Panégyrique de Trajan (Burnouf)/Notes

Traduction par Émile-Louis Burnouf.
Imprimerie et Librairie Classiques (p. 161-244).

NOTES.

I. 1. Bene ac sapienter, etc. Nous remarquons, dès les premières lignes, un usage dont la mention revient souvent dans les auteurs, celui de commencer par des prières non-seulement les actions, mais les discours. Servius, sur le vers de Virg., Énéid. XI, 301, « Præfatus divos, solio sic infit ab alto, » fait l’observation suivante : More antiquo ; nam majores nullam orationem, nisi invocatis numinibus, inchoabant : sicut sunt omnes orationes Catonis et Gracchi ; nam generale caput in omnibus legimus. À cette citation, nous en ajouterons une seule de Tite-Live, XXXIX, 15 : Ad hæc officia dimissis magistratibus, consules in rostra escenderunt, et, concione advocata, quum solemne carmen precationis, quod prœfari, priusquam populum alloquantur, magistratus solent, peregisset consul, ita cœpit, etc.

5. Non enim occulta potestate fatorum. Ces mots ne signifient pas « l’ordre impénétrable des destins, » dans le sens où nous disons, « les desseins de Dieu sont impénétrables. » Occulta, étant opposé à coram ac palam, donne l’idée d’un pouvoir dont l’action est cachée, invisible, inaperçue. C’est absolument dans la même acception qu’Horace emploie ce participe, Od. I, 12 : Crescit occulto, velut arbor, œvo Fama Marcelli ; et Pline lui-même, inf. LI, 3 : Hinc porticus, inde delubra occulta celeritate properantur.

Coram ac palam repertus est ; electus quippe, etc. Le verbe reperire ne signifie pas seulement trouver, mais trouver en cherchant, et par extension, découvrir, mettre en évidence, montrer, désigner.— J’ai suivi la leçon de Schwartz et de Schæfer. Le ms. de la Bibl. du roi, n° 7840, porte repertus electusque est. Quippe… Les deux autres, repertus electus est quippe.

Inter aras et altaria. Dans le Capitole, où étaient les autels de Jupiter, de Junon et de Minerve. Les mots altare et ara se trouvent quelquefois réunis pour exprimer une seule et même chose, etc. je crois qu’ici tous deux s’appliquent indistinctement aux autels des trois divinités. Servius, sur Virg., Égl. V, 66, les distingue en disant que altare ne s’entend que des autels élevés aux dieux du ciel, tandis que ara désigne également les autels de tous les dieux. Mais cette distinction ne peut avoir lieu ici ; la seule qu’on puisse y voir, c’est que altare donne, l’idée de quelque chose de plus majestueux encore et de plus auguste que ara ce qui explique pourquoi Pline a employé ces deux mots à la fois. Cf. Tacite, Ann. XVI, 31, et la note, t. III, p. 567 de ma Traduction.

6. Libertas, fides, veritas. L’indépendance d’un homme qui dit tout ce qu’il pense, et qui ne dit rien que ce qu’il pense, libertas ; la bonne foi d’un homme convaincu, et qui parle avec candeur et sincérité, fides ; enfin la vérité, effet naturel de la bonne foi et de l’indépendance, veritas.

II. 2. Nihil quale ante dicamus. Schwartz lit quale antea, sans doute à cause d’un autre antea qui vient ensuite. Nos 3 mss. et l’ancienne éd. de la Bibl. de. S. Geneviève portent ante dicamus ;… antea patimur.— Un peu plus bas, les 3 mss. neque enim eadem quæ prius secreto loquimur. J’ai suivi le texte de Schæfer.

5. Dignosque nos illis usu probemus. J’ai averti, dans une variante, que tous les mss. portaient illius usu. Schwartz défend cette leçon par des raisons longuement déduites, et qui ne sont pas concluantes : il veut que l’on construise dignos illius, dignes de lui, de Trajan. Il serait plus naturel de construire dignos usu illius, dignes de jouir d’un tel prince. Avec cette explication, le texte des mss. pourrait se soutenir ; usu illius serait même justifié en quelque sorte par une phrase du ch. 77 : Tolerabilius fuit experimentum tui nobis, quam usum, negari. Il faut convenir cependant que bona nostra semble appeler nécessairement illis, et que, sous la plume des copistes, qui souvent écrivaient en abrégé, la confusion était facile entre illis usu et illius usu.

6. Formosum alium. Domitien, dit Suétone, 18, était pulcher ac decens, maxime in juventa, et quidem toto corpore. Il perdit ses cheveux de bonne heure, et il fut si sensible à cette disgrâce, que nulle part on ne pouvait rire d’une personne chauve sans que l’empereur se crut offensé. Il n’est pasétonnant qu’un prince qui tenait si fort à ses avantages naturels fût bien aise d’entendre le peuple, dans ses acclamations, l’appeler le plus beau des hommes, et l’adulation ne pouvait négliger ce moyen de lui plaire.

Gestum alterius et vocem. Néron était joueur de lyre, chanteur, tragédien. Voyez Tacite, Ann. XIV, 14, 15 ; XV, 33 ; XVI, 4, 5 ; Suétone, Nér., 20 sqq.

7. Quid ? nos ipsi divinitatem, etc. Domitien poussait l’orgueil et l’impiété jusqu’à se décerner l’apothéose, même de son vivant. Il voulait que les lettres officielles de ses procurateurs commençassent par cette formule : Dominus ac Deus noster hoc fieri jubet ; et nul ne pouvait lui écrire ni lui parler sans lui donner ces mêmes titres de Seigneur et de Dieu (Suétone, Dom., 13 ; Dion, LXVII, 13).

8. Quam commune, quam ex æquo. etc. Ces mots ne signifient pas, comme traduit de Sacy, « Pourrait-on se récrier plus unanimement que nous le faisons sur son bonheur et sur le nôtre ? » Ils veulent dire que le sénat, en s’écriant, felices nos ! felicem illum ! a traité le prince comme un simple membre de la communauté sénatoriale, et qu’il a agi avec lui sur le pied d’une égalité parfaite. Déjà le contre-sens de l’ancien traducteur a été relevé avec beaucoup de justesse par M. Pierrot, dans l’éd. Panckoucke.

III. 4. Ne gratus ingratusve videar. On pourrait demander si ces mots gratus ingratusve ne signifieraient pas reconnaissant ou ingrat. Ce qui me semble décider la question en faveur du sens que j’ai adopté, c’est le gratiorem qui vient trois lignes plus bas, et qui signifie évidemment plus agréable aux dieux.

IV. 1. Quod ex utilitate publica placuit. Les mss. et les imprimés étant partagés entre quod et quo, j’ai suivi le plus grand nombre des autorités. Je regarde quod comme une conjonction, et j’explique littéralement, « en ce qu’il a plu [au sénat] que, sous le titre d’actions de grâces, les bons princes entendissent la voix du consul proclamer ce qu’ils font ; les mauvais ce qu’ils devraient faire. » Cette phrase, pour le dire en passant, justifie toutes les louanges que Pline donne à Trajan, et absout l’orateur du reproche de flatterie. Ce discours est encore moins l’éloge d’un bon prince, qu’une leçon et un encouragement pour ses successeurs.

3. Non enim a te ipso tibi honor iste, sed ab agentibus habetur. Avant Gesner, on lisait, comme nous le faisons, sed ab agentibus habetur, dont le sens littéral est clair et satisfaisant : « Cet honneur d’un éloge solennel ne vous est pas déféré par vous-même, mais par ceux qui vous le rendent ; » en d’autres termes, vous ne l’imposez pas au sénat, vous l’acceptez de lui : explication qui se lie parfaitement à ce qui suit et à ce qui précède. Gesner, sur l’autorité d’un ms. de Schwartz, a retranché ab, et il en résulte la phrase suivante : Non enim a te ipso tibi honor iste, sed agentibus habetur : « Ce n’est pas un honneur que vous vous décernez à vous-même, c’est une marque de déférence que vous donnez à ceux qui vous le rendent. » Cette pensée est juste aussi ; elle est même plus fine que la précédente : mais, pour que les deux membres fussent exactement balancés, il faudrait a te, ipsi tibi....., et non, a te ipso, tibi..... Gesner et Schwartz l’ont bien senti ; tous deux disent qu’ils préféreraient ipsi. M. Pierrot l’a reçu dans le texte et a traduit d’après cette nouvelle leçon. Il est certain que la suppression de ab entraîne nécessairement le changement de ipso en ipsi ; mais, si l’on garde ipso, dont le changement n’est pas suffisamment autorisé, il faut aussi conserver ab, qui d’ailleurs n’est omis que dans le seul ms. de Schwartz.

5. Enituit aliquis in bello, etc. Il serait intéressant de comparer ce morceau avec les conseils que Polydamas donne à Hector, Iliad., XIII, 729, et avec un passage de Claudien, de Laud. Stilich., I, 25, où le poëte semble n’avoir fait que développer la pensée de l’orateur.

7. Ætatis indeflexa maturitas. Trajan était dans sa quarante-deuxième, ou, selon d’autres, dans sa quarante-quatrième année, lorsqu’il parvint à l’empire. Voyez Tillemont, Hist. des Emp., note 3 sur Trajan.

Festinatis senectutis insignibus. Ceci a encore été imité par Claudien, de Nuptiis Honor. et Mar. 324 :

Vultusque auctura verendos
Canities festina venit.

Nonne longe lateque principem ostentant. Ces signes vénérables, qui, d’aussi loin qu’on apercevait Trajan, annonçaient sa grandeur, pensèrent lui être funestes dans un combat contre les Arabes. Il avait dépouillé son manteau de général pour n’être pas reconnu : il le fut cependant, à sa chevelure blanche et à son air majestueux, et dès lors tous les traits furent dirigés sur lui. Un de ses cavaliers fut tué à ses côtés. Dion, LXVIII, 31.

V. 1. Quem non bella civilia dedissent. Allusion aux guerres civiles qui avaient porté au rang suprême Jules César, Auguste, Othon, Vitellius, Vespasien.

2. Cæsar-Auguste. Nous remarquerons que Pline, en adressant la parole au prince, lui donne toujours les noms de César, ou de César Auguste, titres caractéristiques de la dignité impériale. Il ne le désigne qu’une seule fois dans tout ce discours (c. 88) par son nom paternel, encore est-ce pour dire que le nom d’Optimus ne lui est pas moins propre que celui de Trajanus.

3. Largus cruor hostiarum. Ceci ne se rapporte pas, comme l’ont pensé quelques-uns, aux cent soixante mille victimes immolées pour Caligula (Suét. 14) dans les trois premiers mois de son règne. Il ne peut être question que des sacrifices offerts par les prétendants à l’empire, pour savoir si les dieux favorisaient leurs desseins. Juste-Lipse pense que Pline fait particulièrement allusion aux présages favorables obtenus par Auguste, dans son premier consulat, et que Suétone raconte dans la vie de ce prince, ch. 95.

Sinister volatus avium. Cicéron, de Divin., II, 39, remarque que les Romains considéraient comme heureux les présages qui venaient de la gauche ; les Grecs et les barbares, ceux qui partaient de la droite : Ita nobis sinistra videntur, Graiis et barbaris dextra, meliora.

Adscendenti de more Capitolium. Les généraux, avant de partir pour l’armée, allaient offrir leurs vœux au dieu du Capitole. Or, il s’agit ici, selon J. Lipse, du départ de Trajan pour la Germanie, où il était envoyé par Domitien connue lieutenant consulaire, ou, plus probablement, de son départ pour l’Espagne, où nous verrons plus bas qu’il se trouvait avant d’aller en Germanie. Cf. XIV, 3.

4. Consalutavit imperatorem. C’est dans le mot imperator que se trouve l’équivoque, et par conséquent le présage. Il existait dans le Capitole une statue de Jupiter Imperator, rapportée, selon Tite-Live, VI, 29, de Préneste par le dictateur T. Quintius, et selon Cicéron, in Verr., IV, 58, de la Macédoine par Flamininus. Quand les portes du temple s’ouvrirent, le peuple, sans songer à autre chose qu’à saluer le dieu, s’écria : Salve, Imperator. Après l’élévation de Trajan, il ne manqua pas de flatteurs ou de gens superstitieux qui lui appliquèrent ces paroles. Peut-être même, dès le moment où elles furent prononcées, plus d’un Romain, fatigué de la tyrannie de Domitien, détourna-t-il en secret sur le nouveau gouverneur de Germanie la salutation adressée à Jupiter. Tout est oracle pour les malheureux ; et, quand on songe au rôle que jouent dans la religion romaine les présages de toute espèce, on est moins tenté de s’indigner, avec Gesner, qu’un consul osât, en plein sénat, dire sérieusement à l’empereur qu’un hommage destiné au dieu s’adressait réellement à lui. Que, même sous Domitien, quelques personnes, au moins par leurs vœux et leurs pressentiments, appelassent Trajan à l’empire, c’est ce qu’on ne peut révoquer en doute, après avoir lu Tacite, Agric., 44.

7. Quare ego illum ipsum furorem motumque castrensem, etc. Il s’agit ici du camp des prétoriens, situé aux portes de Rome. Cette milice avait vu avec colère le meurtre de Domitien, et elle l’aurait immédiatement vengé, si elle eût trouvé des chefs (Suét., Dom., 23 ; Aurél. Vict., de Cæs., 11). Il s’en présenta enfin, et les soldats, conduits par Élianus Casperius, préfet du prétoire sous Domitien, et qui avait conservé cette charge sous Nerva, assiégèrent ce prince dans son palais, et tuèrent, malgré sa résistance, ou après avoir arraché son consentement, Petronius Secundus et Parthénius, qui avaient pris part à la conjuration contre Domitien. Ils contraignirent même le prince à remercier les soldats devant le peuple, de ce qu’ils avaient ôté la vie aux plus méchants des hommes. Ce fut alors que Nerva, qui voyait sa vieillesse impuissante et méprisée, monta au Capitole et adopta publiquement Trajan (Dion, LXVIII, 3 ; Aur. Vict., Epitom., 12). Celle adoption, comme nous le verrons ch. 8, rétablit aussitôt le calme et rendit les soldats à l’obéissance.

9. Ex adversis secunda nascantur. Lallemsnd a lu noscantur et c’est en effet ce que portent nos quatre expl. Mais Gesner et Schæfer ont bien prouvé qu’il fallait lire nascantur, avec Cuspinien et d’autres ; et le mot semina, qui vient après, ne laisse pas de doute à cet égard.

VI. 2. Prope est ut exclamem tanti fuisse. Pline est ici beaucoup plus mesuré que Lucain , lequel, en s’adressant à Néron, lui dit, Phars. 1, 37-45 :

Quod si non aliam venturo fata Neroni
Invenere viam. · · · · · · · ,
Jam nihil, o superi, querimur ; scelera ipsa nefasque
Hac mercede placent ; diros Pharsalia campos
Impleat, et Pœni saturentur sanguine manes ;
· · · · · · · · · · · ·
Multum Roma tamen debet civilibus armis,
Quod tibi res acta est.

Les traits que j’ai omis, pour abréger, ne sont pas d’une flatterie moins révoltante. Le lecteur trouvera plus de plaisir à rapprocher de la pensée de Pline les beaux vers que Corneille, act. II, sc. 1 , met dans la bouche de Cinna , parlant à Auguste :

C’est un ordre des dieux, qui jamais ne se rompt,
De nous vendre bien cher les grands biens qu’ils nous font.
L’exil des Tarquins même ensanglanta nos terres,
Et nos premiers consuls nous ont coûté des guerres.
· · · · · · · · · · · ·
Votre Rome à genoux vous parle par ma bouche,
Considérez le prix que vous avez coûté :
Non pas qu’elle vous croie avoir trop acheté ;
Des maux qu’elle a soufferts elle est trop bien payée.

Coactus princeps, quos nolebat, occidere. Je ne sais pourquoi Gesner et Schæf. ont préféré quos nollet. Nos trois mss. et tous ceux de Schwartz portent nolebat'' ; et, comme il s’agit d’un fait positif, l’indicatif est le mode qui convient.

