Par la harpe et par le cor de guerre/Consolation au vieux Barde

IX

CONSOLATION AU VIEUX BARDE


Relève-toi ! corps et esprit, relève-toi ! — Honte à toi de tomber si bas ! — Le soleil reparaît après la pluie, — Et la paix après la guerre.

Qui donc lèvera bien haut le front ? — Qui donc aux foules donnera l’exemple ? — Qui donc nourrira la blanche Hermine — Et rentrera le grain après la moisson ?

Ce que tu as prophétisé, — Tôt ou tard s’accomplira. — Si le présent te raille, — L’avenir te louera.


Souffle le feu dans le foyer — Et mets-y une grosse souche, — Afin qu’un tison soit encore trouvé — Par ceux qui viendront demain.

Alors que tu vois accourir des malheurs, — Un hiver dur, noir et sauvage, — Verse l’huile dans la lampe — Afin que la nuit ne soit point sans lumière.

Quand une autre génération se sera levée, — Quand l’Été fleurira sur la Bretagne, — Quand il n’y aura plus ni bride ni entraves, — Peines de cœur, souffrances, ni larmes,

Quand régnera le bonheur, — Sur la Bretagne relevée, — On se souviendra que tu peinas, — Ta vie entière, pour la défendre.


Tu n’auras point la part de joie — Qui sera l’héritage de chacun ; — Ton corps de cendre ne sera plus rien, — Mais ton âme sera dans la félicité.


Et dans les hauteurs du Ciel, — Où sont les Saints et Saintes de Bretagne, — Ses Rois sur leurs trônes — Et les vieux Bardes au centre de leur cercle,


Les Bardes sur leurs Harpes, — Durant la vie sans fin, — Chantant la Bretagne et les travaux merveilleux — De ses fils invaincus,


Dans les hauteurs de la Bretagne céleste, — Ton âme sera consolée, — En voyant au-dessus de tous les royaumes, — La Bretagne enfin restaurée.