Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 47-48).

PHTAH-SOKARI.

(phtha enfant, héphaistus, harpocrate.)
Planche 8

Hérodote et plusieurs autres écrivains grecs conviennent qu’une partie de leur religion nationale leur est venue, soit directement, soit indirectement, des Égyptiens ; à défaut même de cet aveu positif, il serait impossible, à mesure qu’on acquerra quelque document nouveau sur l’ancien culte de l’Égypte, de ne point reconnaître les nombreux emprunts que les instituteurs du culte des Grecs firent à celui des habitants de Thèbes et de Memphis. Nous avons déja vu que l’Athène Grecque, la Minerve des Romains, était une imitation de la Néith Égyptienne[1] ; des rapports non moins frappants existent entre Phtha, et l’Héphaistus Grec, ou le Vulcain des Romains.

Héphaistus, selon les mythographes Grecs, était fils de Zeus : et Phtha fut une émanation d’Ammon-Cnouphis, le Jupiter Égyptien. Héphaistus naquit tellement difforme que Héra, sa mère, honteuse d’avoir mis au jour un enfant si laid, le repoussa de son sein et le précipita dans la mer, selon le récit d’Homère ; dans une autre occasion, Zeus, irrité, lança hors de l’Olympe le jeune dieu, qui roula long-temps dans la vaste étendue des airs, et tomba enfin, en se brisant les jambes, dans l’île de Lemnos. Depuis cette époque, Hephaistus boîta des deux côtés, et ses deux jambes restèrent tremblantes et tortues, selon le même poëte. Le Phtah Égyptien, représenté nu et dépouillé des bandelettes ou de la tunique étroite qui le couvre ordinairement (pl. 9), se montre sous des dehors tout aussi défavorables que l’Hephaistus Grec ; et les monuments prouvent que ces fables grecques ne sont que des mythes Égyptiens corrompus.

Une foule de bas-reliefs, de peintures et de statuettes de terre vernissée, nous présentent le dieu Phtah sous la figure d’un enfant ou, plutôt, sous celle d’un nain difforme, ayant des traits irréguliers, le ventre enflé et les jambes torses (pl. 8, no 1), quelquefois ce nain est debout sur un crocodile (pl. 8, no 2), ou porte sur sa tête un scarabée, emblème de la génération (pl. 8, nos 2 et 3). Les légendes hiéroglyphiques qui accompagnent ces images, nomment cette singulière divinité, Phtah, ou Phtah-Socari, indifféremment.

Quel que soit le motif qui détermina les Égyptiens à représenter sous une forme aussi repoussante Phtah, l’une de leurs plus grandes divinités, le fait est désormais constaté, et à l’autorité des monuments que je viens de citer, se joint celle de l’un des écrivains les plus graves de l’antiquité : « Cambyse, dit Hérodote, étant entré dans le temple d’Héphaistus (Phtah), à Memphis, se moqua de sa statue, et fit des éclats de rire : elle ressemblait à ces dieux que les Phéniciens appellent Pataïques, et qu’ils peignent sur la proue de leurs vaisseaux ; ceux qui « n’en ont pas vu, entendront ma comparaison, si je leur dis que ces dieux sont faits comme des Pygmées. »

Les manuscrits et les bas-reliefs des Hypogées qui offrent l’image d’Ammon-Générateur et celle de Neith-Génératrice (pl. 4, 5 et 6 ter), nous montrent aussi le dieu Phtah, ou Phtah-Socari, générateur, encore sous la forme d’un Pygmée (pl. 8, nos 4 et 5), et tenant, comme son père Ammon, le fouet divin pour stimuler la Lune, qui envoie dans le monde terrestre les germes de tous les êtres vivants ; cette image de l’organisateur du monde a quelquefois deux têtes (pl. 8, no 6) ; l’une, humaine, c’est la tête ordinaire de Phtah ; et l’autre, celle d’un épervier surmontée de longues plumes, est celle que prend habituellement Phtah, lorsqu’il reçoit le surnom de Socari.

La figure no 4, extraite de l’un des manuscrits Égyptiens rapportés par M. Belzoni, représente Phtah ayant les pieds contournés comme l’Héphaistos Grec. Nous devons dire ici que cette circonstance prouve de plus, qu’Harpocrate, mot dont les deux dernières syllabes ποκράτ, Pokrat, expriment un individu dont les pieds sont délicats, mous ou malades, fut primitivement un des surnoms de Phtah. La description donnée par saint Épiphane, de l’impudique statue d’Harpocrate, image d’enfant, à tête rase ; ignoble et abominable, s’applique parfaitement aux représentations de Phtah générateur, numérotées 4 et 5 sur notre planche 8.


Notes
  1. Voyez l’explication de nos planches 6 et 6 ter.

——— Planche 8 ———