4. Ultro dantem obligasti. C’est à obligasti et non à dantem qu’il faut rapporter ultro : « Vous avez fait plus, vous avez obligé le donateur. » Ultro, analogue à ultra, marque progression, mouvement en avant ; de là l’idée d’addition, insuper ; celle d’initiative, prius ; celle de volonté libre, sponte. Il est évident qu’ici c’est de insuper que ultro est synonyme. Nous avons dû préférer cet adverbe à ultra qui du reste est dans nos trois mss., si ce n’est que le n° 7840 a un o au-dessus de l’a, et, à ce qu’il parait, de la même main. L’éd. de S. G. a ultra.

VII. 4. Non, ut prias alius atque alius, in gratiam uxoris. Allusion à l’adoption de Tibère par Auguste et de Néron par Claude. La nég. non est dans le ms. 7840 : elle manque dans les deux autres.

5. Intra domum tuam quœras. Tacite , Hist. I, 15, prête à peu près le même langage à Galba lorsqu’il adopte Pison : Augustus in domo successorem quæsivit, ego in republica. Les deux morceaux ne seront pas comparés sans quelque intérêt.

6. Necessario herede. On nomme, en droit romain, héritiers siens et nécessaires les descendants que le père de famille a sous sa puissance immédiate à l’époque de sa mort, qui modo in potestate monentis fuerint, par opposition aux héritiers qui ne seraient pas sous cette puissance, et que l’on nomme externes, extranei. L’héritier de la première espèce s’appelle suus, parce qu’il fait partie de la famille ; necessarius, parce que l’hérédité lui est acquise de plein droit, indépendamment de toute volonté, de tout consentement, et de toute autorisation. Voyez, pour plus de détails, Gaïus, Inst. Comment. III, § 1 sqq.; Instit. II, 19, de Hered. qualitate et differentia, § 2 ; enfin. M Ducaurroy, Institutes expliquées, § 664, 666, 821 sqq.

Superbum istud et regium, etc. Pline ne semble pas s’apercevoir qu’il diminue le mérite de Nerva, en taxant d’orgueil et de tyrannie tout choix qui ne serait pas tombé sur Trajan. Pour ne pas critiquer sévèrement cet abus de l’amplification, il faut se rappeler quelle idée préoccupait l’orateur. L’empire, qu’aucune loi ne déclarait héréditaire, tendait néanmoins à le devenir. Déjà six princes de la famille des Césars l’avaient possédé successivement, et plusieurs ne l’avaient reçu que par adoption. C’est encore par adoption que Trajan le tenait de Nerva, et ce dernier exemple était heureux. Pline désirait qu’il fit loi pour l’avenir, et c’est pour cela qu’il s’étend si longuement sur la nécessité d’un bon choix. Ceux qui regrettaient l’ancienne liberté comptaient principalement sur l’adoption pour leur donner des maîtres supportables. Tacite le montre bien dans le discours de Galba, déjà cité : Loco libertatis erit, quod eligi cœpimus.... Optimum quemque adoptio inveniet. Nam generari et nasci a principibus, fortuitum, nec ultra æstimatur : adoptandi judicium integrum ; et, si velis eligere, consensu monstratur.

VIII. 1. Nec judicia hominum. Deux de nos mss. ont judicio ; le n° 7840, judicia, parfaitement écrit. — Sed deorum etiam in consilium assumpsit. Itaque non tua in cubiculo. Tous ces mots sont omis dans le ms. 7805, qui semblerait être celui dont Schwartz a eu la collation, puisque ce critique dit : hæ voces omnes desunt codici ms. parisiensi. Le même savant préférerait tui, génitif du pron., à tua. Le ms. 7840 porte en effet tui, comme celui de Wolfenbüttel, que cite Schwartz. Tui paraît avoir quelque chose de plus précis et, pour ainsi dire, de plus personnel que tua. Schæfer voudrait, Itaque tui, non in cubiculo...., adoptio peracta est.

2. Utique qui adoptaret tam paruit, quam tu, etc. L’imparfait du subjonctif a paru offrir quelque difficulté ; aussi a-t-on proposé de lire qui adoptabat, ou quum adoptaret ; et notre ms. 7840 porte qui adoptavit. Ernesti est d’opinion que adoptaret peut se justifier par sa relation avec paruit. Sans penser, comme lui, que le premier de ces verbes dépende du second, je crois que Nerva, n’étant que le ministre des dieux, l’auteur peut très-bien le représenter, non comme prononçant l’adoption, auquel cas il faudrait dire qui adoptabat, mais comme chargé de la prononcer, ce qui paraît assez exprimé par qui adoptaret (celui qui avait mission d’adopter, qui devait adopter). Quoi qu’il en soit, cette leçon, si elle est exacte, a quelque chose d’insolite, et elle s’explique moins par les règles ordinaires de la syntaxe, que par le point de vue où se place l’orateur.

3. Allata erat ex Pannonia laurea. Cédrénus, compilateur du onzième siècle , dit que ces lauriers avaient été envoyés par Trajan. Mais, selon Eutrope, VIII, 2, et Aurélius Victor, Epitom. 13, ce général était à Cologne quand il devint empereur. Schwartz suppose que Trajan pouvait fort bien faire la guerre en Pannonie au moment de son adoption, et se trouver à Cologne lorsque, à la mort de Nerva, il prit véritablement l’empire. Mais comment croire qu’avant son adoption, et n’étant que gouverneur de la basse Germanie, il commandât l’armée de Pannonie, qui devait avoir un général d’un rang égal au sien ? Au reste, Pline nous apprend ici un fait que Dion n’a pas mentionné (voyez ci-dessus, V, 7) ; c’est que Nerva saisit, pour monter au Capitole et y déclarer l’adoption de Trajan, l’occasion de ces lauriers, dont la dédicace devait amener au temple un grand concours de peuple.

Hanc…. in gremio Jovis collocarat. Ce n’est pas sans raison que j’ai traduit « sur les genoux de Jupiter. » Dion, LIV, 25, racontant un fait semblable, dit : ές τά τού Διός Υόνατα χατέθετο. C’est que la statue était assise. — Sur cet usage de déposer des lauriers dans le Capitole après une victoire, voyez la note de ma traduction de Tacite, Hist. 111, 77.

5. Nuper post adoptionem. Après l’adoption de Pison par Galba. Voy. Tac., Hist. I, 19 sqq.

6. Consors tribunitiœ potestatis. Tacite, Ann. III, 56, dit qu’Auguste avait fait de la puissance tribunitienne un des attributs du rang suprême, parce que, sans prendre le titre de roi ni celui de dictateur, il en voulait un cependant par lequel il dominât tous les autres pouvoirs. Sur l’étendue et les prérogatives de cette puissance, voyez Notes sur Tac. Ann. I, 2, t. I, p. 390.

In alterum filium contulit. Vespasien avait deux fils, Titus et Domitien : il associa le premier au pouvoir de la centre, à la puissance tribunitienne, au consulat, où il le prit sept fois pour collègue. Voyez Suétone, Tit. 6.

IX. 1. Non solum successor imperii, sed particeps etiam sociusque placuisti. On comprendra mieux la valeur de cet éloge en le rapprochant du langage que tient la reine Elisabeth à l’ambassadeur de Marie Stuart (Révolut. d’Angl. du P. d’Orléans) : « Savoir qui me succédera, c’est au Seigneur à y pourvoir ; savoir qui a droit de me succéder, c’est ce que je n’ai pas encore eu la curiosité d’examiner… C’est une erreur de s’imaginer que, si la reine votre maîtresse était déclarée mon héritière, nous en vécussions plus en paix…. Je ne voudrais pas bien répondre que j’aimasse mon héritier….. Il me semble que se pourvoir d’un héritier et d’un tombeau est à peu près la même chose ; et je ne me sens pas d’humeur à faire mes funérailles par avance. »

Successor, etiamsi nolis, habendus est. De là le célèbre axiome : Jamais prince n’a tué son successeur ; Successorem suum nullus occidit (Vulcatius, in Avidio Cassio, 2). Quoi que tu fasses, disait Sénèque à Néron, ού όύνασαι τόν όιάόοχόν σον άπχτείναι (Dion, LXI, 18).

2. Patricio, et consulari, et triumphali patre genitum. Trajan était né dans la colonie romaine d’Italica, près de Séville. Son père, originaire de cette même colonie, ne pouvait être patricien, dans l’ancienne acception de ce mot ; mais un empereur, Vespasien peut-être, l’avait sans doute mis au nombre des patriciens, comme nous lisons dans Tacite (Agr. 9) que ce prince y mit Agricola, dont l’aïeul n’était que chevalier. — Consulari. La seule mention que le père de Trajan ait été consul se trouve dans Eutrope, VIII, 2. — Triumphali. On sait que, depuis qu’Agrippa eut refusé un triomphe qui lui était offert par Auguste, les particuliers ne triomphaient plus : on leur donnait, comme dédommagement, les décorations triomphales (voy. not. sur Tac., t. I, p. 439). Pline est le seul auteur qui nous apprenne que Trajan le père les avait obtenues, et il le répète plusieurs fois. Il les mérita dans cette guerre contre les Parthes où son fils, qui commandait sous lui, contint l’audace des barbares et les empêcha de passer l’Euphrate. Cf. inf. XIV, 1, et LXXXIX, 3.

3. Subjecti animo. Nous remarquerons en passant l’emploi de ce participe dans un sens nouveau, sur lequel l’opposition de subjecti avec imperare ne laisse pas le moindre doute. Les Romains d’alors avaient donc l’idée de sujet, corrélative a celle de prince ; et subjectus tendait à devenir un véritable substantif. L’autre Pline en fournit un exemple non moins frappant, lorsqu’il parle des immenses recherches de Mithridate sur la médecine, XXV, 3 (2) : Is ergo…. medicinæ peculiariter curiosus, et ab omnibus subjectis, qui fuere pars magna terrarum, singula exquirens, etc.

4. Nescisti te imperatorem futurum. Et comment pouvait-il le savoir, si Nerva ne lui avait pas communiqué ses intentions ? mais au moins ce choix inopiné prouve que Nerva, en appelant Trajan à l’empire, était sûr de l’approbation publique : que dire de la remarque suivante, eras imperator, et esse te nesciebas ? Singulier mérite en effet d’ignorer à Cologne ce qui se passe à Rome. O Pline ! donne à ton héros des vertus que l’arrivée d’un courrier ne fasse pas évanouir.

5. Eodem ilium uti jure posse putes. Les mss. portent illo ; Juste-Lipse y a substitué ilium, qui est plus clair. Posse putes manque dans nos mss. et dans l’éd. de S. G. De très-anciens éditeurs ont rétabli ces deux mots ; s’ils ne les ont pas trouvés dans quelque ms., j’oserai dire que posse est inutile.

Quum ad exercitum miserit. Nous avons vu que c’était Domitien, et non Nerva, qui avait envoyé Trajan à l’armée : cette phrase doit donc être prise dans un sens général.

X. 3. Titulis, et imaginibus, et signis. Le nom de l’empereur était inscrit en lettres très-apparentes sur le drapeau de la cohorte, appelé vexillum : c’est à cela principalement que se rapporte titulis. Quant aux images (imaginibus), c’étaient des médaillons où l’empereur était représenté en buste, et qui garnissaient le bois de la pique au haut de laquelle on portait le signum, enseigne de làa centurie. Voyez notes sur Tacite, Hist. III, 13, t. V, p. 3G4.

4. Audita sunt vota tua, sed in quantum, etc. Nerva mourut le 21 ou le 27 janvier de l’an 98. Aurélius Victor, Epit. 12, dit qu’il vécut trois mois après avoir adopté Trajan. Ce nombre peut n’être qu’approximatif ; car il règne beaucoup d’incertitude sur la date de l’adoption de ce prince, les uns la plaçant au 18 septembre 97, d’autres la reculant jusqu’à la fin d’octobre, et même jusqu’en novembre. On peut voir là-dessus de longues et savantes notes de Tillemont, Hist. des Emper. t. II, p. 542 et 547.

4 et 5. Ne quid, post illud divinum et immortale factum, jusqu’à an illud jam deus fecisset. Le P. Bouhours (Manière de bien penser, etc., 3e Dial.) trouvait un peu trop de subtilité dans ces réflexions ; et l’on ne peut nier que la dernière au moins ne soit un pur jeu d’esprit. Un empereur n’était dieu qu’après sa mort ; et comment, étant mort, pouvait-il adopter quelqu’un ? Pline cependant ne se moquait pas de ses auditeurs : il parlait suivant le goût du siècle, et il est probable que ce trait fut couvert d’applaudissements. Quant à la première pensée, ne quid... mortale faceret, Fléchier en a fait assez de cas pour se l’approprier, et il l’a répétée deux fois :« Pourquoi , mon Dieu », dit-il, en parlant de Turenne, « pourquoi le perdons-nous.... au milieu de ses grands exploits, au plus haut point de sa valeur, dans la maturité de sa sagesse ? Est-ce qu’après tant d’actions dignes de l’immortalité, il n’avait plus rien de mortel à faire ? » La seconde fois que l’orateur chrétien imite le panégyriste, c’est en parlant d’un acte auquel la postérité n’a pas donné les mêmes éloges qu’aux victoires de Turenne et à l’adoption de Trajan : il s’agit de la révocation de l’édit de Nantes, scellée parle chancelier le Tellier, peu de temps avant sa mort : « On vit, » dit Fléchier, « tomber de leur propre poids ces mains fatales a l’erreur, qui ne devaient plus servir désormais à aucun office humain et terrestre. »

XI. 1. Ut majestatis crimen induceret. Schwartz discute longuement s’il faut lire crimen, ou numen, ou nomen. L’éd. de S. G. a numen ; nos trois mss. ont crimen. La divinité d’Auguste était en effet le prétexte d’une foule d’accusation de lèse-majesté. L’action la plus indifférente, interprétée par les délateurs, était une offense au nouveau dieu et causait la perte de son auteur. Voyez Tacite, Ann. I, 73, 74, et passim.

Sedut irrideret. Néron aimait à répéter que les champignons étaient un manger des dieux. C’était en effet un plat de champignons qui avait, comme dit Juvénal, précipité Claude dans le ciel, descendere jussit in cœlum. Néron, disait aussi que Claude avait cessé morari inter homines, allongeant la première de morari, afin que ce verbe signifiât délirer, au lieu de demeurer. Voy. Suét. Nér. 33 ; Dion, LX, 35.

4. Potius quam illos veteres, etc., jusqu’à quam si triumpharetur. Le texte de cette phrase est celui que Gesner a suivi dans sa seconde édit. et que Schæfer a reproduit. Les mss. sont fort altérés en cet endroit : le n° 7805 porte...æmuleris : qui hoc ipsum imperium, quoniam Imp. (sic) cujus pulsi fugatique non aliud majus habebatur indicium, quam si triumpharet ; leçon absolument identique avec celle que Schwartz cite comme tirée du ms. de Paris. Les deux autres donnent exactement les mêmes mots, excepté qu’au lieu de quoniam, ils portent qm (avec un signe d’abréviation), et que le n° 7840 a magis à la place de majus. Le texte reçu provient des édd. de Cattaneo (Cataneus), 1506, 1510, 1519. S’il y reste quelque difficulté, elle tient uniquement à ce qu’il faut rapporter cujus pulsi fugatique à imperii sous-entendu : or, imperium pulsum fugatumq. paraît une locution un peu insolite ; cependant Gesner ne la condamne pas, et j’avoue que, pour ma part, je la trouve fort intelligible. Je pourrais même l’appuyer d’une phrase de Tacite, Ann. IV, 24, où la puissance romaine est aussi représentée comme se retirant devant un ennemi vainqueur : Igitur Tacfarinas, disperso rumore rem romanam ab aliis quoque nationibus lacerari, eoque paullatim Africa decedere. Du reste Schwartz ne pense pas de même ; aussi, après contempserantque, il lit quoniam Imperator is, cujus pulsi, etc. Je n’oserais pas dire que cette leçon n’est point la véritable : elle semble indiquée par le quoniam Imp. de notre ms., et plus encore par quoniam Imperatoris, que Schwartz a lu dans un ms. de Saltzbourg, et elle va parfaitement avec l’actif triumpharet, qui alors devrait être préféré à triumpharetur. J’ajouterai que l’allusion aux faux et ridicules triomphes de Domitien devient ainsi plus visible, et que la censure tombe plus directement sur la lâcheté de ce prince.

