Pausanias, Elide-1, chapitre XII

Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (3p. 95-100).

CHAPITRE XII.


'Des défenses des éléphants. Offrandes qu'on voit dans le temple de Jupiter Olympien. Statues des empereurs romains. Ouvrages exécutés à Rome par ordre de Trajan. De l'électre.’

Ceux qui croyent que ce sont des dents, et non des cornes, qui sortent de la bouche des éléphants, n'ont pour se convaincre du contraire qu'à examiner les élans qu'on trouve dans la Gaule et les taureaux d'Ethiopie ; en effet, les élans mâles ont les cornes au-dessus des sourcils (les femelles n'en n'ont point), et les taureaux d'Ethiopie les ont sur le nez : d'après cela y a-t-il donc de quoi tant s'étonner de ce qu'un autre animal les a dans la bouche ?


Au reste voici qui est plus convaincant : les cornes tombent aux animaux à certaines époques de l'année et repoussent de nouveau; cela s'observe à l'égard des cerfs et des daims, et de même pour les éléphants; mais il n'y a aucun animal dont les dents repoussent lorsqu'il a pris tout son accroissement ; si donc c'étaient des dents et non des cornes qui sortent de la bouche des éléphants, pourquoi repousseroient-elles ? d'ailleurs on sait que les dents ne s'amollissent point au feu, tandis que les cornes des bœufs et des éléphants, de rondes qu'elles étaient, s'aplatissent au feu, et prennent toutes sortes de formes. Il est vrai que les dents des hippopotames et les défenses des sangliers sortent de leur mâchoire inférieure, et que nous ne voyons sortir de cornes de la mâchoire d'aucun animal ; mais il faut savoir que les cornes des éléphants prenant leur naissance plus haut, descendent le long des tempes et sortent par la mâchoire ; j'en parle ainsi, non par oui.d dire, mais pour l'avoir observé moi-même sur un crâne d'éléphant que j'ai vu dans un temple de Diane, qui est tout au plus à trente stades de Capoue ; ville métropole de la Campanie. Les éléphants diffèrent donc des autres animaux par la manière dont les cornes leur poussent, de même qu'ils ne ressemblent à aucun, ni par la forme ni par la grandeur. Au reste, rien ne prouve mieux, ce me semble, la piété des Grecs et leur profusion lorsqu'il s'agissait du culte des Dieux, que la prodigieuse quantité d'ivoire qu'on leur apportait des Indes et de l'Éthiopie pour faire des statues.

Le rideau de laine enrichi de broderies assyriennes et teint en pourpre de Tyr, qu'on voit à Olympie, a été offert au dieu par Antiochus, le même qui a donné l'égide d'or qu'on voit au-dessus du théâtre d'Athènes, et la tête de Gorgone qui 'est au milieu de cette égide, et qu'on enlève à volonté. Ce rideau ne se remonte pas en haut vers le toit comme celui de la Diane d'Éphèse, mais on le baisse à terre en lâchant des cordages.

Les offrandes qu'on conserve dans l'avant-nef du temple, sont d'abord le trône d'Arimnus, roi Tyrrhénien, qui le premier d'entre les Barbares fit une offrande à Jupiter Olympien ; ensuite les chevaux de Cynisca, en bronze, monument de la victoire qu'elle remporta à Olympie. Ils sont de grandeur naturelle ; on les voit à. droite en entrant dans l'avant-nef. Il y a aussi un trépied dont le dessus est en bronze, sur lequel on mettait les couronnes des vainqueurs, avant qu'on eut fait la table dont on se sert main tenant.

Parmi les statues d'empereurs on remarque celle d'Adrien, en marbre de Paros, érigée par les villes qui forment la confédération Achéenne, et celle de Trajan qui l'a été par tous les Grecs. Ce dernier empereur a soumis les Gètes, qui habitait le pays au-dessus de la Thrace, et a fait la guerre aux Parthes et à Osroès, l'un des descendants d' Arsace. De tous les ouvrages qu'il a fait exécuter, les plus remarquables sont les bains qui portent son nom, un très grand théâtre de forme circulaire, un édifice pour les courses de chevaux, qui a deux stades de long et la place publique de Rome, qui mérite d'être remarquée à cause de tous ses autres ornements, mais surtout à cause de son toit qui est en bronze.

Des deux statues qui sont sur des piédestaux ronds, celle qui est d'électre représente l'empereur Auguste, et celle d'ivoire représente, à ce qu'on dit, Nicomède, roi de Bithynie ; c'est de lui que la plus grande des villes de Bithynie a pris le nom de Nicomédie, au lieu de celui d'Astacus qu'elle portait auparavant. Son premier fondateur avait été Zypoetes, Thrace d'origine, au moins à en juger par son nom. L'électre dont on a fait la statue d'Auguste, est une substance qui se trouve toute formée dans les sables de l'Éridan, mais il est fort rare, et par conséquent très cher et très recherché. Un autre électre est un mélange d'or et d'argent.

Il y a aussi dans le temple d'Olympie quelques offrandes faites par Néron ; savoir trois couronnes qui imitent celles qui sont faites de feuilles d'olivier sauvage, et une quatrième qui imite celles du chêne. On y voit de plus vingt-cinq boucliers d'airain que portent ceux qui courent armés de toutes pièces. Il y a aussi plusieurs cippes, et entre autres celui sur lequel est inscrit le serment par lequel les Éléens contractèrent une alliance pour cent ans avec les Athéniens, les Argiens et les Mantinéens.