Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 107-108).

ANOUKÉ ou ANOUKI.

(anucès, anucis, istia, estia, vesta.)
Planche 20 (A)

On trouve aussi, sur les grands édifices construits par les Égyptiens sous la domination des Grecs et des Romains, la représentation de la déesse Anouké. On la voit sur l’une des faces latérales du portique d’Esné[1], assise toujours à la suite d’Ammon-Chnouphis, le dieu éponyme du temple, et recevant les offrandes d’un empereur romain dont la légende n’a point été copiée. À Déboud, en Nubie, on a figuré Anouké tenant dans ses mains le sceptre à fleur de lotus et le signe de la vie divine[2]. Enfin un bas-relief de Dendéra, dessiné par l’aimable et ingénieux baron Denon qui, le premier, fit bien connaître à l’Europe savante les merveilles de la Thébaïde, offre aussi une image de cette déesse tenant le signe de la vie[3].

Mais le monument le plus curieux du culte d’Anouké, que l’on puisse citer jusqu’à ce jour, est, sans contredit, un petit temple en bois sculpté et peint, faisant partie du Musée royal égyptien de Turin. Cet édifice, placé sur un traîneau, est précédé d’un petit portique soutenu par deux colonnes dont les chapiteaux portent une double tête de femme, celle même de la déesse Anouké, qui se distingue de la tête d’Hathôr, employée également dans les décorations architecturales, par des oreilles humaines, au lieu d’oreilles de vache. Sur le fût des deux colonnes on a gravé deux inscriptions hiéroglyphiques ; celle de droite contient une invocation au dieu Chnoumis ou Chnouphis, seigneur du ciel, gardien de la contrée orientale, seigneur aux mille noms (polyonymos), modérateur du monde, etc., pour qu’il accorde tous les biens purs à un auditeur de justice, dont le nom n’est pas conservé. La légende de gauche est une prière adressée à la Déesse Anouké, qualifiée de dame de la contrée orientale, dame du ciel, rectrice de tous les dieux, œil du Soleil, etc.

Ce naos ou petite chapelle, de la forme d’un carré long, était évidemment dédié à la Vesta égyptienne, Anouké, puisque quatre inscriptions, dont deux sont composées chacune de quatre colonnes de caractères, et deux d’une seule colonne verticale, ont été gravées sur les deux montants et sur les battants de la porte, encore parfaitement conservés, et que ces légendes ne contiennent toutes que le nom et les titres de la déesse Anouké, déja inscrits sur l’une des colonnes du portique : c’est ce que démontre encore mieux la description des scènes sculptées et peintes sur deux des faces extérieures de cette petite chapelle.

On remarque sur la face latérale gauche le dieu Chnouphis et les déesses Saté et Anouké, assis sur des trônes, recevant les adorations d’un auditeur de justice nommé Kasi, lequel est accompagné de son père, de sa mère et de quatre de ses frères ou seurs, comme l’indiquent des légendes particulières : ces personnages portent en main diverses offrandes et des bouquets de lotus. Ce tableau offre donc en premier lieu la Vesta égyptienne, associée aux deux grandes divinités Chnouphis et Saté, dont elle est, pour ainsi dire, inséparable, et auxquelles il est probable que les mythes sacrés attribuaient sa naissance ; mais la face latérale droite de la chapelle nous montre Anouké-Vesta adorée séparément et avec tous les caractères distinctifs de la divinité principale de ce petit édifice. Assise sur un trône[4], dans un naos dont la corniche est surmontée d’une rangée d’uræus, la déesse tient dans ses mains le sceptre et l’emblème de la vie ; devant elle sont un autel, un vase à libation et une fleur de lotus. Le naos est porté sur une bari ou barque sacrée, à deux gouvernails décorés de têtes d’épervier, emblèmes de la Providence, et dont la poupe et la proue ont été ornées de deux têtes de déesse mère avec des colliers. Vers la proue de la bari, décorée de l’œil droit, emblème du Soleil, et en face d’Anouké, s’élève un riche bouquet de lotus ; à côté sont placées d’autres offrandes. La bari sacrée est censée flotter sur le fleuve saint, duquel dérive un canal portant une autre barque thalamége, conduite par quatre rameurs ; enfin, à la jonction du canal et du Nil, un personnage, probablement l’auditeur de justice Kasi, auquel appartenait la chapelle, égorge une victime sur un autel ; un de ses frères épanche l’eau d’un grand vase placé sur une sellette ; plus bas sont Kasi et toute sa famille, figurés en pied et de plus forte proportion.

Le seul fait que la déesse Anouké est représentée assise dans un naos porté sur une bari ou barque sacrée, suffirait d’ailleurs pour établir que cette petite chapelle lui était plus spécialement dédiée qu’aux autres divinités dont ce petit édifice en bois peint présente aussi les images.


Notes
  1. Description de l’Égypte, A., vol. I, pl. 47, le second tableau de la deuxième rangée.
  2. Monuments de la Nubie, par M. Gau, pl. 6 ; idem, pl. 13, no 9.
  3. Atlas du Voyage dans la haute et basse Égypte ; Dendéra.
  4. Voir la planche 20 (A).

——— Planche 20 (A) ———