5. Ergo sustulerant animos. Les Daces, les Sarmates, les Marcomans firent éprouver à l’empire, mal gouverné et mal défendu par Domitien, des revers sanglants, depuis l’an 86 jusqu’à l’an 91 de notre ère. Cf. Tacite, Agr. 41 ; Suétone, Domitien, 6 ; Dion, LXVII, 6, 7 ; Orose, VII, 10.

Legesque ut acciperent, dabant. Dion, l. c., raconte que Domitien, battu par les Marcomans, entama une négociation avec Décébale, roi des Daces, qui, fatigué lui-même de la guerre, n’en sut pas moins profiter de la position que son ennemi lui avait faite. L’empereur fut contraint de lui payer une forte somme, de lui promettre pour l’avenir une espèce de tribut, et de lui fournir un grand nombre d’ouvriers pour tous les arts de la guerre et de la paix. À ces conditions, le rusé barbare consentit à envoyer en ambassade Dégis, son frère, qui rendit à Domitien quelques armes, quelques prisonniers, et

qui reçut de lui le diadème au nom du roi des Daces.

XII. 1. Imperatorium nomen. Sur cette expression et sur les trois emplois différents du mot imperator, voyez notes sur Tacite, Ann. I, 3, t. I, p. 392.

3. Adsedisse ferocissimis populis… quum Danubius ripas gelu jungit. Ces faits se rapportent, comme le prouvent ce chapitre tout entier et le suivant, au temps que Trajan passa aux armées entre son élévation à l’empire et son retour à Rome. La mention du Danube montre que, une fois empereur (et il fut empereur, sinon Auguste, dès le moment de son adoption), il prit le commandement en chef des troupes qui, de la rive droite du Danube, observaient les Marcomans, les Quades et même les Daces. Cf. XVI, 2 ; XIX, per totum.

4. Aliena occasione… uti. Passer le Danube sur la glace.

XIII. 1. In illa meditatione campestri. Les exercices et les jeux militaires auxquels les soldats se livraient dans leurs camps, et qui étaient comme l’apprentissage et le prélude des combats. Tacite, Hist. IV, 26, les comprend dans ce qu’il nomme belli meditamenta. C’est aussi d’un exercice, corporel que parle Végèce, I, 19, dans cette phrase : Nihil enim est quod non assidua meditatio facillimum reddat. Meditatio est le grec μελέτη. Pline donne ici à ces jeux guerriers l’épithète de campestris, à cause de leur ressemblance avec ceux par lesquels les jeunes Romains développaient dans le Champ de Mars leur vigueur et leur adresse.

Nihil a ceteris… differens, quum, etc. Les deux mots, differens, quum, manquent dans les mss. 7805 et 8556. Le ms. 7840, au lieu de differens, a dispar et omet aussi quum. J’ai suivi le texte généralement reçu. Dispar serait bon ; mais, comme le remarque Schwartz, il faudrait ceteris et non a ceteris ; car on dit dispar alicui et non ab aliquo. — Au lieu de cominus, Schæfer préférerait eminus ; mais cominus, pris dans un sens un peu large, peut aussi se soutenir : il y a plus de courage à attendre un javelot de près que de loin.

5. Studium armorum a manibus ad oculos… translatum est. Gesner, après Juste-Lipse, pense à tort que ces mots s’appliquent aux combats de gladiateurs, dont les yeux des Romains étaient si avides. Il n’est question ici, comme dans lemembre de phrase suivant, que des jeux de la palestre et du gymnase, qui avaient remplacé les mâles exercices du Champ de Mars, et qui, au lieu de fortifier les corps, ne faisaient qu’efféminer les âmes.

XIV. 1. Parthica lauro. La date des avantages que Trajan le père, si bien secondé par son fils, remporta sur les Parthes, et qui lui valurent les ornements du triomphe, serait tout à fait inconnue, sans une médaille d’Antioche, expliquée par l’abbé Belley (Mém. de l’Académie des Inscr., t. XXX, p. 271). Ce savant établit, d’après cette médaille, que Trajan le père était gouverneur de Syrie dans les années 75 et 76 de notre ère, sous le règne de Vespasien. Il remarque de plus qu’à cette époque Vologèse menaça les provinces romaines d’une invasion et marcha vers l’Euphrate, qui bornait à l’orient le gouvernement de Syrie. Trajan le fils pouvait avoir alors vingt et un ans (puer admodum), et il était tribun, comme l’étaient tous les jeunes nobles qui faisaient leurs premières armes (cf. Tac. Agr. 5, et la note, t. VI, p. 374). Nous pouvons conclure de notre texte que son père lui donna un commandement dans l’expédition qu’il fit contre les Parthes ; et Aurél. Vict. Epit. 9, nous apprend que la terreur seule des armes romaines força Vologèse à faire la paix ; rex Parthorum Vologesus metu solo in pacem coactus est. Cette dernière circonstance explique parfaitement les expressions qui vont suivre : quum ferociam superbiamque Parthorum, ex proximo auditus, magno terrore cohiberes. Elle justifie aussi les éclaircissements que nous allons donner dans la note suivante.

Nomenque Germanici jam tum mererere. A défaut de tout autre renseignement, ces mots suffisent pour nous apprendre que Trajan, fort jeune encore, après avoir contribué aux succès de son père contre les Parthes, passa aux légions de Germanie, où il se distingua pareillement. Jam tum veut dire que, dès cette même époque, dès l’époque où il venait de s’illustrer en Orient, il acquit sur le Rhin des titres à ce surnom de Germanique, que Nerva, bien longtemps après, lui envoya de Rome. L’idée principale est donc que Trajan, dès sa première jeunesse, remplit également de sa gloire l’Orient et l’Occident. Le reste de la période n’est que le développement de cette idée, qui est présentée sous une autre face dans le membre suivant : quum ferociam superbiamque Parthorum… cohiberes, Rhenumeque et Euphratem admirationis tuæ societate conjungeres ; et qui enfin est résumée et exprimée en termes plus généraux dans le dernier membre : quum orbem terrarum non pedibus magis quam laudibus peragrares. La ponctuation que j’ai adoptée, et la traduction très-littérale que je donne en regard du texte, ne laissent, je pense, aucune obscurité. Il n’y a point tautologie dans ferociam Parthorum, si rapproché de parthica lauro, il n’y a que développement oratoire. Mais que font les Parthes, demande Gesner, pour le surnom de Germanique ? Rien, assurément ; car ce n’est pas chez eux, c’est en Germanie que le jeune Trajan acquiert des droits à recevoir un jour ce surnom. Je ne m’arrêterai pas plus longtemps à réfuter Schwartz et Gesner, qui, en dépit de tous les mss. et de toutes les anciennes édd., remplacent Parthorum par barbarorum, mot qu’ils appliquent aux Germains, détruisant ainsi l’unité de la période et le balancement des différents membres. Le devoir de la critique est d’expliquer les textes, quand cela est possible, et non de les changer.

Admirationis tuæ societate. Telle est la leçon de nos trois mss. et de tous ceux de Schwartz, excepté un seul. Ce critique a cependant préféré admir. tuæ fama, qui est en effet dans l’édition de S. G. et dans d’autres également anciennes. Societate va beaucoup mieux au sens de toute la phrase. Quant à tuæ, il faut le prendre passivement : l’admiration qu’on avait pour vous.

2. Germaniam quidem… muniunt dirimuntque. Il est facile de voir que, dans ce chapitre, Pline passe rapidement en revue toute la vie militaire de Trajan jusqu’à son avénement à l’empire. Il vient de nous le montrer faisant, comme tribun, l’apprentissage de la guerre en Orient et sur le Rhin. Il nous transporte maintenant à l’époque où, après avoir été consul en 91, Trajan fut rappelé de l’Espagne, où il se trouvait (sans doute comme lieutenant du prince), et fut envoyé avec ses légions pour commander en Germanie. Les mss. offrent ici quelque altération : tous portent Germaniamque. Schwartz, observant que que et quidem, écrits en abrégé, sont très-faciles à confondre, a lu Germaniam quidem, et cette correction est maintenant adoptée. J. de la Baune pense qu’il faudrait lire Hispaniam Germaniamque, et Lallemand a reçu cette conjecture dans son texte. Celle de Schwartz se rapproche davantage des mss.

Immensique alii montes. Des commentateurs nous parlent ici des monts Carpathes et Sarmatiques. Il s’agit tout simplement des Cévennes, du Jura et des Vosges. Mais si Trajan traversa ces montagnes pour aller d’Espagne à Cologne, chef-lieu de son gouvernement, il ne passa pas les Alpes. Cette difficulté sera levée, si l’on admet, avec Schwartz, qu’avant de faire venir Trajan d’Espagne en Germanie, Domitien l’avait d’abord envoyé avec des légions d’Italie en Espagne : mais alors il pourrait y avoir dans le texte une lacune plus grande qu’on ne le suppose. Peut-être aussi cette énumération de montagnes n’est-elle qu’une figure oratoire, où il ne faut pas chercher une exactitude rigoureuse.

Comparentur. Telle est la leçon du ms. 7840, et elle est parfaitement conforme au règles de la grammaire. Schwartz lit compararentur, ainsi que nos deux autres mss.

5. Ille genitus Jove. Hercule. — Regi suo. Eurysthée, roi de Mycènes.

Itinere illo dignus invenireris. J’avais lu, dans la première édition de ce travail, munere alio, que j’essayais d’expliquer par la note suivante :

« Munere alio dignus invenireris. Schwartz lit itinere illo, et entend que, par la constance infatigable qu’il avait montrée dans cette marche d’Espagne en Germanie, Trajan parut digne d’être chargé sans cesse de nouvelles expéditions, dignus aliis super alias expeditionibus. La leçon munere alio vient de l’éd. de Cattaneo, et elle est généralement admise. On ne peut nier qu’elle ne présente un sens plus satisfaisant : Trajan, par ses expéditions successives, accomplissait, comme Hercule, travaux sur travaux, et paraissait toujours digne de quelque fonction nouvelle, dignus munere alio. Je dois avouer cependant que Schwartz a pour lui tous les mss. qu’il a consultés, ainsi que les trois nôtres et l’édition de S. G. »

Mais dans une note additionnelle, placée à la fin du volume, j’étais revenu à l’ancienne et véritable leçon, itinere illo. Voici cette note, qui lèvera, je crois, toute espèce de doute sur un passage qui n’aurait jamais dû embarrasser personne : « En suivant la leçon généralement reçue, munere alio, j’ai averti que les mss. portaient itinere illo. On pourrait, avec Schwartz, revenir à ce texte, si, à l’explication inadmissible qu’il en donne, on substituait la suivante : Lorsque dans des expéditions chaque jour renaissantes, vous renouveliez les prodiges de cette marche glorieuse. Au lieu de construire, comme Schwartz, dignus aliis… expeditionibus, je construis, dignus itinere illo, et j’entends, par dignus, un homme qui se montre digne de ses actions passées en en faisant de pareilles. Ce sens, tout à fait nouveau, paraît tellement simple, que sans doute plus d’un lecteur l’aurait trouvé sans moi. »

XV. 1. Tribunus vero, etc. Cette phrase, et tout ce qui suit, n’annonce point de nouveaux faits : ce sont des réflexions qui s’appliquent aux dix ans de tribunat militaire pendant lesquels Trajan acquit toutes les connaissances nécessaires à un général d’armée. — Disjunctissimas terras. La Syrie et la Germanie : je n’ajoute pas l’Espagne ; car il n’était plus tribun quand Domitien l’en tira pour lui donner le gouvernement de la basse Germanie.

4. Veniet ergo tempus, etc. Bossuet, Or. fun. du prince de Condé, semble avoir emprunté quelques traits à ce passage : « Les campements de César firent son étude. Je me souviens qu’il nous ravissait en nous racontant comme en Catalogne, dans les lieux où ce fameux capitaine, par l’avantage des postes, contraignit cinq légions romaines et deux chefs expérimentés à poser les armes sans combat, lui-même il avait été reconnaître les rivières et les montagnes qui servirent à ca grand dessein ; et jamais un si digne maître n’avait expliqué par de si doctes leçons les Commentaires de César. Les capitaines des siècles futurs lui rendront un honneur semblable. On viendra étudier sur les lieux ce que l’histoire racontera du campement de Piéton et des merveilles dont. il fut suivi. On remarquera, dans celui de Chatenoy, l’éminence qu’occupa ce grand capitaine, et le ruisseau dont il se couvrit sous le canon du retranchement de Schelestadt. »

Qui sudores tuos hauserit campus. J’écris qui et non quis, d’après une remarque d’Ernesti. Je ne dois pas dissimuler cependant que nos trois mss. ont quis. Sur la valeur et la différence de ces deux formes, que je crois ici également admissibles, on peut voir ma Méthode latine, §§ 284 et 291.

5. Hic te commilitone censetur. Celle idée se retrouve encore dans Bossuet, mais embellie et développée : « C’est par de semblables coups, dont sa vie est pleine, qu’il a porté si haut sa réputation, que ce sera dans nos jours s’être fait un nom parmi les hommes, et s’être acquis un mérite dans les troupes, d’avoir servi sous le prince de Condé, et comme un titre pour commander, de l’avoir vu faire. »

XVI. 2. Magnum est stare in Danubii ripa. Comparez ci-dessus la dernière moitié du chapitre XII , et la note 3, Adsedisse ferocissimis populis.

3. Non mimicos currus nec falsœ simulacra victoriæ. Allusion à ces triomphes ridicules où Domitien faisait figurer, comme prisonniers de guerre, des esclaves travestis en Germains. Outre celui dont parle Tacite, Ag. 39, et que Domitien se décerna pour une prétendue victoire sur les Cattes, Pline a certainement en vue un triomphe aussi digne de risée, et plus récent, que ce prince orgueilleux et lâche ne rougit pas de célébrer pour s’être fait battre par les Marcomans et les Quades, et avoir acheté la paix du roi des Daces. Cf. XI, 5.

5. Quod si quis barbarus rex. Décébale, auquel Trajan fit la guerre en l’an 101. Pline prononça le Panégyrique en l’an 100. Il le travailla, l’amplifia, le polit pendant longtemps, après l’avoir prononcé. Il est très-possible que la guerre fût déjà commencée quand il le publia. Qui sait même s’il n’y a pas ajouté, après l’événement, la magnifique prédiction du triomphe de Trajan, qui remplit le ch. 17, et qui ressemble si bien à la description d’une pompe qu’aurait vue l’auteur ?

XVII. 2. Fercula. Les brancards sur lesquels on portait, devant le char du triomphateur, non-seulement les dépouilles et les armes enlevées aux vaincus, mais encore de vastes tableaux où étaient représentées les batailles, les actions d’éclat, les villes prises, les montagnes et les rivières du pays conquis. Cf. Tac. Ann. II, 41 ; Ovide, Trist. IV, 2 ; de Ponto, II, 1. — L’éd. de S. G. réduit toute la phrase à ces seuls mots : Videor intueri in manibus sequentem ; mox ipsum te, etc. Schwartz remarque la même lacune dans beaucoup d’autres édd. et dans quelques mss. Les trois nôtres présentent la phrase complète, telle que nous l’avons donnée.

3. Nec non modo telorum tuorum. Il est nécessaire d’avertir le lecteur que le non qui suit nec, et qui paraît nécessaire au sens, a été ajouté par les commentateurs ; il ne se trouve dans aucun ms. Est-ce une ellipse autorisée par l’usage ? Schwartz le croit, et, dans ses Suppléments, il regrette de n’avoir pas rejeté ce mot, qu’il juge inutile. Gesner et Ernesti pensent le contraire ; et le premier remarque, avec beaucoup de vraisemblance, que non ne peut se sous-entendre au premier membre que lorsque ne quidem se trouve au second, comme dans un ex. de Pline lui-même. Ép. VIII, 7.

4. Proxima moderatione. La modération qui avait retenu Trajan sur le bord du Danube, quand il n’avait qu’à le passer pour vaincre. Cf. XII, 3 ; XVI, 2.

XVIII. 3. Quod in hostes parent. Cette leçon d’un ms. du Vatican et de qq. édd. s’est glissée dans le texte contre ma volonté, quoique parent, rapporté à duces, offre un très-bon sens. C’est paretur que j’ai voulu lire, avec Gesn. Schæf. et nos trois mss.

