Paris en l’an 2000/Agriculture

Chez l’Auteur et la Librairie de la Renaissance (p. 43-46).

§ 3.

Agriculture.

Tout en s’occupant des villes, le Gouvernement n’oubliait pas les campagnes, et prenait toutes les mesures propres à y favoriser le développement de l’Agriculture.

La première, la plus importante de ces mesures, ce fut de donner le sol à ceux qui le cultivent et de supprimer toute cette classe de propriétaires qui louaient leurs terres à d’autres, au lieu de les exploiter eux-mêmes.

Ici encore, le Gouvernement procéda comme de coutume, par expropriation. Tous les biens qui étaient loués à ferme ou à métayage, furent achetés par l’État et payés en rentes viagères, puis on les détailla à crédit aux paysans, avec cette clause, qu’à l’avenir chacun serait obligé de cultiver lui-même sa propriété ou de la vendre à un autre.

Cependant, dans tous les pays dits de grande culture, là où les travaux agricoles ont quelque chose d’industriel, l’Administration resta en possession des biens qu’elle avait expropriés et les loua à long terme, à des fermiers intelligents qui y gagnaient largement leur vie, tout en payant une notable redevance à l’État.

Le Gouvernement conserva de même la propriété de toutes les forêts ainsi que celle des landes et des bruyères qui parurent propres au reboisement. Les bois étant reconnus indispensables pour prévenir les inondations, il y avait un intérêt de premier ordre à les laisser entre les mains de l’État. Du reste, bien loin d’en souffrir, l’exploitation forestière n’en devint que plus intelligente et plus avantageuse, et, grâce au zèle de l’Administration, on vit des espaces immenses autrefois abandonnés, se couvrir de plantations et devenir bientôt de vastes forêts.

L’expropriation générale de toutes les terres affermées eut pour la prospérité de la France les conséquences les plus heureuses. D’abord elle rapporta gros au Trésor, car bien entendu, l’impôt sur le revenu fonctionna comme de coutume et rogna sans merci toutes les rentes allouées qui dépassaient 12,000 fr. D’une autre part, dès que le sol se trouva possédé par ceux qui le cultivaient, il décupla de fécondité ; il fournit une masse de denrées agricoles aux populations des villes qui, de leur côté, inondèrent les campagnes de produits manufacturés. De cet échange mutuel sortirent l’abondance et le bien-être pour tout le monde, et les paysans, appréciant tous les bienfaits du Socialisme, en devinrent les plus ardents défenseurs.

Mais ce n’était pas assez de mettre le sol entre les mains des cultivateurs, il fallait encore leur donner le moyen de l’améliorer.

La Banque nationale y pourvut. Tout paysan qui voulut défricher, drainer, construire, acheter des engrais, des bestiaux, des instruments agricoles, trouva à emprunter de l’argent et cela à long terme, seul prêt qui convienne à l’Agriculture, la Banque ne réclamant jamais le remboursement de ses avances tant qu’on lui en payait régulièrement l’intérêt. Le cultivateur, délivré de ses deux ennemis héréditaires, le manque d’argent et l’usure, put donc opérer toutes les améliorations désirables et renoncer à cet esprit de routine qui, jusqu’alors, avait tant retardé les progrès de l’Agriculture.

Enfin les campagnes profitèrent largement de toutes les réformes opérées par les Socialistes. De nouveaux chemins de fer, de nouveaux canaux, de nouvelles routes, l’abaissement du prix des transports facilitèrent le déplacement des produits agricoles et rendirent leur vente plus facile. D’un autre côté, depuis que le Commerce était organisé, le campagnard allant à la ville, y achetait à bas prix tous les objets manufacturés dont il avait besoin, tandis que lui-même vendait sa marchandise beaucoup plus cher qu’autrefois. Grâce à la suppression des courtiers, des spéculateurs et de tous les intermédiaires inutiles, les denrées agricoles arrivaient directement entre les mains du consommateur et quoique celui-ci les payât bien meilleur marché qu’auparavant, ce faible prix rémunérait largement le cultivateur et lui donnait des bénéfices auxquels l’ancien régime ne l’avait point accoutumé.