Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 13-14).

NEF, NOUF.

(Cneph, Cnouphis, Chnoubis, Ammon-Chnoubis.)
Planche 3

Les noms hiéroglyphiques de ce dieu varient souvent dans leur orthographe, et cela sur les mêmes monuments. On trouvera les diverses formes de ce nom sur la planche qui accompagne ce texte, et ces variations ont toutes été connues par les Grecs, qui les ont transcrites d’une manière plus ou moins exacte.

Le no 2 se lit NEV ou NÉF, c’est le Cnèph d’Eusèbe ; les nos 3 et 4, NOUF ou NOUB, c’est le Cnouph-is de Strabon, et le Chnoub-is des inscriptions des Cataractes ; enfin, les nos 5, 6 et I, se lisent sans difficulté NOUM, c’est le Chnoum-is des pierres basilidiennes.

Cnèph était une des formes sous lesquelles l’ancienne Égypte adorait le dieu Amon, le créateur de l’univers ; c’est pour cela que les images de Cnèph portent souvent, dans leur légende hiéroglyphique, le nom d’Amon ou Amon-Ré (no 7, sur notre planche). Eusèbe, dans sa Préparation évangelique (livre III, chapitre 12), décrit les traits sous lesquels les habitants d’Éléphantine adoraient cette grande divinité, et la description est précisément conforme à celle que nous allons donner de la représentation de Cnèph figurée sur notre planche.

Le dieu est assis sur son trône ; sa tête est celle d’un bélier, et toutes ses chairs sont bleues et souvent vertes, comme celles d’Amon, dont il n’est lui-même qu’une simple modification ; un grand disque, porté sur des cornes de bouc, symboles de la force génératrice, surmonte sa tête, au-dessus de laquelle se dresse aussi un grand serpent uræus, emblême de la suprême puissance de vie et de mort que cette divinité exerce sur tous les êtres ; sa main droite tient le signe ordinaire de la vie divine, et la gauche, plus souvent armée du sceptre des dieux bienfaisants, est ici élevée en signe de protection.

Les habitants de la Thébaïde vénéraient principalement cette grande divinité. « Ils refusaient même, nous dit Plutarque, de s’imposer pour le culte ou pour les funérailles des animaux sacrés, parce qu’ils n’adoraient aucun dieu mortel, mais celui seul qu’ils appelaient Cnèph, qui est inengendré et immortel. »

Si l’on étudie en effet les bas-reliefs qui décorent les temples de la Thébaïde, on acquiert bientôt la conviction que Cnèph ou Cnouphis fut principalement adoré dans cette partie de l’Égypte la plus anciennement habitée. C’est à Cnouphis qu’est dédié, par exemple, le grand temple d’Esné, bâti par les Égyptiens, sous les empereurs Romains, de puis Claude jusqu’à Antonin-le-Pieux ; aussi l’image d’Amon-Cnouphis occupe-t-elle le dessus de la porte au fond du portique ; elle est sculptée sur toutes les colonnes, et une seule face latérale de ce même portique offre jusqu’à dix-huit bas-reliefs représentant Cnouphis des souverains de l’Égypte. Le petit temple d’Éléphantine, remarquable par le goût pur de son architecture et par sa parfaite exécution, fut également consacré au dieu Cnèpb ou Cnouphis, par un des plus illustres pharaons de la XVIIIe dynastie, Aménophis II, fils de Thouthmosis. Ce temple, mentionné par Strabon, existe encore presque intact ; ses bas-reliefs nous montrent le pharaon Aménophis, successivement accueilli par le dieu principal du temple, et par toutes les divinités de sa famille. Dans la grande salle, le roi accompagné de sa femme, la reine Taïa, présente de riches offrandes devant l’arche symbolique du dieu qui, plus loin, le reçoit dans ses bras.

Cette grande divinité, une des modifications d’Amon, fut considérée par les Égyptiens, comme la source de tous les biens moraux et physiques ; on l’appelait spécialement le Bon Génie (Ἀγαθοδαίμων), le Bon Esprit ; c’était le principe de toutes choses, l’esprit qui animait et perpétuait le monde en le pénétrant dans toutes ses parties[1].

Cnouphis porte, dans plusieurs inscriptions hiéroglyphiques, une légende de laquelle il résulte que cette divinité présidait à l’inondation du Nil. Ainsi, ce phénomène, sans lequel l’Égypte ne serait qu’un désert aride, comme les plaines de la Libye qui l’avoisinent, était considéré comme un bienfait spécial du Bon Génie, un acte de la toute-puissance de Cnouphis. Dans quelques bas-reliefs, cette divinité porte les noms de NEF-RÉ, NOUF-RÉ ou NOUF-RI ; et Amon s’appelle aussi Amon-Ré ou Amon-Ri.


Notes
  1. Eusèbe, Préparat. Evangél. III. — Horapollon, I, 64. — Iamblique, VIII, 5.

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