XIX. 2. Eamdem auctoritatem præsente te, etc. Ceci a évidemment rapport aux voyages que Trajan fit aux armées qui gardaient la rive du Danube contre les Marcomans, les Quades et les Daces, soit depuis son adoption, soit depuis la mort de Nerva, mais toujours avant son retour à Rome (cf. XII, 3 ; XVI, 2). Pline le loue d’avoir laissé aux lieutenants (legati) qui commandaient ces armées toute l’autorité qui leur appartenait, quoique lui-même, comme empereur, eût le commandement suprême partout où il était présent.

XX 2. Quæ imputare non possis. Sur le sens d’imputare, voy. not. sur Tacite, t. IV, p. 336.

3. Inter-imperatorem factum et futurum. Trajan, depuis son adoption par Nerva, était empereur nommé, empereur de fait ; quand il allait commander les armées comme lieutenant, il était empereur futur ; or il ne montrait pas plus de faste dans une condition que dans l’autre. Le fond de la pensée est donc : « Tant il y avait peu de différence de Trajan empereur à Trajan simple général ! » La finesse consiste dans cette opposition d’un homme déjà empereur, au même homme devant l’être un jour. À la vérité, il ignore qu’il le sera ; mais les destins le savent, et ils lui ont donné les qualités propres a ce haut rang. Dans le langage du panégyriste, il fut donc toujours empereur, par son mérite avant d’être adopté, par son pouvoir après son adoption. Schwartz est loin du sens, lorsque, pour expliquer imperatorem futurum, il parle de la modestie d’un homme qui aspire aux honneurs, et qui se montre humble, réservé, actif, vigilant, jusqu’à ce qu’il y soit parvenu. On voit aussi combien le brevi, que l’on avait introduit dans le texte malgré les mss., et que nous avons rejeté, dénaturait la pensée. À présent, que dire de cette pensée elle-même, sinon qu’elle est juste dans le fond, subtile et recherchée dans la forme ?

4. Alterius principis. Domitien fit plusieurs voyages tant en Germanie qu’en Pannonie. Le mot nuper, qui procède, fait voir qu’il est ici question de la dernière expédition sur le Danube, d’où Domitien revint après avoir payé fort cher à Décébale une paix déshonorante (cf. XI, 5). C’est donc aussi de Pannonie que Trajan partit pour revenir à Rome.

5. Edicto subjecisti. Selon Juste-Lipse, Pline veut dire qu’au bas de l’édit où Trajan rendait compte des opérations de la campagne, ou plutôt de la paix maintenue sur les frontières, il ajouta (subjecit) l’état des dépenses de son voyage et de celui de Domitien.

6. Sciant « tanti tuum constat. » Telle est la leçon de nos 3 mss. Schwartz la croit altérée, et il est possible qu’elle le soit. Il cite un ms. de Padoue, qui, au lieu de tanti tuum, porte seulement tm, que Schwartz lit tamen. Il constitue ainsi la phrase dans ses notes : Futuri principes, velint, nolint, sciant tamen, propositisque duobus exemplis meminerint, etc., c’est-à-dire, sciant et meminerint. Il met dans son texte : sciant : Tanti constat ! propositisque, etc. L’éd. de S. G. lit sciant tantum constat. Sans m’arrêter aux diverses conjectures, qui sont nombreuses, j’ai dû expliquer le texte, tel qu’il est dans nos mss. et dans Gesner et Schæfer. Je fais rapporter tuum, non à Trajan, mais aux princes qui voyageront par la suite. L’auteur veut que chacun d’eux s’entende dire : « Voilà ce que coûte ton voyage. » Je ne crois pas forcer beaucoup le sens de sciant : « qu’ils sachent ; qu’ils apprennent de leur intendant ; qu’ils leur entendent dire, tanti tuum (sc. iter) constat. C’est d’ailleurs le seul moyen de tirer de la leçon reçue, et que je ne garantis pas, un sens raisonnable.

XXI. 3. Ut pater patriæ esses ante quam fieres. On a blâmé cette pensée comme trop subtile. Le P. Bouhours, et après lui Rollin, la donnent comme un bel exemple de ce qu’ils appellent des pensées délicates. « Le cardinal Bentivoglio, » ajoute Bonhours, « a eu presque la même idée sur la dignité de Grand d’Espagne, en parlant du marquis de Spinola : sa naissance illustre et son grand mérite l’avaient fait Grand d’Espagne avant qu’il le fût : E per nobiltà di sangue, e per eminenza di merito, portò seco in Ispagna il Grandato, anche prima di conseguirlo. » Mais voici une autorité plus grave encore : Bossuet, Or. fun. du P. Bourgoing, s’exprime ainsi : « S. Grégoire de Naziance a dit ce beau mot du grand S. Basile : Il était prêtre, dit-il, avant même que d’être prêtre ; c’est-à-dire, si je ne me trompe, il en avait les vertus, avant que d’en avoir le degré : il était prêtre par son zèle, par la gravité de ses mœurs, par l’innocence de sa vie, avant que de l’être par son caractère. » Le développement que Bossuet ajoute aux paroles de S. Grégoire indique la manière dent celles de Pline pourraient être commentées.

XXII. 1. Jam hoc ipsum, quod ingressus es. Le verbe ingredi, dans la phrase qui précède, signifie entrer : ici il veut dire, conformément à l’étymologie, marcher a pied, et il est opposé à invehi et importari de la phrase suivante ; Pline joue donc sur le double sens d’ingredi. Cette allusion périt nécessairement dans la traduction, et au fond la perte est peu regrettable.

Humeris hominum, quod arrogantius erat. L’orateur parait oublier que, si les princes allaient en litière, les particuliers en faisaient autant. Mais il est préoccupé de la modestie de Trajan, qui marche à pied, et il veut la relever à tout prix. Il nous montre pour cela ses prédécesseurs traînés sur des chars superbes, ou portés sur les épaules des hommes. Il a grand soin de ne pas dire sur les épaules de leurs esclaves ; la chose eût paru toute simple ; il emploie le terme générique hominum et il l’oppose à equis. L’insulte à la dignité humaine consiste à se servir d’hommes, au lieu de chevaux, pour se faire porter. Du reste, l’usage d’une litière n’annonçait pas plus d’orgueil que celui d’un char, attelé surtout de quatre chevaux blancs : mais la valeur d’une pensée dépend souvent de la forme qu’on lui donne ; et rien n’autorise à supposer, avec Gruter et Schwartz, que les mots quod arrogantius erat soient une glose.

XXIII. 1. Tantum non. Cette locution répond au grec μόνον ού et ὂσον ού, au français presque. On trouvera peut-être un peu familière l’expression peu s’en faut, dont je me suis servi dans la traduction : Racine l’a ennoblie dans ces beaux vers de Phèdre, act. III, sc. 1 :

Avec quels eux cruels sa rigueur obstinée
Vous laissait à ses pieds, peu s’en faut, prosternée !

4. Qui te primi… salutaverant imperatorem. En croyant saluer Jupiter Imperator. Cf. V, 4, et la note.

XXIV. 2. Non tu civium amplexus ad pedes tuos deprimis. Dion, LIX, 27, remarque que l’empereur Caïus (Caligula) n’embrassait guère que les danseurs et les histrions. Quant aux sénateurs, il leur donnait sa main ou son pied à baiser. Cf. Sénèque, de Benef. II, 12.

5. Usum pedum amiserant. Domitien, selon Suét. 19, n’allait presque jamais à pied dans la ville. Même à l’armée ; il se faisait porter en litière, et rarement on le vit à cheval.

XXV. 1. Quæ quidem reverentius, etc. On peut rapprocher de ce passage quelques phrases de Bossuet, au commencement de l’Or. fun. du prince de Condé.

2. Congiarium. Ce mot désigne les largesses faites au peuple. Il vient de congius, mesure qui servait aux anciennes distributions d’huile et de vin ; quand on y eut substitué les dons en argent, le même terme continua d’être employé. Donativum était le mot consacre pour exprimer les gratifications accordées aux soldats.

Quibus magis negari potest. Il était plus facile de faire attendre un peuple désarmé, que des légions qui avaient déjà plus d’une fois ôté ou donné l’empire.

3. Erasorum. Ceux qui étaient morts ou qui avaient perdu la qualité de citoyen romain entre l’édit et la distribution.

XXVI. 5. Locupletes ad tollendos liberos… cohortantur. Les lois Julia et Papia Poppéa accordaient certains privilèges civils et politiques aux citoyens mariés ayant des enfants, et privaient les célibataires de plusieurs avantages, entre autres du droit de recevoir des legs. Voy. Tacite, Ann. III, 25, 28 ; XV, 19, et les notes ; Heineccius, Antiquit. rom. Syntagna, I, 25, 3 sqq.

6. Super omnia tamen est, etc. Gesner et Schæfer, tout en laissant ces deux lignes à la fin du présent chapitre, avertissent que, selon eux, elles appartiennent naturellement au chapitre suivant. Il est possible qu’ils aient raison, et Schwartz a divisé de cette manière.

XXVII. 1. In spem alimentorum, in spem congiariorum. Pline distingue nettement ici le congiarium des alimenta. Schwartz cite en effet des médailles où il n’est question que d’aliments accordés aux enfants des deux sexes. On appelait ces enfants pueri puellœque Ulpiani, d’Ulpius, nom de famille de Trajan. On les appelait aussi alimentarii. Adrien continua, augmenta même ces libéralités de son prédécesseur (Spartian. 7). Elles furent supprimées par Pertinax (Capitolinus, 9). Dion, LXVIII, 5, nous apprend que la générosité de Trajan s’étendait jusque sur les enfants des villes d’Italie.

2. Næ ille jam brevi tempore. J’ai suivi la leçon de Gesn. et Schæfer. Nos 3 mss. et l’éd. de S. G. in tam brev tempore. Ni jam, ni in tam ne sont nécessaires à la pensée, et le dernier est obscur.

XXIX. I. Hujus aliquando cura Pompeio, etc. Au moment où Cicéron revint de l’exil, l’an de Rome 696, il trouva le peuple fort agité par la crainte d’une disette. A la sollicitation de ses amis, il proposa un sénatus-consulte qui donnait à Pompée pour cinq ans, et dans tout l’empire, la surintendance du commerce et du transport des blés. Voy. Cicéron, Ad Attic. Ep. IV, 1.

Pulsus ambitus campo. Pompée, dans son troisième consulat, en 702, porta des lois sévères contre la brigue. Voy. not. sur Tacite, t. I, p. 518.

Exactus hostis mari. Allusion à la guerre contre les pirates ciliciens, commencée et achevée en moins de trois mois par Pompée, en 686. Voy. Florus, III, 6 ; Rollin, Hist. rom., liv. 36.

3. Perituræque in horreis messes. Les Romains avaient, dans les provinces, des greniers où ils entassaient les récoltes du pays, pendant que souvent les habitants manquaient de subsistances. Germanicus, dans son voyage en Egypte, fut obligé d’ouvrir ces greniers pour faire cesser une disette. Tac., Ann., II, 59 ; Suétone, Tib., 52.

Nequicquam quiritantibus sociis. On distingue quěrǐtari, fréquentatif de queror, et quǐrītare (ou quǐrītari), qui, selon Varron, de Ling. lat., V, 7, signifie Quiritium fidem implorare. Comme l’idée de plainte est attachée à l’un et à l’autre de ces verbes, ils ont pu souvent se confondre dans l’usage. On peut croire aussi que l’e du premier aura été quelquefois changé en i par les copistes. Ici deux de nos mss. portent en toutes lettres queritantibus. Le n° 7840 écrit la première syllabe en abrégé, mais avec le signe de l’e.

XXX. 4. Clementi solo. Schwartz et Schæfer lisent detinenti. On ne peut balancer entre ces deux leçons, quand on voit dans Tacite, G. 1, molli et clementer edito jugo,- Ann , XIII, 38, colles clementer assurgentes ; Hist., 111, 52, si qua... juga clementer adirentur (voy. la not., t. V, p. 399). Le mot clementi, adopté déjà par Arntzénius, nous est fourni par l’excellent ms. 7840, et il est, dans cette acception , d’un emploi trop rare et trop recherché pour être de l’invention d’un copiste. La seule objection qu’on puisse faire, c’est que, dans les exemples cités , clementer s’applique à jugum ou a collis, et non à solum.

XXXI. 1. Quum secunda felices, adversa magnos probent. Le verbe probent est employé ici dans deux sens différents. Adversa magnos probant signilie que « l’adversité est la pierre « de touche des grandes âmes ; » et secundafelices probant veut dire simplement, « la prospérité prouve que l’on est heureux. » Ou, si l’on aime mieux, ce sera secunda et adversa dont il faudra compléter le sens : « la prospérité obtenue prouve que l’on est heureux ; l’adversité courageusement supportée prouve que l’on est grand. »

3. Discatigitur Ægyptus, etc. Tout le reste de ce chapitre est plein d’une exagération qui va jusqu’à la fausseté. Eh quoi ! Rome peut se passer de l’Égypte, l’Égypte ne peut se passer de Rome ! Ce n’est pas ainsi que parle Tacite, quand il dit que l’Italie dépend de secours étrangers, et que la vie du peuple romain flotte chaque jour à la merci des vents et des tempêtes (Ann. III, 54 ; XII, 43 ; et les not., t. II ; p. 412 et 538.) La seule excuse de Pline, c’est que Rome avait d’autres provinces encore d’où elle tirait des blés ; mais l’Égypte n’en était pas moins le principal grenier de l’empire.

6. Nec maligna tellus ; et obsequens Nilus, etc. C’est-à-dire, et non maligna tellus est ; et obsequens Nilus sæpe fluxit largior Ægypto, nunquam fluxit largior gloriæ nostræ. Rollin, d’après le P. Bouhours, cite ce trait pour en faire remarquer la délicatesse.

XXXII. 2. Quanto libertate discordi servientibus sit utilius, etc. Dans la première édition, j’écrivais libertati (au datif) et je traduisais : « Les nations… apprennent combien les hommes, esclaves d’une liberté qui les divise, gagnent à être réunis sous les lois d’un seul maître. » La note suivante, à laquelle je ne change rien, montrera pourquoi je lis aujourd’hui libertate : « Je ne dois pas cacher que les mss. portent libertate, et que j’emprunte libertati à Gesner et à Schæfer. Schwartz défend l’ancienne leçon, mais il l’explique d’une manière peu satisfaisante. Selon lui, libertati discordi est un ablatif absolu, qui équivaut à libera sed discordi republica ; et la phrase signifie : « pour des hommes qui, vivant dans des républiques agitées par la discorde, sont esclaves tout en se croyant libres, l’esclavage sous un seul maître est infiniment préférable. » Ce sens n’est pas différent de celui que j’ai suivi ; mais il m’en vient un outre, que je crois tout nouveau, et qui pourrait bien être le véritable : il a d’ailleurs l’avantage de conserver libertate, et de le construire avec le comp. utilius : « Les nations, recevant Tune de l’autre tout ce qui peut être produit ou désiré quelque part, apprennent combien les sujets de l’empire sont plus heureux sous les lois d’un seul maître, que parmi les divisions qu’enfante la liberté. » Remarquons que, par liberté, il faut entendre surtout l’indépendance nationale ; et qu’il s’agit des divisions des peuples entre eux, plutôt que des querelles civiles et domestiques. Or, on ne peut nier que l’empire, en confondant tous les états dans sa grande unité, n’eût fait cesser les luttes de peuple à peuple. En expliquant servientibus par les sujets de l’empire, on ne trouve plus de contradiction dans les termes, et on ne se demande plus, avec Juste-Lipse, si in libertate, quomodo servirent ? Je regrette maintenant d’avoir cédé à l’autorité de deux habiles critiques, et de n’avoir pas rétabli libertate dans le texte. » — Voilà ce que j’écrivais sur ce passage en 1834. J’ajouterai seulement aujourd’hui que servientes, dans le sens que je lui donne, n’est pas plus extraordinaire que parentes dans Salluste, Jug. 102 (parentes abunde habemus). La chose est la même ; l’expression seule est différente. Au temps de Pline, les idées monarchiques avaient fait des progrès ; et ce que sous la république on appelait obéir, il n’est pas étonnant que sous le quatorzième empereur on l’appelât servir. N’avons-nous pas vu déjà (p. 171) le mot subjectus employé exactement comme le français sujet ? XXXIII. 2. Omni affectione, etc. J’ai traduit, « inaccessiblc ou supérieur à toute prévention ; » peut-être aurais-je dû dire, « à tout sentiment de partialité. » L’empereur, comme le peuple, favorisait souvent tel gladiateur au préjudice de tel autre. Suétone, Tit. 8, nous apprend même que Titus ne cachait pas sa préférence pour ceux qu’on appelait Thraces, Studium armaturœ Thracum prœ se ferens, mais que cette faveur n’allait jamais jusqu’à blesser la justice. 3. ISemo e spectatore spectaculum factus. Caligula (Suél., 35) força un spectateur, Êsius Proculus, à descendre dans l’arène et à combattre successivement contre deux gladiateurs. Le malheureux Proculus, après être sorti ainqueur de cette lutte affreuse, fut revêtu de haillons, promené par la ville, puis égorgé par l’ordre du tyran. Domilicn (Suét. 10) arracha de sa place un autre spectateur, coupable d’une plaisanterie innocente, et le fit déchirer par des chiens au milieu de l’arène.

