Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 45-46).

L’URÆUS,

EMBLÊME DU SATÉ.
Planche 7 (B)

Les Égyptiens, en créant leur système cosmogonique et religieux, semblent avoir cherché à établir une concordance très-suivie entre le monde intellectuel ou le ciel, et le monde physique ou la Terre. Ils ont dit que le premier instituteur de leur civilisation organisa la société humaine sur le modèle des formes qui régissent les êtres célestes ; de la même manière qu’en ordonnant le monde terrestre, l’agent du Démiurge avait imité le monde supérieur, autant du moins que la matière pouvait se prêter à une semblable reproduction. Il résulte de cette intention, qui se manifeste dans une foule de circonstances, que des emblèmes de certaines choses célestes s’appliquent également aux choses correspondantes dans le monde matériel, et réciproquement. De là vient aussi que les divinités dominatrices de certaines portions du monde intellectuel, gouvernent également les parties correspondantes du monde physique. Ainsi Saté, ou la Junon égyptienne, régissait à la fois l’hémisphère inférieur du ciel et la région inférieure de l’Égypte. Le nom symbolique de cette contrée terrestre, décrit dans l’explication de la planche précédente, n’a aucun rapport avec le groupe, signe spécial de la partie inférieure du ciel, gravé sur notre planche 30 (B), nos 2 et 3. On remarquera seulement que c’est, sans aucun doute, parce que la plume est le premier caractère de ce dernier groupe, que ce même objet se trouve figuré, comme insigne distinctif, sur la tête de toutes les images de la déesse Saté. Nous aurons l’occasion de montrer qu’un très-grand nombre de divinités ne sont reconnaissables sur les monuments égyptiens, qu’au seul caractère initial de leurs noms propres ou de leurs titres spéciaux, placé sur leur tête ou dominant les divers ornements de leur coiffure. Les représentations de Saté, reproduites dans ce recueil, offrent un exemple de cette singulière façon de caractériser les différentes divinités.

La planche 7 (B) contient un des symboles de Saté, considérée soit comme dominatrice de l’hémisphère inférieur du ciel, soit comme régente et protectrice de la région inférieure terrestre. La déesse est ici figurée sous la forme d’un uræus : ce serpent, nommé aspic ou basilic par les Grecs, fut en Égypte l’emblème spécial de la souveraineté ou de la puissance royale : la coiffure qui couvre sa tête est la partie inférieure de la couronne pschent, symbole de la domination sur la région inférieure, soit du ciel, soit de la Terre. On trouvera dans l’explication de la planche 11 les preuves et le développement du sens que nous reconnaissons ici à cette fraction du pschent.

Le serpent sacré est dressé sur la partie postérieure de son corps, formant plusieurs replis et enroulements. Le haut du corps est considérablement dilaté ; et cette forme, quelque extraordinaire qu’elle puisse paraître, est motivée sur un fait réel : l’uræus, nommé aujourd’hui vipère HHayé en Égypte, possède en effet la singulière faculté de s’enfler la portion supérieure du corps, soit lorsqu’il s’irrite, soit lorsqu’il veut se dresser pour atteindre une proie.

L’uræus, animal sacré de la Junon égyptienne, est figuré avec le sceptre des dieux bienfaisants, et repose, comme la déesse Saté figurée dans la planche précédente, sur le signe symbolique de la domination, placé au-dessus de l’emblème de la région inférieure terrestre. Ce même reptile est toujours accompagné de la légende inscrite à côté de son image (planche 7 (B)), tirée des bas-reliefs coloriés du tombeau royal découvert par Belzoni. Les quatre premiers signes de cette légende forment le nom propre de l’animal sacré, nom féminin comme le prouve le dernier signe : le serpent, emblème de la déesse protectrice de l’hémisphère supérieur du ciel et de la partie supérieure de l’Égypte, est également un uræus femelle. Le reste de la légende liée à l’uræus de Saté, signifie dame du ciel, rectrice des dieux seigneurs : titres plus spécialement propres à la déesse qu’à l’animal sacré, son image symbolique.

Le bouquet de lotus, formant l’emblème de l’Égypte inférieure, est ici d’une couleur et d’une espèce qui diffèrent assez essentiellement de celui qui exprime la même idée dans la planche précédente ; mais cette différence d’espèce et de forme, soit de la plante, soit de la fleur seulement, ne porte aucune espèce de modification dans le sens de ces groupes. J’ai eu une foule d’occasions de me convaincre de leur parfaite identité.

——— Planche 7 (B) ———