mer que des atteintes du temps.

On trouve encore maintenant dans nos contrées des traces de la résidence de Tantale et de Pélops ; un lac qui porte le nom de Tantale, et son tombeau qui est assez remarquable. On voit aussi le trône de Pélops au sommet du mont Sipyle, au-dessus du temple de la Mère Plastène ; enfin, après avoir traversé l'Hermus, on voit à Temnos une statue de Vénus faite en bois de Myrthe femelle, et nous apprenons par la tradition que c'est Pélops qui l'a érigée pour rendre la déesse favorable au projet qu'il avait d'obtenir Hippodamie en mariage.

L'autel de Jupiter Olympien est à une égale distance du Pélopium et du temple de Junon, et il s'étend en face de l'un et de l'autre. Cet autel a été érigé, suivant les uns, par Hercules Idaéen ; et suivant d'autres, par des héros du pays, deux générations après Hercules. Il est fait, de même que celui de Pergame, de la cendre des cuisses des victimes qu'on sacrifie à Jupiter. Il y a aussi à Samos un autel de cendre érigé à Junon, mais il n'a rien de plus remarquable que ceux qu'on élève à la hâte dans l'Attique, et qu'on nomme Escharae.

Le soubassement (Prothysis) de l'autel de Jupiter Olympien a cent vingt-cinq pieds de circonférence ; la partie qui s'élève au-dessus (le Thysiastérion) en a trente-deux, et l'autel a en tout vingt-deux pieds de haut. on est dans k’usage de sacrifier les victimes sur la partie inférieure nommée prothysis, et on porte les cuisses pour les brûler sur la partie la plus élevée de l’autel. On monte sur le soubassement par des escaliers de pierre qui sont de chaque côté, et du soubassement au haut de l’autel par des escaliers de cendre. Les femmes et les filles, aux époques où elles ne sont pas exclues d’Olympie, peuvent monter jusque sur le Prothysis, mais il n’est permis qu’aux hommes de monter sur l’autel ; les particuliers peuvent offrir des sacrifices à Jupiter, même hors le temps de la solemnité, et les Eléens lui en offrent tous les jours. Chaque année, le dix neuf du mois Élaphium, les devins apportent da Prytanée la cendre, la délayent avec de l’eau de l’Alphée et en enduisent l’autel. Si on la délayoit avec toute autre eau, cette cendre ne se réduiroit pas en boue ; c’est pourquoi on regarde l’Alphée comme le fleuve que Jupiter Olympien aime le mieux. On voit à Didyme, dans le pays des Milésiens, un autel qu’Hercules le Thébain a fait avec le sang des victimes, à ce que disent les Milésiens, mais le nombre des victimes n’a pas été assez considérable dans la suite ponr l’augmenter de beaucoup.