Unco et ignibus. Quand un gladiateur était mort, on le traînait avec un croc dans un lieu pratiqué sous les galeries de l’amphithéâtre, et appelé spoliarium. On y traînait de la même manière, et on y achevait ceux qui étaient grièvement blessés. — Ignibus semble avoir rapport à ces malheureux que Néron faisait envelopper de matières inflammables, et qui brûlaient comme des flambeaux pour l’amusement du peuple et du tyran (Tac., Ann., XV, 44, et la note). Peut-être s’était-il passé quelque fait semblable sous Domitien.

4. Demens ille, etc. Tout ce qui suit se rapporte à Domitien. — Plus bas, je lis avec nos trois mss. quumque se idem, etc., en faisant précéder ces mots d’une simple virgule. La construction est, et [qui] idem gladiatores quod se putabat, quum se idem quod deos [putaret]. L’absence de la conjonction rendrait la phrase décousue.

XXXIV. 1. Vidimus delatorum agmen inductum. Le mot agmen manque dans nos trois mss. Le n° 7840, au lieu de inductum, a judicium. J’ai suivi le texte de Schwartz. Il est certain qu’il ne s’agit pas ici de procès ni de jugements. Il est certain aussi, par ce qui a suivre, que Trajan fit passer sous les yeux du peuple, à travers l’amphithéâtre, les délateurs qu’il avait condamnés à la déportation. Titus (Suét. 8) avait déjà donné un exemple pareil.

Sed templum, sed forum insederant. Les délateurs avaient pris pour théâtre de leurs brigandages le Forum, où l’on rendait la justice, et le temple de Saturne, où était déposé le trésor public. C’était en effet par des poursuites judiciaires qu’ils dépouillaient les citoyens, et la plupart de ces poursuites avaient lieu sous prétexte de faire rentrer au trésor des héritages illégalement recueillis. La source principale de ces délations était la loi Papia Poppéa, dont nous avons parlé ci-dessus, p. 185. Dès le temps de Tibère, cette loi donnait lieu à une multitude de procès, qui bouleversaient les maisons les plus riches et les plus illustres. Alors, dit Tacite, Ann., III,. 25, les lois étaient devenues un fléau, comme autrefois les vices.

Nulla jam testamenta secura. Indépendamment des moyens de spoliation qu’on trouvait dans l’abus de la loi, il en existait beaucoup d’autres. Ainsi Domitien s’emparait, sous tous les prétextes, des biens des vivants et des morts. Il suffisait que le premier venu déclarât qu’il av ait entendu dire au défunt que César serait son héritier, pour que tout testament contraire fût cassé ct les biens confisqués ( Suét., Dom., 12).

Nullius status certus. Tac., Ann., III, 28 : Multorumque excisi status, et terror omnibus intentabatur. J’ai lu nullius avec Schaefer et Ernesti. Nos trois mss. ont nullus.

3. Secretas illas et arcanas… opes. Trajan exposa dans les théâtres et dans les temples une grande squantité d’ornements et de meubles précieux du palais, comme l’atteste une épigramme de Martial, XII, 15, citée par Gesner, d’après I. Lipse.

4. Supra sanguinem noxiorum. Sur le sang des criminels qui avaient combattu parmi les gladiateurs ou contre les bêtes féroces.

5. Abirent, fugerent vastatas, etc. Schwartz et Schæfer, fugerentque. J’ai ôté le que, d’après nos trois mss. Le tour en est plus vif.

Scopulis reservassent. Les îles sauvages de Sériphe et de Gyare, dans la mer Égée, où les délateurs avaient fait déporter tant d’innocents. Tacite, Hist., 1, 2, les appelle aussi des rochers : infecti cœdibus scopuli.

XXXV. 2. Jam delatorum turba compleret. Racine, Britann. , act. I, sc. 2.

Les déserts, autrefois peuplés de sénateurs,
Ne sont plus habités que par leurs délateurs

3. Punctis. La loi Remmia voulait qu’on imprimât sur le front du calomniateur la lettre K, ancienne initiale du mot calumnia. Cf. Cic. Pro Roscio Amer., 19 et 20.

4. Divus Titus, Voy. le passage de Suétone déjà cité, Titus, 8.

Perquam magna queedam, etc, Schæfer, d’apres Gesner, présente ainsi cette phrase : Postquam magna quædam edicto Titi ad struxerat, nihil reliquisse tibi videbatur, etc. J’ai mieux aimé, avec Schwartz, garder le texte des mss., sans autre changement que celui de per quem en perquam. L’expression perquam, avec un adjectif, est familière à Pline. Cf. LX, 7 ; perquam modica quæ dam civium merita ; LXVIII, 7 : hoc perquam simile habent. Quant à nisi tibi, qui choque Gesner ; je ne peux pas en donner de commentaire plus clair que ma traduction.

5. Ut sol, ut dies. Telle est la leçon du ms. 7840, qu’on trouvera sans doute préférable à ut sol et dies.

XXXVI. 1. Spoliarium civium. Allusion à ce lieu de l’amphithéâtre dont nous avons parlé dans une des notes précédentes, p. 189. 11 était ainsi nommé, parce qu’on y dépouillait les gladiateurs morts. Mais, comme on y achevait aussi les blessés (cf. Sénéq., Ep. 93), le mot spoliarium a été employé par extension pour repaire d’assassins, coupe-gorge ; et peut-être ce dernier sens était-il, aussi bien que l’autre, dans la pensée de Pline.

Adhuc locus unus, etc. Pline veut dire que, après les sages règlements par lesquels Nerva s’était efforcé de remédier aux maux de l’empire, il restait encore cependant un lieu où les bons pouvaient être vaincus par les méchants. Ce lieu, c’était le trésor public, où les poursuites continuaient en vertu des lois, et où la ruse et le mensonge devaient l’emporter quelquefois sur le bon droit. Or, par l’édit qui amplifiait et complétait, comme on l’a vu dans le chapitre précédent, les ordonnances de Nerva, Trajan avait fermé aux abus la dernière porte qui leur fût encore ouverte. L’imparf. essent se rapporte au temps qui avait précédé l’édit de Trajan, et c’est bien à tort que Schæfer voudrait y substituer sint. Le sens que je viens d’exposer est trop évident, pour qu’il soit nécessaire de réfuter les explications toutes differentes que donnent de Sacy et Gesner.

3. Fiscum... aerarium. Ici est bien marquée la différence de ces deux mots : fiscus est le trésor du prince ; œrarium, le trésor de l’état.

Actori... procuratori. Pour le sens de ces mots, voy. not. sur Tacite, 1.1, p. 465 ; t. II, p. 547.

4. Tribunal quoque excogitatum principatui est. Pomponius, de Ong. juris, Dig., 1, 2, § 32 : Adjecit divus Nerva (se. praetorem) qui inter fiscum et privatos jus diceret. Schwartz pense que l’institution de ce tribunal est due à Trajan, et qu’il faudrait lire dans le Digeste, Nerva Tr.

XXXVII. 1. 'Vectigalia. Voy. une note développée sur Tac., Ann., XIII, 50, t. III, p. 434.

Vicesima reperta est. Auguste, en l’an de R. 759, établit un impôt du vingtième sur les legs et les héritages. Il n’en exempta que les parents très-proches et les pauvres, πλήν τών πάνυ συγγενών, ήχαί πενήτων (Dion, LV, 25). Burmann, de Vectig. pop. rom., entend par πάνυ συγγενών tous ceux qui auraient eu droit d’hériter ab intestat ; et cela semble en effet résulter de ce qui va suivre.

3. Seu per Latium in civitatem... venissent. On appelait Jus Latii certains droits propres aux cités du Latium, et que l’on avait étendus à beaucoup de municipes et de colonies des autres parties de l’empire. Dans les villes qui jouissaient de ces privilèges, les magistrats prenaient, à l’expiration de leur office, la qualité de citoyen romain ; et, comme les charges étaient annuelles , les principales familles se trouvaient en peu de temps revêtues de cette dignité. Voyez , pour plus de détails, Hcinccc., Antiq. rom. Syntagm, AppcncL, I, 74 sqq. t’.f. not. sur Tac., t. III, 519 ; t. V, 492. 5. Affinitatum damno. Quand un étranger devenait citoyen romain, tous ses liens de famille étaient rompus. Ses parents naturels cessaient, aux yeux de la loi, d’être ses parents, et il fallait qu’un privilège vînt à son secours pour qu’il put recueillir leur succession ou leur transmettre la sienne. Voy. Beaufort, Rép. rom., liv. VI, ch. 7, extrem. —Le mot a ffinitas, qui signilic ordinairement alliance, est pris ici pour parenté en général, même au degré le plus proche. 7. In patris potestatem. La puissance paternelle était une partie du droit qniritairc : un lils né avant que son père fût citoyen romain ne pouvait donc.être sous sa puissance , s’il n’y était rangé (reductus) par une concession du prince. XXXVIII. 1. Von parcius quam optimum patrem , etc. Cette pensée, qui sert uniquement de transition, est plus ingénieuse que solide. L’orateur prêle à Nerva une intention qu’il n’avait pas, qu’il ne pouvait pas avoir.

2. /loc quoque amitteret quodJ’uisset. Ceci est encore un peu subtil dans la forme , mais plus juste dans le fond. L’avantage d’avoir été père consistait à hériter de son fils sans payer le vingtième. Cette faveur de la loi, dont les anciens citoyens jouissaient depuis Auguste, Trajan l’étend aux nouveaux.

5. Quid si coheredem… accipiat. Ce cohéritier, c’est le publicain qui perçoit le vingtième.

7. Vim Legemque naturœ. On a trouvé que Pline s’étendait longuement sur cette matière des successions : c’est peut-être ne pas comprendre assez l’importance historique de tout ce morceau. Indépendamment des détails qu’il contient sur les destinées d’un impôt qui, à la différence des tributs levés sur le revenu, s’attaque directement au capital même, il est intéressant de voir un consul romain protester, au nom des sentiments naturels, contre la dureté des lois fiscales. On doit remarquer surtout cette opposition entre la loi de la nature, qui unit le père et le fils par des liens indissolubles, et le droit civil, qui, dans certains cas, les rendait complètement étrangers l’un à l’autre. La vieille constitution de la famille romaine, avec ses fictions et ses règles inflexibles, commence a céder aux principes d’une équité plus générale, et plus en harmonie avec le droit des gens et la conscience du genre humain. Le langage du consul et les ordonnances du prince constatent, sans qu’ils s’en doutent eux-mêmes, un changement notable dans les mœurs et dans les idées. Les doctrines du Christianisme, qui commençaient à se répandre dans l’empire, n’avaient-elles pas, à cette révolution sociale, une part considérable, quoique inaperçue ?

XXXIX. 4. Soror estis et frater, avus et nepotes. Schwartz lit, sorores eslis et fratres, avi et nepotes, ce qui est exactement la leçon du ms. 7840. Les deux autres (et Schæfer), sorores estis et fratres, avi et nepotes, J’ai suivi Gierig et Lallemand. La finale de sorores est la première syllabe du verbe, qu’un copiste inattentif aura liée à soror : un autre copiste, trouvant tis isolé, aura rétabli estis.

Vobis estis. Schwartz entend, « vous l’êtes pour vous-mêmes, et non pour le fisc. » Ce n’est pas là ce que demande la suite des idées. 11 faut absolument que vobis revienne pour le sens à per vos, soit qu’on le suppose à l’abl. sans préposition, ce qui semble irrégulier, soit qu’on l’explique par le datif de rapport, pour vous, relativement a vous, et sans que cela regarde personne si ce n’est vous.

Dare hereditatem. Ici « donner l’héritage d’autrui, » c’est permettre à un homme de jouir de ce qui lui appartient par la nature, et lui concéder cette jouissance comme un don.

5. Adite honores. Ces paroles s’adressent aux habitants des villes de droit latin, auxquels l’exercice des magistratures dans leurs municipes donnait la qualité de citoyen romain.

Hoc necessitudinis. C’est-à-dire hæc necessitudo, le nouveau lien où l’on s’engage en devenant citoyen romain. Ce nouveau lien neminem destituet velut truncum abruptum amputatumque, ne laissera plus un père seul et sans famille en détruisant pour lui tous les rapports de parenté. Schwartz construit, hoc necessitudinis abruptum, c.-à-d., hæc necessitudo abrupta , « les liens de famille rompus. » Mais comment hoc pourrait-il se rapporter à une idée dont il n’est pas question dans la phrase précédente, surtout lorsque hoc necessitudinis rappelle si naturellement capessite civitatem ? Il est inutile aussi de prendre, avec Schwartz, truncum pour un adjectif.

XL. 1. Ac ne remotus quidem, etc. Gesner a fort judicieusement remarqué que le chapitre devait commencer ici, et non à Carebit onere vicesimœ.

Cuicunque modica pecunia ex hereditate alicujus obvenerit. Telle est exactement la :leçon du ms. 7840. Les deux autres ont cujuscunque modi ea pecunia... Lallemand lit : cujuscunque modica pecunia ex hereditate alicui obvenerit ; et en note : ita recte regius codex vetus. Ce cod. vet. ne peut être que le 7840, et je viens de dire ce qui s’y trouve réellement : on voit par là combien Lallemand a mal lu. Schwartz et Gesner ont déjà donné la véritable leçon.

4. Ne dii quidem possunt. Que venait de faire Trajan ? il venait de remettre une dette. Tout créancier peut en faire autant, et Pline ose dire que les dieux ne le peuvent ! Car il a beau donner à l’acte de Trajan une apparence de merveilleux en disant que ce prince a pourvu au passé : in prœteritum subvenire, réduit à sa juste valeur, ne signifiera toujours que faire grâce d’une dette arriérée. Comment un homme de bon sens a-t-il poussé si loin l’abus de l’esprit ? Je donnerais de l’or, dit Gesner, pour que Pline n’eût pas écrit cette phrase.

Id est, effecisti ne, etc. J’ai écrit, avec Lallcmand , id est au lieu de idem. Déjà cette leçon était recommandée par Livinéius, J. Lipse et Gruter, et elle donne beaucoup plus d’unité à la période. Recommencer une phrase par Idem effecisti, c’est annoncer un nouveau fait, tandis qu’il est toujours question du même. Cependant Lallemand se trompe quand il dit avoir lu id est dans le vetus codex. Ce ms. porte réellement idem : il est vrai que em y est constamment représenté par la même abréviation que est ; et, si le mot n’était pas précédé d’un point et écrit avec une capitale, on pourrait croire que c’est en effet id est. C’est cette confusion si facile qui m’a fait préférer cette dernière leçon.

XLI. 1. Collationes. On appelait ainsi les contributions extraordinaires que les villes et les particuliers offraient au prince, soit au commencement de son règne, soit à l’occasion d’une victoire, ou de quelque autre événement, heureux ou malheureux. Ces dons, qui d’abord étaient volontaires, devinrent, avec le temps, un véritable impôt, aussi forcé que tout autre. Caligula (Suét. 42) se fit payer tribut à la naissance de sa fille, sous prétexte qu’il n’avait pas le moyen de la nourrir. Néron (Suét. 38) épuisa les provinces, a force d’en recevoir et d’en exiger des dons de cette espèce après l’incendie de Rome. Titus au contraire (Suét. 7) refusa même ce que l’usage et les convenances lui permettaient d’accepter, ne concessas quidem ac solitas collationes recepit. Déjà Auguste (comme lui-même le déclare dans le Monument d’Ancyre) avait refusé plusieurs fois l’aurum coronarium, que, dès le temps de la république, les peuples offraient aux généraux vainqueurs.

