Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 165-166).

THOTH,

LE SECOND HERMÈS IDENTIFIÉ AVEC LA LUNE.
Planche 30 (G)

On a vu dans la planche 14 (G), représentant la Barque ou Bari symbolique du dieu Pooh, que le disque et le croissant lunaires sont produits comme les emblèmes spéciaux d’une divinité portant à la fois le nom de Ooh ou loh et celui de Thôout ou Thôouti : les titres Dieu grand, Seigneur du ciel et Roi des dieux, qui accompagnent cette double appellation, prouvent incontestablement qu’elle se rapporte à un seul personnage mythique ; et nous devons conclure de ce fait que, dans leurs spéculations théologiques, les prêtres égyptiens identifiaient, sous certains rapports, le Dieu-Lune avec le second Hermès, Thoth ibiocéphale. Une belle stèle du musée royal égyptien de S. M. le Roi de Sardaigne, démontre encore mieux ce que nous venons d’avancer.

Ce monument[1] dont la partie supérieure est fidellement rendue sur notre planche 30 (G), n’est qu’une espèce de grand Προσκύνημα ou acte d’adoration de trois individus d’une même famille, représentés à genoux au-dessous d’un texte hiéroglyphique, de dix colonnes, contenant la prière adressée au dieu qui était l’objet de leur culte. Le principal personnage est un Égyptien dont le nom propre, exprimé symboliquement, signifie bonne année ; il est suivi de sa sœur Thani ou Thoni, prosternée comme lui ; devant eux est une très-jeune fille nommée Djernil, debout et élevant les bras en signe d’adoration, à l’imitation de son oncle et de sa mère.

Le haut de la stèle est occupé par une grande barque placée, non sur l’image conventionnelle de l’eau, comme les barques des habitants de la Terre, mais sur le signe hiéroglyphique du Ciel, tracé de très-grande proportion[2]. Les Égyptiens, qui ne considéraient la sculpture et la peinture que comme une sorte d’écriture plus riche et plus monumentale que celle dont ils se servaient pour les usages communs, voulaient exprimer, ainsi, que les êtres divins se mouvaient dans la vaste étendue pour les des cieux. Le dieu, assis au milieu de la barque, est caractérisé par une tête d’ibis, couverte de la coiffure ordinaire, mais surmontée du disque et du croissant de la Lune : la légende qui l’accompagne, Ⲟⲟϩ ou Ⲓⲟϩⲑⲱⲟⲩⲧ, Ooh-Thôout, n’est que le nom du Dieu-Lune, réuni à celui du second Hermès ; tout comme le simulacre que ce double nom désigne, est formé des images combinées de la Lune et du second Hermès. L’identification de ces deux personnages mythiques ne peut donc plus être douteuse.

Un cynocéphale, animal également consacré à l’une et à l’autre de ces divinités, présente au dieu Ooh-Thôout (Lunus-Hermès) l’œil, symbole spécial des deux corps célestes qui répandent la lumière sur la terre ; ce même œil est figuré vers la proue de la barque divine dont l’extrémité, richement décorée, porte un disque pour désigner, selon toute apparence, que cette bari est celle d’une planète. Nous ajouterons, à ce sujet, que la consécration d’une des planètes à Hermès (Mercure) chez les peuples anciens, n’avait point lieu chez les Égyptiens ; ils purent donc sans inconvénient assimiler leur Hermès avec la Lune, car il est certain qu’ils consacrèrent à leur dieu Aroéri (Apollon)[3] la planète nommée Hermès et Mercure par les Grecs et par les Romains.

La poupe de la bari sacrée du dieu Lunus-Hermès, est recourbée d’une manière très-remarquable, circonstance qu’on a pu également observer dans l’une des barques du Dieu-Lune[4]. Cette appendice si extraordinaire me paraît représenter une queue de crocodile, animal essentiellement lié aux mythes du Dieu-Soleil et du Dieu-Lune. Enfin cette queue qui est recourbée nous rappelle encore ce passage d’Horapollon[5] Σκότος δὲ λέγοντες, κροκοδείλου οὐρὰν ζωγραφοῦσιν : pour représenter l’obscurité, les Égyptiens peignent la queue d’un crocodile. Ce rapprochement nous conduit à conclure que, par Ooh-Thôout, les Égyptiens pouvaient entendre le dieu qui présidait à la Lune en conjonction, c’est-à-dire à la phase où cet astre cesse d’être apparent sur l’horizon. On peut supposer que Ooh (la Lune) restait alors dans la partie inférieure et ténébreuse du Ciel, que nous avons vue être en effet du domaine de Thôout, le second Hermès[6].


Notes
  1. De pierre calcaire blanche, très-fine, et d’un excellent travail ; hauteur, 1 pied 5 pouces ; largeur, 1 pied.
  2. Voyez les variantes de ce caractère hiéroglyphique, dans notre planche 20 (B), nos 1, 2, 3, 4.
  3. Pétau, Uranologium, p. 136.
  4. Voyez notre planche 14 (G).
  5. Hiéroglyphiques, liv. 1, § 70 ; édit. de Paw.
  6. Voyez notre planche 30 (A).

——— Planche 30 (G) ———