Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 69-70).

LE CYNOCÉPHALE,

EMBLÊME DE POOH, LE DIEU-LUNE.
Planche 14 (F)

Les rapports intimes que le système théogonique des Égyptiens établissait, comme le prouvent les monuments, entre le second Hermès, ou Thoth Ibiocéphale, et Pooh, ou le Dieu-Lune, nous sont encore signalés par l’identité des emblêmes communs à ces deux divinités. L’animal symbolique de Thoth, fut aussi celui du Dieu-Lune, et le cynocéphale se montre indifféremment paré des insignes propres à l’un ou à l’autre de ces personnages mystiques.

Horapollon dit expressément, en effet, que le cynocéphale représente la Lune[1] dans l’écriture sacrée, et il en donne pour raison, que cette espèce de singe est douée d’une certaine sympathie avec le cours de cet astre qui exerce sur lui une singulière influence : « Pendant la conjonction du Soleil avec la Lune, dit cet auteur, tant que ce dernier astre reste opaque et privé de lumière, le cynocéphale mâle ne voit point, se prive de nourriture, et, la tête tristement penchée vers la terre, il semble déplorer l’enlèvement (ἁρπαγήν) de la Lune ; la femelle du cynocephale est alors aussi privée de la vue, et éprouve non-seulement les mêmes effets que le mâle, mais encore est sujette à une perte de sang[2] à cette même époque. » Enfin, si nous voulons en croire le même écrivain, dont l’ouvrage renferme d’ailleurs de si précieux documents, les Égyptiens avaient coutume, à l’époque même où composa son livre, de nourrir des cynocéphales dans les hiérons, pour connaître le temps précis de la conjonction du Soleil et de la Lune[3]. Quoi qu’il en puisse être de cette singulière méthode d’observation, il est certain que le préjugé de l’influence lunaire sur certains animaux et sur l’espèce des singes en particulier, ne fut point seulement répandu en Égypte, mais qu’il obtint quelque crédit en Grèce et même en Italie : le naturaliste Pline assure aussi de son côté, que les singes sont tristes pendant l’opacité de la Lune, lunâ cavâ tristes esse[4].

Parmi les animaux sacrés de l’Égypte, le cynocéphale est un de ceux dont les images sont les plus multipliées sur les monuments d’ancien style ; symbole de deux des principales divinités, il se montre soit debout et les bras élevés pour exprimer le lever de la Lune[5], soit accroupi, dans l’attitude même que lui donnaient les embaumeurs lorsqu’ils préparaient le corps d’un individu de ce genre[6], et la tête ornée du disque et du croissant lunaires combinés ainsi qu’on le voit sur la planche ci-jointe, copie exacte d’une petite stèle peinte faisant partie du musée royal égyptien de Turin. Le cynocéphale est accroupi devant un autel sur lequel sont placés un beau faisceau de fleurs de lotus et des pains sacrés ; au pied de l’autel sont deux vases dont l’un est ceint d’une bandelette et l’autre entouré d’une tige de lotus terminée par la fleur encore en bouton. La partie inférieure de la stèle, est occupée par quatre colonnes d’hiéroglyphes, effacés en grande partie, et qui contenaient une prière adressée au Cynocéphale sacré, ou plus exactement aux divinités mêmes dont cet animal n’était que le symbole, les dieux Pooh et Thoth seigneur de Schumon (ou des huit régions), par un certain Ramès ou Ramisé (l’enfant du Soleil), personnage qui est figure à genoux, couvert d’une ample tunique blanche, et les chairs peintes en rouge, selon la méthode ordinaire.

Au-dessus des offrandes, on a sculpté en grand le caractère figuratif Lune, formé du disque et du croissant, comme un emblême parlant de la divinité à laquelle avait été consacré ce curieux monument ; il présente ainsi, confondus en un seul, le culte du Dieu-Lune et celui du dieu Thoth, connexion qu’on eût déja pu soupçonner à la vue des médailles gréco-romaines du nome d’Hermopolis magna, la grande ville de Thot, dont quelques-unes portent sur leur revers un cynocéphale accroupi et la tête ornée du disque lunaire.


Notes
  1. Horapollon, Hiéroglyph., liv. I, § 14.
  2. Ἐκ τῆς ἰδίας φύσεως αἱμάσσεται, idem, § 14.
  3. Horapollon, Hiéroglyph., liv. I, § 14.
  4. Hist. nat., lib. VIII, cap. LIV.
  5. Voyez notre planche 14 (B).
  6. Une momie de Cynocéphale, appartenant à feu Belzoni, et deux autres, partie de la collection Drovetti, prouvent ce que nous avançons ici.

——— Planche 14 (F) ———