Donativum reddidisse, congiarium obtulisse. Schwartz pense qu’ici reddidisse a le même sens que le simple dedisse. L’opposition de ce verbe avec obtulisse me fait croire plutôt qu’il signifie payer ; car le don militaire était une dette que la coutume, sinon la loi, imposait aux princes à leur avènement.

2. Nihil retinuissent. Ces deux mots ne sont dans aucun de nos mss. Schwartz les a empruntés aux anc. édd. Schæfer a imprimé detinuissent ; mais il déclare en noie qu’il préfère retinuissent.

Nec auferas quidquam. Cette leçon est celle du ms. 7840. Comme Schwartz l’avait déjà vue dans celui de Wolfenbüttel, et qu’il la trouve bonne, je l’ai admise, au lieu de et nihil auferas. À la suite de ces derniers mots, le n° 7805 porte, ut si nihil largiaris et auferas omnia supersint. Schwartz, qui note cette addition, écrit… et auferas omnia, supersint omnia : c’est une erreur, si son cod. paris, est le nôtre ; omnia ne s’y trouve qu’une fois. Il est probable au reste que l’incise ajoutée est une glose : elle rendrait la période lente et ennuyeuse à force de symétrie. Le n° 7840 n’en offre pas la moindre trace, non plus que le n° 8556. Celui-ci manque même d’une négation indispensable : il porte, tibi cum tam multa largiaris et auferas omnia supersint.

XLII. 1. Voconiæ et Juliœ leges. La loi des Douze Tables appelait à la succession du père tous les enfants et petits-enfants qui étaient en sa puissance, et cela sans distinction de sexe (Instit. III, 1, § 1). Mais on trouva que cette loi, ne restreignant pas assez les richesses des femmes, laissait une porte ouverte au luxe, qui est inséparable de ces richesses. En l’an 584, le tribun T. Voconius en lit rendre une autre, qui ôtait le droit d’hérédité, soit testamentaire, soit ab intestat, aux filles de tout citoyen possédant une certaine fortune, que Gaïus, Instit. II, § 274, fixe à cent mille sesterces. Un père pouvait seulement laisser à sa fille des legs d’une quotité déterminée. Comme cette rigueur du droit était contraire aux sentiments naturels, on l’éludait par le moyen des fidéicommis, sans parler des autres contraventions que sans doute on ne manquait pas de se permettre. C’était une riche matière pour les délateurs, intéressés par des récompenses à faire rentrer au fisc ou au trésor les legs illicites et les héritages caducs. Le liv. 27 de l’Esprit des Lois de Montesquieu fait parfaitement comprendre cette loi Voconia. Elle fut adoucie, dans quelques-unes de ses dispositions, par la loi Papia Poppéa, dont nous avons parlé plus haut, et qui elle-même était destinée à compléter la loi Julia, de Maritandis ordinibus. Pline parle de ces lois au pluriel, à cause du grand nombre de titres dont elles étaient composées.

Majestatis… crimen. Voyez, sur la loi de majesté, Tacite, Ann. I, 72, et passim ; Montesquieu, Grand, et dêcad. des Rom. 14.

2. Reddita est amicis fides, etc. Tac. Hist. I, 2 : Odio et terrore corrupti in dominos serai, in patronos liberti ; et, quibus deerat inimicus, per amicos oppressi.

3. Servile bellum. Allusion aux révoltes d’esclaves qui avaient mis plus d’une fois la république en péril. Voyez not. sur Tacite, t. II, p. 412.

4. Principem illum. Domitien.

XLIII. 1. Nunc quia scriptus, nunc quia non scriptus. Sous les Caligula, les Néron, les Domitien, il fallait qu’un père de famille léguât une partie de sa fortune à l’empereur, s’il voulait conserver l’autre partie à ses enfants ou à l’héritier de son choix. C’est ainsi qu’Agricola nomma Domitien cohéritier de sa femme et de sa fille. Ce tyran, aveuglé par la flatterie, ne voyait pas, dit Tacite, 43, que les bons pères ne font héritiers que les mauvais princes. Caligula (Suét. 38) cassa, sous prétexte d’ingratitude envers César, les testaments de tous les centurions primipilaires qui, depuis le commencement du règne de Tibère, n’avaient rien légué, soit à ce prince, soit à lui-même. Et en général il annulait tout testament où il n’était pas nommé, pour peu qu’un délateur vint dire que le défunt avait manifesté quelquefois l’intention de tester en faveur de César. Voyez d’autres exemples pareils dans Suétone, Nér. 32 ; Domit. 12. — Quant au texte de cette phrase, il était fort altéré dans les anciennes édd. Schwartz l’a définitivement constitué tel que nous le donnons, et tel qu’il se trouve dans nos trois mss.

Falsis… iniquis tabulis. Des testaments supposés ou injustes. — Plus bas, furor n’est pas la folie proprement dite, qui rend incapable de tester ; c’est la folie momentanée qui naît de la colère : Ira furor brevis est.

4. Cesserit parum gratus. L’ingratitude était la cause la plus ordinaire de la rescision des testaments.

5. Hausta et implicata. Telle est la leçon adoptée par Gesner et par Schwartz. Ce dernier dit avoir trouvé implicata dans le ms. de Venise ; et ce mot répond en effet à laqueis, comme hausta répond à hamos. Nos trois mss. ont hausta et multiplicata. Celle variété de leçons vient, selon Gesner, de ce que, quelque copiste ayant écrit aucta pour hausta, un second aura changé implicata en multiplicata, pour que les deux participes fussent mieux en rapport l’un avec l’autre. Mais hausta me semble inattaquable, à cause de la justesse de la métaphore et de l’accord des mss. Lucien, dans un sujet semblable, se sert de la même figure ; Dialog. Mort. 8 : Καὶ νῦν Ἑρμόλαος ἔχει τἀμὰ ὥσπερ τις λάβραξ καὶ τὸ ἄγκιστρον τῷ δελέατι συγκατασπάσας.

XLIV. 4. Et afferebas excusationem adoptati. Cette leçon, qui est celle des mss. 7805 et 8556, et de l’éd. de S. G., fait un sens excellent. Pline dit à Trajan que, si lui-même a éprouvé que c’était une tâche pénible de succéder à Nerva, personne cependant n’aurait eu le droit de lui demander pourquoi il s’en était chargé : il n’avait pas désiré l’empire ; c’est l’adoption qui le lui avait donné, et il l’avait reçu par obéissance. Schwartz et Gesner, qui préfèrent adoptanti, et qui expliquent, « vous alléguiez cette excuse à Nerva quand il vous adoptait, » semblent oublier que ni Dion ni Pline ne disent que Nerva eût consulté Trajan avant de l’adopter, et que d’ailleurs l’un était à Rome et l’autre en Germanie. En supposant que Trajan, dans sa réponse à Nerva, ait employé des formules de modestie, ce n’est pas à cela que peut faire allusion le mot excusationem, puisque l’imparfait afferebas, en relation avec expertus et ipse es, se rapporte évidemment au temps où déjà Trajan était empereur. Comp. tout le chapitre 9, ci-dessus.

5. An prona parvaque sunt, etc. Pline parle trop comme un esclave récemment délivré : on dirait que le joug de Domitien pèse encore sur sa tête. Ne pas faire acheter la sûreté aux dépens de l’honneur est le premier devoir de tout gouvernement : ce n’est pas là un éloge.

7. Acuuntur isto integritatis et industriæ pretio similes, dissimiles alliciuntur. Avant Schwartz on lisait isti, que ce critique, d’après une conject. de J. Lipse, a changé en isto : cette leçon parfaitement claire, est aujourd’hui reçue. L’éd. de J. de la Baune porte, acuuntur isti integritatis et industriæ pretio : similes, dissimiles alliciuntur, ce qui est le texte de nos trois mss. et de l’éd. de S. G., sauf la ponctuation, et l’ altération du premier mot, écrit dans l’édit. accuuntur, dans le ms. 7840 acciuntur, dans les deux autres accuntur. « Malgré l’heureuse correction due à J. Lipse’, dit Gesner, Arntzénius a pourtant mieux aimé manger du gland, balanèfagein, » c’est-à-dire qu’il a préféré l’ancien texte. La critique de Gesner n’est pas polie, et de plus elle n’est pas juste. On peut, sans mériter d’étre renvoyé au gland primitif, soutenir une leçon donnée par tous les mars., et même en tirer un sens qui est tout à fait dans le goût de Pline ; le voici : « Les prix de l’intégrité et du talent sont un aiguillon pour l’homme qui les reçoit, un attrait pour ceux qui lui ressemblent, ajoutons même pour ceux qui ne lui ressemblent pas. »

XLV. 4. Prœjecturam morum. Depuis la chute de la république la censure n’existait plus. César (Suét. 76) s’en lit donner les pouvoirs sous le titre de Prœjectura morum. Auguste prit comme lui la surveillance perpétuelle des mœurs , sans accepter le nom de censeur : toutefois, en 732, il nomma deux censeurs, L. Munatius Plancuset Paulus Ëmilius Lépidus Dion, LIV, 2), et ce furent les deux derniers particuliers qu’on vit revêtus ensemble de cette dignité. Claude (Suét. 16) se nomma censeur et s’associa L. Vitellius. Enfin Domitien joignit à ses autres titres celui de censeur perpétuel, qui se trouve sur plusieurs de ses médailles. Pline nous apprend ici que Trajan ne voulut être ni censeur ni préfet des mœurs. Cf. Beaufort, Rép. rom., t. III.

5. Flexibiles... ducimur a principe. Comparez Massillon , Petit Carême, Exemples des grands. Claudien , IV Cons. Honor. 209, a dit aussi :

Componitur orbis
Regis ad exemplum ; nec sic inflectere sensus
Humanos edicta valent, quam vita regentis.
Mobile mutatur semper cum principe vulgus.

XLVI. 1. Obtinuit aliquis, etc. Domitien (Suét. 7) avait interdit la scène aux histrions ou pantomimes, en leur laissant toutefois le droit d’exercer leurs talents dans leurs maisons. Déjà, sous Néron, ces baladins avaient été chassés d’Italie et rappelés ensuite. Voyez Tacite, Ann. XIII, 25, XIV, 21, et la note, t. III, p. 400 ; de plus, Suétone, Nér. 16.

3. Utrumque recte. Pline veut louer également Trajan et Nerva, qui avaient fait tout le contraire l’un de l’autre. Il était difficile qu’il trouvât pour cela un argument bien solide. Si un mauvais prince a fait quelque chose de bien, pourquoi donc le défaire ? Mais Nerva était un prince faible, qui avait cédé aux clameurs populaires : Trajan, plus fort et en même temps plus adroit, impose au peuple sa propre volonté.

4. Scenici imperatoris. Néron. Voyez Suétone, 20 sqq. ; Tacite, Ann. XVI, 4, et passim.

7. Tum tuo seculo nihil est, etc. Schæfer, d’après Gesner, lit tuo in seculo, sans tum. D’abord tum est nécessaire pour répondre à quum, qui commence la période : ensuite il est dans nos trois mss. ; seulement ils ont tum in seculo ; le n° 7840 a un petit o sur la finale de tum. Peut-être faudrait-il lire, avec Schwartz, tum tuo in seculo, ou s’en tenir à la leçon des mss. tum in seculo ; ce chapitre même offre déjà un exemple de seculum employé sans déterminatif, et le Panégyrique en renferme plusieurs autres. Quant à quum ita comparatum sit, le ms. 8556 porte cum ita comparatum est situt, etc. ; d’où je conclus que le mieux serait de lire, quum ita comp. est,… tum, etc. Sit peut avoir été introduit après la disparition de tum, ou à cause de l’habitude où l’on est de joindre quum au subjonctif, mode qui n’est point admis dans la formule quum… tum, signifiant d’un côté… d’un autre côté. Cependant, comme le subjonctif peut subsister sans trop altérer le sens, j’ai cru ne devoir rien changer. Voyez Méth. latine, § 480, et la Rem.

8. Qui est tranquillissimus status. Je ne sais pourquoi Schæfer supprime est. Ce verbe est dans tous nos mss.— Quant au fond de la pensée, on pourrait se demander s’il est vrai que les honnêtes gens puissent vire tranquilles, quand les méchants ne craignent rien ; au moins faudrait-il que ces derniers eussent la crainte des lois. Il est fâcheux, disait le consul Fronton, en parlant de Nerva d’avoir un prince sous qui rien n’est permis, plus fâcheux d’en avoir un sous qui tout est permis (Dion, LXVIII, 1).

XLVII. 1. Dicendi magistris. Trajan aimait les savants, quoique lui-même n’eût qu’un savoir borné et une éloquence médiocre. Aurél. Vict. Epitome, 13.

Sapientiæ doctoribus. Trajan était peu versé dans l’étude spéculative de la philosophie ; mais il en pratiquait les œuvres, et sa philosophie était en action. Dion, LXVIII, 7.

Exsiliis puniebat. Domitien chassa tous les philosophes de Rome et de l’Italie (Tacite, Agr. 2 ; Suétone, Dom. 10). Aulu-Gelle, XV, 11, nous apprend que ce fut à cette occasion qu’Épictète se retira de Rome à Nicopolis.

4. Publicarum ædium nomine. L’empereur était en même temps grand pontife ; et, comme l’a remarqué J. Lipse, la loi voulait que le grand pontife habitât in publico. Auguste , au lieu de se loger dans un édifice public, avait ouvert au public une partie de son palais (Dion, LIV, 27). Nerva et Trajan ne faisaient que renouveler cet ancien usage, tombé en désuétude sous des princes qui se renfermaient chez eux comme dans une forteresse.

6. Juxta te tamen. Telle est la leçon de Schwartz et de nos trois mss. Schæfer omet te.

XLVIII. 4. Multo rubore suffusa. Voyez Tacite, Agr. 45, et la note, t. VI, p. 428.

5. Secretumque captantem. Domitien (Suét. 3) avait l’habitude de se renfermer des heures entières dans son cabinet, pour y méditer ses vengeances. Cf. Tac. Agr. 39.

XLIX. 2. Non solitudine. Ce mot est opposé à civium celebritate. Au lieu de solitudine. Schæfer imprime encore altitudine, quoique Gesner déclare qu’il ne sait d’où vient cette leçon. Tous les mss. ont solitudine.

4. Num autem serias, etc. Ici num convient, parce que la réponse doit être négative : aussi la leçon n’est-elle pas contestée.

Non remissionibus tuis, etc. Cette question et toutes les suivantes doivent commencer par non, pour nonne, parce qu’elles supposent des réponses affirmatives : aussi deux de nos mss. et l’éd. de S. G. ont-ils uniformément non. Le ms. 7840 varie entre non et num. Schæfer lit, num remissionibus tuis ; aux autres interrogations, il met non.

6. Ante medium diem, Suétone, 21, rapporte que Domitien faisait, au milieu du jour, un repas abondant, et qu’au repas du soir, appelé cœna, qui était le principal chez les Romains, il ne prenait presque rien.

Plenus ipse et ructans. Ce tableau de Domitien à table, que l’orateur applique négativement à Trajan, est rempli de détails qui répugnent à notre délicatesse. Je doute que personne, prince ou particulier, fut flatté d’un éloge qui, suivant l’expression d’un commentateur, se réduit à dire : Tu non es porcus. Pline mcine aurait-il adressé en face de tels compliments à l’empereur ? Il les lut devant un auditoire bienveillant, réuni pour entendre une composition ingénieuse et savamment étudiée : là il était plus libre que devant le sénat et le prince. Du reste, j’ai affaibli le moins qu’il m’a été possible les traits de cette peinture ; mais je les ai rendus à Domitien, en substituant la troisième personne à la seconde. Le sens n’y perd rien, et les convenances de notre langue sont mieux observées.

