Pausanias, Elide-1, chapitre VII

Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (3p. 53-63).

CHAPITRE VII


Alphée, fleuve. Autres fleuves. Aréthuse, fontaine. Origine des jeux Olympiques, Hyperboréens.

Arrivé à Olympie, vous voyez le fleuve Alphée, qui est très beau et déjà fort considérable, ayant reçu les eaux de beaucoup de rivières, dont plusieurs sont très fortes, savoir : l'Hélisson, qui passe à travers Mégalopolis ; le Brenthéate qui traverse le territoire des Mégalopolitains ; le Gortynius qui passe auprès de Gortyne, où il y a un temple d'Esculape ; le Buphagus qui, sortant du pays des Milaenéens, coule entre le territoire de Mégalopolis et celui d'Hérae; le Ladon et l'Érymanthe, qui viennent, le premier du pays des Clitoriens, et l'Érymanthe, de la montagne de ce nom. Toutes ces rivières de l'Arcadie se jettent dans l'Alphée; le Cladéus, qui vient de l'Élide y porte aussi ses eaux. Les sources de l'Alphée sont dans l'Arcadie et non dans l'Élide.

On débite beaucoup d'histoires sur ce fleuve ; on dit entre autres choses, qu’il était jadis un simple mortel, grand chasseur ; et qu'il devint amoureux d’Aréthuse, qui se plaisait aussi à la chasse, mais Aréthuse ne voulant pas se marier, traversa, dit-on, la mer, et passa dans l'île nommée Ortygie ou Syracuse, où elle fut changée en fontaine. Alphée fut aussi changé en fleuve, à cause de l'excès de son amour.

Quant à ce qu'on ajoute, que l'Alphée, traversant la mer, va dans l'île d'Ortygie mêler ses eaux avec celles d'Aréthuse, je ne vois pas pourquoi je refuserais de le croire, sachant que le Dieu de Delphes est d'accord, en ce point, avec les Éléens ; car il disait à Archius de Corinthe, en l'envoyant fonder Syracuse : Au-dessus de la Trinacie est une certaine Ortygie, où l'Alphée sort de terre pour mêler ses eaux à celles de la belle Aréthuse. Je suis donc persuadé, d'après cet oracle, que les eaux de l'Alphée, se mêlent aux eaux d'Aréthuse; et je crois ce qu'on raconte de l'amour de ce fleuve.

Tous les Grecs et les Égyptiens qui ont été en Éthiopie, dans l'île de Méroé, au-dessus de Sizène, disent, que le Nil entre dans un lac, le traverse comme si c'était un champ, et que prenant son cours dans la basse Éthiopie et l'Égypte, il va se rendre par la mer vers Pharos. J'ai vu moi-même dans le pays des Hébreux, un certain fleuve nommé le Jourdain, qui traverse le lac de Tibériade, et va se rendre dans un autre lac nommé la Mer Morte, où il se perd.

Les eaux de cette mer sont d'une qualité tout à fait contraire à celle de toutes les autres ; ce qui est vivant se soutient dessus sans nager, et tout ce qui est mort va au fond : aussi n'y a-t-il pas de poissons dans ce lac ; ils évitent des eaux si pernicieuses pour aller dans celles qui leur conviennent. Il y a dans l'Ionie un fleuve pareil à l'Alphée ; il a sa source au mont Mycale, et traversant la mer, il va ressortir à Panorme, port voisin de Branchides.

Tout cela est comme je viens de le dire. Les Éléens qui veulent remonter à ce qu'il y a de plus ancien, disent au sujet des jeux olympiques, que Cronus fut le premier qui régna dans le ciel, et que les hommes de ces temps-là, nommés la race d'Or, lui érigèrent un temple à Olympie. Jupiter étant venu au monde, Rhéa le donna en garde aux Dactyles, qui sont aussi connus sous le nom de Curètes ; ils étaient venus du mont Ida de l'île de Crète, et on les nommait Hercules, Pœonæus, Épimèdes, lasius, et Idas.

Hercules, qui était l'aîné, proposa en s'amusant, à ses frères, de s'exercer à la course, en disant qu'il couronnerait le vainqueur avec une branche d'olivier sauvage ; il y avait en effet dans cet endroit une si grande quantité de ces oliviers, qu'on amassait leurs feuilles vertes pour se faire des lits. Les Éléens disent qu'Hercules avait apporté cet arbre dans la Grèce du pays des hyperboréens qui est au-dessus du vent Borée.

Olen de Lycie, dans son hymne à Achaeïa, a dit le premier que cette Achaeïa était venue à Délos du pays des Hyperboréens. Mélanopus de Cumes fit ensuite sur Opis et Hécaergé une ode, où il assure qu'elles étaient venues auparavant dans l'Achaïe et à Délos ; Aristéas de Proconnèse a aussi parlé des Hyperboréens ; et il est possible qu'il en eût appris quelque chose de plus que les autres, par le moyen des Issédons chez qui il avait voyagé, à ce qu'il dit dans ses vers. L'honneur de la première institution des jeux olympiques appartient donc à Hercules Idaeen, et ce fut lui qui leur donna ce nom ; il ordonna qu'on les célébrât tous les cinq ans, parce qu'ils étaient cinq frères.

Il y en a qui disent que Jupiter y lutta avec Cronus pour savoir à qui resterait l'empire du monde ; suivant d'autres, Jupiter fit célébrer ces jeux après ses victoires ; et parmi ceux qui furent couronnés, on nomme Apollon qui vainquit Mercure à la course, et Mars au pugilat : c'est pour cela, dit-on, qu'on joue sur la flûte l'air pythique pendant l'exercice du saut qui fait partie du pentathle, cet air étant consacré à Apollon, et ce dieu ayant remporté des victoires aux jeux olympiques.