8. Peregrinœ superstitionis mysteria. Juste-Lipse entend ces mots des prêtres d’Isis, de Bellone et de Cybèle, qui, venus d’Égypte, de Cappadoce ou de Syrie, affluaient à Rome, et promenaient par les bourgs et par les maisons leur charlatanisme, leurs danses bizarres et leur mendicité, prédisant l’avenir ou égayant les festins pour de bonnes rétributions. Voyez Juvénal, Sat. VI, 511, et Apulée, liv. 8, et liv. 9 initio. Quant au texte, j’ai garde la leçon mysteria, que défend Schwartz et qui est généralement reçue. Deux de nos mss. ont ministeria, le n° 7840 minsteria, et l’éd. de S. G. misteria, Schwartz convient que ministeria se trouve encore dans d’autres mss. qu’il ne désigne pas. Il pourrait se faire que ce fût la véritable leçon, dans le sens de ministri, ce qui ne changerait en rien la pensée de l’auteur.

Inde tibi parcus et brevis somnus. Pline ne veut pas dire que Trajan dort peu, à cause de la sobriété de ses repas : Dion, LXV11I, 7, nous apprend que Trajan aimait le vin. Inde ne marque pas conclusion, il marque succession : l’auteur a parlé des heures consacrées au travail et aux audiences, ensuite des heures du délassement et de la table ; il arrive enlin à celles du sommeil ; et il a montre ainsi tout l’emploi de la journée.

L. I. Nec unius oculis… jusqu’à majus est. Ce passage est un de ceux que le P. Bouhours cite avec éloge, ainsi que la phrase qui commence par Tanta benignitas, à la page suivante, § 6.

3. Nec jam clarissimorum virorum, etc. Comparez les plaintes éloquentes de Cicéron, Philipp. II, 26 sqq., au sujet de la maison de Pompée envahie par Antoine.

4. Domini scientis. La leçon scientis, appuyée par tous les mss., défendue par Gronovius, par Gesner, par Schwartz, et par Ernesti, est inattaquable. C’est donc à tort que Lallemand a gardé la vieille conjecture non servientis. Cependant les critiques que je viens de citer expliquent mal domini scientis. Ces mots ne se rapportent pas à Trajan ; il ne s’agit pas non plus d’un propriétaire qui, possédant un nombre borné de domaines, peut les connaître tous. Pline veut dire que les maisons des grands citoyens de l’ancienne Rome appartiennent maintenant à des maîtres qui connaissent tout le prix d’une telle possession, et qui savent quels souvenirs de gloire s’attachent à ces demeures illustres, à ces demeures qui, comme dit Pline, Hist. Nat, XXXV, 2, reprochaient chaque jour à un propriétaire sans vertu qu’il entrait dans le triomphe d’autrui, exprobrantibus tectis quotidie imbellem dominum intrare in alienum triumphum. C’est à ces indignes détenteurs d’héritages usurpés, que le panégyriste oppose des maîtres capables d’apprécier les biens qu’ils possèdent : domini scientis.

6. Illos magni aliquando imperatoris hortos. Les Romains appelaient horti, ce que les Italiens nomment aujourd’hui une villa, c.-à-d. une maison de plaisance avec ses jardins, son parc, ses viviers, ses chasses et toutes ses dépendances. Il est évident qu’il s’agit ici des villa de Lucullus, ou de Pompée, ou de quelque autre grand capitaine de Rome libre. — Schwartz remarque que aliquando manque dans son ras. Il est dans les trois nôtres.

7. Quod judicio accepisti. Trajan devait ses biens à la volonté libre, au jugement éclairé de son père adoptif, et non , comme tant d’autres, au hasard, ou à la spoliation des citoyens.

LI. 1. Immanium transvectione saxorum. Pline semble avoir emprunté à son oncle cette déclamation contre les mas¬ ses de pierre dont le transport ébranle les maisons et fait osciller le faite des temples. Celui-ci, Hist. Nat. XXXVI, 2, remarque, avec une sorte d’indignation, que M. Scaurus, beau-fils de Sylla, décora sa maison, sur le mont Palatin, de colonnes de marbre hautes de trente-huit pieds, et que, lorsqu’on les y transporta, l’entrepreneur des égouts se fit donner caution pour le dommage qu’elles pourraient causer. « Et ces « masses énormes, ajoute-t-il, étaient traînées au domicile « d’un particulier ! » Apparemment celles qui servaient à construire les édifices publics n’ébranlaient pas moins, sur leur passage, les voûtes et les murailles : or Pline le jeune va louer Trajan de ce qu’il élève des portiques, des temples, un cirque digne du peuple roi. Le fait est que Trajan aimait à bâtir, et qu’il remplit Rome et les provinces de monuments de toute espèce. Aurél. Vict. Epitom. 41, rapporte que Constantin le comparaît à la pariétaire, à cause du grand nombre d’édifices sur lesquels son nom était inscrit (cf. Amm. Marc. XXVII, 3). Mais Trajan bâtissait pour le public et Domitien pour lui-même, et c’est ce contraste que l’orateur a voulu signaler. On peut voir, au sujet du palais de Domitien, les adulations emphatiques de Stace, Silv. IV, 2, et les justes censures de Plutarque, Nie de Publicola, 15.

2. Satis est tibi nimiumque, etc. Je lis cette phrase comme elle se trouve dans nos trois mss. L’édition de S. G. et beaucoup d’autres, au lieu de magnum, portent magis, dont on a fait par conjecture mavis, qu’ont adopté Gesner et Schæfer. Pourquoi n’en avoir pas fait plutùt majus ? — J’avais ponctué ainsi dans la première édition : Satis est tibi nimiumque, quum successeris frugalissimo principi ; magnum, etc., et j’avais traduit : « C’était beaucoup de succédera l’économie « de Nerva ; c’est plus encore de trouver du superflu à retrancher sur ce qu’il vous a laissé comme nécessaire. » Ce sens, pris en lui-même, est d’une justesse incontestable ; mais est-il facile de le retrouver dans le texte latin sans en forcer un peu la construction ? Il s’en présentait un autre, qui pourrait séduire au premier abord : « Succédant à un prince « très-économe, vous avez plus de biens qu’il ne vous en faut. » Mais comment lier cette pensée à la suivante : « c’est une grande action de retrancher quelque chose à ce qu’un tel prince vous a laissé comme nécessaire ? » car enfin ce prince a du laisser d’autant plus de biens qu’il était plus-économe, et alors il y a peu de mérite à trouver du superflu dans son héritage. Aussi peu satisfait de mon commentaire que de ceux des autres, j’ai proposé, dans une note additionnelle, placée à la fin du volume, une nouvelle explication à laquelle je m’en, tiens, et que je crois la véritable. Elle consiste à entendre par frugalissimo un homme qui retranche non-seulement sur ses dépenses, mais encore sur ses possessions. Or Dion, LXVIII, 2, nous apprend que Nerva rendit tout ce qui existait encore dans le trésor des confiscations de Domitien, qu’il fit au peuple de grandes distributions de terres, qu’il vendit, pour subvenir aux besoins de l’état, beaucoup de meubles et d’effets précieux du palais, ainsi que des domaines et des maisons qui lui appartenaient en propre. D’un autre côté, nul doute que homo frugi ne signifie un homme désintéressé aussi bien qu’un homme économe : selon Cicéron, Tuscul. III, 8, frugalitas contient toutes les vertus ; et, entre autres vices auxquels le philosophe oppose celte qualité, il nomme spécialement l’avarice. Je mets donc deux points après nimi mque. et je traduis ainsi : « Vous croyez avoir assez et trop de biens : successeur du plus désintéressé des princes, il est beau de trouver du superflu à retrancher sur ce qu’un tel prince vous a laissé comme nécessaire. » Une traduction italienne de M. l’abbé Imbimbo, publiée à Naples en 1830, mais dont je n’ai eu connaissance qu’en faisant imprimer cette nouvelle édition, ponctue le latin exactement comme je le fais, et le rend ainsi : « Abbastanza tu reputi possedere, ed anche troppo : cd essendo ad un parcissimo principe succeduto, gran fatto è rifiutare alcuna delle cose che quegli come necessarie lasciô. » Cette traduction ne diffère de la mienne que par la manière de rendre frugalissimo ; là, je crois, est tout le nœud de la difficulté.

2. Recidere. Ici j’ai cédé, peut-être à tort, à l’autorité des critiques. Nos trois mss. et l’anc. éd. portent rejicere. Il est vrai que amputare semble appeler recidere ; et le sens général est d’ailleurs le même.

3. Occulta celeritate. Une célérité qui échappe aux regards, qui est telle qu’on voit la fin de l’ouvrage sans en avoir remarqué les progrès ; une vitesse, pour ainsi dire, occulte, magique, un enchantement enfin. Ces mots fixent le sens de commutata : en voyant ces grands édifices achevés en si peu de temps, on dirait que le terrain qu’ils occupent, ou les bâtiments qu’ils ont remplacés, n’ont fait que subir un changement de forme, une rapide métamorphose. Comparez ci-dessus, p. 161, n° 5.

Hinc immensum, etc. Schæfer, hic. J’ai suivi Schwartz et les mss. 7840 et 8556.

4. Proprius spectandi Cæsaris suggestus. Telle est la leçon des mss., et rien n’autorisait Schwartz à substituer spectanti Cæsari, à spectandi Cæsaris. Il ne faut cependant pas entendre, comme Gesner, in quo Cæsar spectandus proponeretur : il ne s’agit nullement de cela. Spectandi est un gérondif génitif, qui détermine suggestus. Ces deux mots doivent être réunis par la pensée en une sorte de composé, analogue aux composés allemandsde même signification, Schaustuhl et Schauzimmer. Spectandi-suggestus forme ainsi une expression complexe, qui signifie tribune pour regarder, loge, et qui est déterminée par Cæsaris (loge de César). Rien n’est mieux constaté que cet emploi simultané du gérondif en di et d’un autre génitif. Sanctius, Minerve, III, 8, l’explique d’une manière peu satisfaisante, mais il en cite un grand nombre d’exemples. Je ne lui emprunterai que le suivant, tiré de Cicéron, de Invent. II, 2 : Ex majore enim copia nobis, quam illi, fuit exemplorum eligendi potestas ; où eligendi-potestas forme une idée unique, de laquelle dépend l’autre génitif, comme si l’on disait optio exemplorum, et en français : « nous avons le choix (le pouvoir de choisir) parmi de plus nombreux exemples. » Ii n’y a donc rien à changer au texte de Pline, et la correction que propose Schæfer, proprius spectandi Cæsari suggestus, n’est pas plus nécessaire que celle de Schwartz. Je ne dois pas laisser ignorer que M. Imbimbo, qui explique fort bien spectandi suggestus, fait dépendre Cæsaris, non de ce terme synthétique, mais de proprius. Cette solution, fort plausible au premier coup d’œil, le serait encore davantage, si Cæsaris était placé immédiatement à côté de cet adjectif, et si l’autre explication, fondée sur une analogie générale, et rendant compte de toutes les constructions semblables, ne devait par là même être préférée.

Cubiculum principis. Cette tribune de l’empereur était placée parmi les sièges des sénateurs. Pline l’appelle ici cubiculum, parce que le prince y était renfermé comme dans une véritable chambre, tandis que, le cirque et les théâtres n’ayant pas de toit, le reste des spectateurs était exposé aux injures de l’air. C’est Jules-César qui le premier se fit construire une tribune particulière au théâtre, et Suétone, 76, compte cet acte parmi ceux qui lui attirèrent le plus de haine.

Locorum quinque millia. Juste-Lipse et Gesner trouvent que cette addition de cinq mille places est bien peu de chose, quand le cirque contenait, dès le temps de Jules-César, deux cent soixante mille spectateurs (Pline, XXXVI, 24). Peut-être un copiste aura-t-il fait une erreur dans le nombre.

LII. 2. Sic fit ut dei… servent. La forme 'dei pour dii est rare, mais elle n’est pas sans exemple. Plaute, Trinum., II, 4, 89, dei divites sunt. Ce mol va donc très-bien avec servent. Mais Schwartz cite un ms. de Padoue, qui a serves ; alors dei serait au génitif, et Pline dirait à Trajan, « vous êtes un dieu pour les hommes, parce que vous n’usurpez point les honneurs des dieux, » à peu près comme Horace dit à Auguste, dis te minorem quod geris, imperas. Mais un seul ms. ne peut prévaloir contre tous les autres. D’ailleurs, que l’on examine la phrase, et l’on verra que ipse, sujet du second verbe, est nécessairement opposé au sujet du premier, ce qui ne pourrait être si tous deux se rapportaient à Trajan.

Quum deorum ipse non appetas. J’ai suivi le texte de Gesner, appetas, au lieu d’adeptus. Quelques mss. seulement portent sis adeptus ; et il est très-probable que sis aura été introduit par quelque copiste, que choquait avec raison adeptus isolé et sans verbe. Mais cet isolement même d’adeptus me porte à croire que ce participe aura pris la place du verbe adpetas ou appetas (Juste-Lipse avait conjecturé adoptes). Toutefois Schwartz aimerait beaucoup mieux la phrase lue de cette manière : Sic fit ut summum inter homines fastigium serves, quum deorum ipse non sis adeptus. Mais la suppression de dei est trop arbitraire ; et ipse, n’étant plus opposé à rien, devient inutile. Ce critique entend d’ailleurs, par non sis adeptus, vous n’avez pas pris, non capessieris, ce qui est peut-être forcer un peu le sens d’adipisci (obtenir, atteindre).

7. Atrocissima effigies. Il s’agit sans doute de cette statue équestre de Domitien, que Stace, Silv. I, 1 , célèbre avec une emphase qui montre jusqu’où pouvait aller, dans ces temps de tyrannie et de bassesse, le génie de l’adulation.

LIII. 4. Vindicatus Nero. Domitien, pendant la dernière année de son règne, était préoccupé de l’idée qu’il périrait victime d’une conjuration. Pour apprendre à ses serviteurs qu’il est toujours dangereux d’attenter à la vie d’un maître, il fit mourir l’affranchi Épaphrodite, qui avait aidé Néron à s’enfoncer le poignard dans la gorge. Suétone, Dom. 14.

LIV. 1. Commissionibus. Les jeux de la scène, et entre autres, ces combats où les orateurs et les poètes se disputaient le prix de leur art. Auguste (Suét. 89) ne voulait pas non plus que son nom y fût prononcé : Admonebat prætores ne paterentur nomen suum commissionibus obsolefieri. Cf. Suét. 43, commissione ludorum. Gesner et Ernesti soutiennent avec raison la leçon commissionibus, admise à la place de commessationibus, qui du reste est dans nos mss.

Saltarentur. Cette expression, d’une ironie si neuve et si mordante, se retrouve dans le Dial, de Tac. sur les Orat., ch. 26 : Jactant cantari, saltarique commentarios suos : On chante, disent-ils, on danse leurs plaidoyers.

4. Menses etiam... nomini Cæsarum dicabamus. Deux mois de l’année portaient déjà et portent encore les noms de deux Césars, Jules et Auguste, et sans doute ce n’est pas de ceux-là que l’orateur veut parler ; mais Domitien (Suét. 13), après avoir usurpé le surnom de Germanique, appela le mois de septembre Germanicus, celui d’octobre Domitianus. Avant lui, Néron (Suét. 55 ; Tac. Ann. XV, 74) avait donné son nom au mois d’avril, et, comme Néron s’appelait aussi Claudius Germanicus, on avait voulu que mai devînt Claudius, et juin Germanicus (Tac. Ann. XVI, 12). Plus anciennement encore, ce nom de Germanicus avait été appliqué à septembre par Caligula (Suét. 15). Ces honteuses innovations ne survivaient pas aux princes qui les avaient ordonnées ; et le sénat se hâtait d’en purger le calendrier , dès qu’il était délivré de la crainte du tyran. Cf. Macrobe, Saturn. I, 12, in fin.

5. Ad usum munusque justitiæ. Pour l’usage de la justice, c.-à-d. afin d’user , de jouir de ce qui est juste ; pour une fonction de justice, c.-à-d. afin d’être les ministres de la justice et d’en faire jouir les autres.

6. Trabibus aut saxis. Par le mot trabibus il faut entendre, non des poutres de bois, mais ces pierres transversales qui sont posées sur les colonnes d’un édifice el forment l’architrave. Horace, Od. II, 18, les désigne de la même manière : Non trabes hymettiæ premunt columnas ultimarecisas Africa.

LV. 4. Aut decernimus nos, aut tu non recusas. Schwartz et Gesner rejettent les deux aut, qui sont pourtant dans nos trois mss. et dans beaucoup d’autres. Ils semblent même nécessaires pour appeler davantage l’attention du lecteur sur la modestie de Trajan , qui, parmi les honneurs que lui offre le sénat, n’excepte de son refus que les moins éclatants.

5. Quod omni liberas suspicione. Si Trajan refusait tous les honneurs que le sénat lui décerne, on pourrait supposer que le sénat ne sait pas en choisir qui soient dignes du prince, ou que le prince ne les trouve pas offerts avec les sentiments d’une assez pieuse reconnaissance. Voilà le soupçon à l’abri duquel Trajan met le sénat en acceptant quelques honneurs, mais seulement les plus modestes. — Schwartz est le premier qui ait fait connaître le texte complet de cette phrase, et Gesner l’a donné d’après l’indication fournie par ce critique : notre ms. 7840 vient à l’appui de ceux dont Schwartz s’autorise. Du reste, tous ont quod omni, qui paraît appelé par quod sumptibus ; cependant Schwartz a imprimé, par conjecture, quos omni, qui est peut-être meilleur. Avec quod il faut sous-entendre nos.

LVI. 2. Necdum de biennio loquor. Pline prit possession du consulat le premier septembre de l’an 100 de notre ère, et c’est alors que dut être prononcé devant le sénat le discours dont ce Panégyrique n’est que le développement. Près de trois ans s’étaient écoulés depuis l’adoption de Trajan, qui avait eu lieu vers la fin de 97. L’orateur remarque ici qu’il n’a pas encore fait l’histoire de deux années. Et en effet il n’a pas encore parlé du troisième consulat de Trajan, qui commença le premier janvier de l’an 100, ni des comices où Trajan fut nommé à ce consulat, ni du refus qu’il en avait fait avant son retour à Rome, ni même (si ce n’est par allusion, sup. XII, 3) du deuxième consulat qu’il avait exercé sur les bords du Danube. Le biennium du texte ne désigne donc pas le temps qui s’écoula entre l’avénement de Trajan et les actions de grâces que Pline lui adressa étant consul.

3. Secundum consulatum recepisti. Trajan fut consul pour la seconde fois le premier janvier 98, quelques semaines après son adoption, lorsque Nerva vivait encore.

4. Gestum non in hoc, etc. Ces mots sont une apposition a la phrase précédente ; voilà pourquoi gestum est à l’accus. Avant Gesner on lisait gestus. Le ms. 7840 confirme la leçon gestum, que Schwartz avait déjà trouvée dans plusieurs autres.

6. Decora facies ! consulis… tribunal, etc. C’est à tort que quelques-uns construisent, Decora facies consulis. Comp. sup. XXXV, 1, Memoranda facies ! delatorum classis, etc. ; et inf. LXXXII, 3, Fæda facies, quum

Tribunal viridi cespite exstructum. Le tribunal ou tertre de gazon sur lequel le général se plaçait pour haranguer son armée, écouler les plaintes et rendre la justice. Ce tribunal était élevé à la tête du camp, où étaient aussi les aigles et les étendards.

7. Certam fori pacem. Cette leçon, donnée par tous les mss., est inattaquable. Elle s’oppose parfaitement à campos immanes, c.-à-d. infestos, hostiles, barbaros (cf. Cic. pro Marc. 3 : gentes immanitate barbaras). Quant au peu de convenance de victoris vestigio premere avec fori pacem, qui ne sait que très-souvent en latin le verbe ne convient qu’a celui des régimes dont il est le plus près, et que la phrase n’en est pas moins claire ? C’est donc sans aucun fondement qu’à pacem la plupart des édd. ont substitué partem.

Imminere minacibus ripis. Comme ceux qui gardaient les rives du Rhin, à l’abri de bons retranchements, et occupaient ces camps fortifiés dont Tacite parle si souvent dans les Annales, et surtout dans les Histoires.

Spernere barbaros fremitus. Comme Trajan, sur les bords du Danube, en face de Décébale et des Daces.

8. Apud imagines. Sur le tribunal de gazon dont nous venons de parler, on plaçait, dans les occasions solennelles, l’image du prince, afin qu’il reçût, comme s’il était présent, les hommages de l’armée ou des nations étrangères (cf. Tacite, Ann. XV, 29 ; Dion , LXII, 23). C’était devant cette effigie qu’on le saluait imperator, lorsqu’un de ses lieutenants avait remporté quelque victoire.

LVII. 1. Excusatus honoribus. Lallemand lit exsatiatus, leçon introduite par Cuspinien et qui n’est dans aucun ms. Excusatus, avec le datif, est bon. Tacite , Ann. I, 12, Nequaquam decorum pudori suo legere aliquid aut evitare ex eo cui in universum excusari mallet. Dialog. sur les Or. 5 : Faciam quod probi et modesti judices solent, ut his cognitionibus se excusent, etc. Avec expletus, il faut sous-entendre de nouveau honoribus, mais à l’ablaiif,

In se transferebant. Othon, après avoir usurpé l’empire au commencement de janvier, se nomma consul avec son frère Titianus pour le premier mars, quoique l’année entière eût déjà été réglée par Galba ou par Néron. Tacite, Hist. I, 77, et la note.

2. Principatus sui fine. A la nouvelle des mouvements de Vindex et de Galba, Néron , sous prétexte que les Gaules ne pouvaient être vaincues que par un consul, destitua ceux qui étaient en exercice , et se subrogea seul à leur place. Suétone, Nér. 43.

3. Nihilque imputari in eo, etc. J’ai dû reproduire exactement cette phrase, un peu obscure à force de finesse. Pline veut dire : « Ceux qui trouveraient que le nombre de vos honneurs est trop grand, ne peuvent vous porter en compte ce consulat, vous le reprocher, puisque vous l’avez reçu par obéissance ; par la même raison, il ne peut non plus servir d’exemple et d’excuse à l’ambition d’un autre. » Voilà une face de la pensée ; en voici une seconde : « L’honneur que vous fait votre obéissance et l’exemple de soumission qu’elle donne à autrui, sont les seules choses dans ce consulat dont on puisse vous tenir compte, vous remercier. » Cette double interprétation était-elle présente à l’esprit de l’auteur ? ou résultait-elle uniquement, mais nécessairement, de la double acception d’honor (magistrature et gloire) et de la grande généralité du mot exemplum ? La dernière hypothèse me paraît la plus probable. Beaucoup d’équivoques apparentes tiennent à la plus ou moins grande compréhension des mots latins, et pouvaient fort bien n’être aperçues à Rome ni de l’écrivain ni du lecteur.

4. Non illos, etc. Marius et Jules-César, qui furent consuls l’un sept fois, l’autre cinq.

Sepositis et absentibus. Atilius Régulus Séranus, Quintius Cincinnatus, et d’autres. Pline, Hist. Nat. XVIII, 4 (3) ; Denys d’Halic., liv. X, p. 644.

Ut prœgravem. Ces mots ne signifient pas que Trajan a refusé le consulat comme trop pesant pour lui, mais comme pouvant être à charge aux autres, impopulaire, invidiosus enfin, comme Pline vient de le dire. La leçon prægravem, déjà rétablie par Schwartz, au lieu de pergravem, est confirmée par nos trois mss.

Papyriis… et Quintiis. L. Papyrius (ou Papirius) Cursor, qui fut cinq fois consul, de l’an de R. 421 à l’an 441 ; et T. Quintius Capitolinus, qui l’avait été six fois, de l’an 283 a l’an 315.

LVIII. 1. Continuis consulatibus. Domitien se donna sept consulats de suite. Il fut en tout dix-sept fois consul. Suétone, Dom. 13.

2. Ter consul. Cette partie des Fastes est si obscure, à cause du grand nombre des consuls subrogés, qu’on ne peut savoir de qui Pline veut parler ici (voy. Schwartz ad h. l.). Cette incertitude m’a décidé à traduire dans le sens le plus littéral. Il serait possible cependant que ter consul signifiât un homme qui avait été trois fois consul, sans l’être encore à l’époque dont il s’agit.

3. Consularis viri triumphalisque filius. Voy. ci-dcssus, p. 171, n° 2. Ces mots ne sont pas opposés à etiam privatus. Tout citoyen, excepté le prince, était privatus ; mais le fils d’un consulaire et d’un triomphateur, quoique homme privé, avait droit aux plus hautes distinctions.

4. Aperire annum. Les consuls ordinaires entraient en charge le premier janvier, et y restaient un certain nombre de mois, qui a varié suivant les époques. Les consuls du reste de l’année s’appelaient suffecti ; et , quoiqu’ils fussent inscrits dans les Fastes, les événements de l’année entière étaient datés par le nom de ceux qui l’avaient ouverte (Dion, XLVIII, 35). Quand l’empereur se faisait consul, il ne manquait jamais de s’attribuer le consulat ordinaire.

LIX. 4. Ut majorent eum, etc. J’ai donné, au bas de la p. 96, la leçon de Gesner. Schwartz, tout en rejetant augustiorem, dit qu’il se trouve dans le ms. de Paris. Cependant aucun des trois mss. de la Bibliothèque du roi ne porte ce mot ; et puisqu’il n’est point non plus dans les autres, il doit être définitivement banni du texte. Nos trois mss. ont aussi gerendoque, et non gerendo, que Schwartz attribue, comme augustiorem, au cod. parisiensis.

2. Nunc vero postulanius, etc. Tous les mss. portent cum vero... Schwartz a pensé qu’il y avait une lacune, et il restitue ainsi : Cum vero postulamus ut suscipias gerasque consulatum, postulamus ut futuros principes doceas, etc. La correction de J. Lipse, généralement adoptée, est moins hardie, puisqu’elle se borne à changer cum en nunc. Cependant, comme les mss. du Panégyrique offrent plus d’un exemple d’omissions graves, la restitution de Schwartz n’est pas à mépriser.

'Velut excitatos. Lallemand lit velut excitari, d’après les mss. du roi, dit-il. La vérité est que le n° 7840 a excitatos, et les deux autres excitati.

3. Exieris gentibus. Schæfer a conservé ceteris gentibus. Nos trois mss. portent exteris, que Schwartz avait déjà trouve dans les siens.

4. Liceat experiri an aliquid superbiœ, etc. A force de raffiner sur les compliments, Pline finit par en adresser à son héros qui sont à peine civils. Pour mieux louer Trajan, il va jusqu’à mettre en doute sa vertu. Peu de princes s’accommoderaient d’un pareil éloge, et peu de lecteurs approuveront cet abus de l’esprit et ces longueurs infinies. J’aperçois l’écrivain qui veut plaire au public ; je ne vois pas le consul parlant au maître du monde en présence du sénat.

6. Quum principem.... deceat, Pline veut dire que le prince, sûr de sa grandeur, doit adoucir par sa simplicité l’éclat du rang suprême, tandis que le consul a besoin de faire respecter des citoyens et du prince la dignité de sa charge. Mais quand le prince et le consul sont un seul et même homme, que devient l’ingénieuse distinction du panégyriste ?

LX. 1. Proximo anno. Le troisième consulat que refusa Trajan devait tomber sous l’an 99 de notre ère : il lui fut donc offert en 98, pendant qu’il était encore absent ; et il n’espérait pas être revenu à Rome pour en prendre possession aux calendes de janvier 99. L’époque précise de son retour est inconnue ; mais ce chapitre prouve que son absence fut assez prolongée.

Jam urbi… redditus. Ces mots ne se rapportent pas au temps où l’orateur prononce dans le sénat l’éloge de Trajan : ils se rapportent à celui où, pendant l’année 99, le sénat pressait de nouveau Trajan d’accepter enfin ce troisième consulat qu’il avait refusé l’année précédente (proximo anno). Car toutes les prières, tous les conseils que Pline adresse ici au prince sont une fiction oratoire. C’est le résumé de ce que l’on pouvait dire pour vaincre sa modestie. Cette observation s’applique également au chapitre 59 tout entier.

2. Adi. Juste-Lipse et J.-A. Ernesti préféreraient audi. Adi n’est en effet qu’une répétition d’adscende ; et de plus il n’est ni dans les mss. de Schwartz, ni dans les nôtres, ni dans l’éd. de S. G. Tous portent unanimement adire, et Ernesti suppose que ce mot pourrait bien être un impératif passif. Il aurait pu citer, à l’appui de son hypothèse, quelques formes analogues, par ex. Cic. ad. Q. Fr. I, 2, § 15 : neque prœtores… adiri possent ; Tite-Live, XXXVII, 6 : aditus consul idem illud responsum retulit ; Sénèque, Herc. fur. 733 : aditur illo Gnossius Minos foro. Je choisis à dessein des phrases où il s’agit de magistrats et de tribunal. Peut-être faudra-t-il finir par rendre au texte de Pline l’adire des mss.

5. Singularibus viris. Schwartz examine longuement quels pouvaient être ces hommes éminents auxquels Trajan donne des troisièmes consulats. Il s’arrête à croire que c’étaient M. Julius Fronto pour janvier et février, Acutius Nerva pour mars et avril. À cette époque les consulats duraient ordinairement deux mois. Nous verrons, LXI, 6, que Trajan prolongea le sien davantage, afin que plus d’un consul put s’honorer d’avoir eu l’empereur pour collègue.

6. Aut, si putet, amet. Cf. Tacite, Ann. IV, 1, et la note, t. II, p. 405.

LXI. 1. Ter consule accidente. M. Julius Fronto, si la conjecture de Schwartz est juste. — Tertio consulem designatum. Acutius Nerva.

4. Ut enim felicitatis est, etc. Cette phrase a une analogie remarquable avec le bel éloge que Cicéron adresse à César, pro Ligar. 12 : Nihil habet nec fortuna tua majus, quam ut possis ; nec natura melius, quam ut velis servare quam plurimos.

6. Quid, quod duos pariter tertio consulatu collegas tui sanctitate decorasti ? Ce texte est celui de Gesner., de l’éd. de S. G. et d’un ms. de Venise, cité par Schwartz. Tui est le génitif du pronom personnel, et il semble plus élégant que le pronom possessif tua. Pline dit plus bas, LXXVI, 1, sub exemplo tui ; Tacite, Ann. II, 13, fruitur fama sui. Cependant tous les mss., excepté celui de Venise, répètent duos avant collegas. On lit dans les trois nôtres : Quid, quod duos pariter tertio consulatu, duos collegas tui sanctitate decorasti ? leçon fort intelligible et à laquelle on aurait peut-être dû s’en tenir : « Vous avez décoré deux sénateurs à la fois d’un troisième consulat, vous avez communiqué à deux collègues la sainteté qui vous consacre. » Juste-Lipse propose de remplacer collegas par collegii, en prenant ce mot dans le sens de societas muneris ; et Gierig a imprimé, d’après cette conjecture : Quid ? quod duos pariter tertio consulatu, duos collegii tui sanctitate decorasti. Schwartz va plus loin : il suppose une lacune et la remplit ainsi, toutefois avec les signes du doute critique : Quid ? quod duos pariter tertio consulatu, duos collegas tertii consulatus tui sanctitate, decorasti. Cette restitution est arbitraire, et de plus elle est inutile. On ne peut choisir qu’entre la leçon que j’ai suivie avec Schæfer, et celle que donnent le plus grand nombre de mss.

9. Nisi dum finiuntur. Juste-Lipse remarque avec raison qu’il s’était écoulé plus d’un an entre le deuxième et le troisième consulat des sénateurs dont il s’agit. Il y a donc ici, comme dans tout le morceau depuis le n° 6, un peu d’exagération oratoire.

LXII. 1. Omnium quidem… accepisse videantur. Voilà encore une pensée que Pline semble avoir empruntée, en la développant, à Cicéron, pro Marc. 1 : Est vero fortunatus ille, cujus ex salute non minor pæne ad omnes, quam ad illum ventura sit, lætitia pervenerit. Nous venons d’en remarquer une visiblement imitée du pro Ligario. Argument contre les sceptiques qui dénient à Cicéron deux de ses chefs-d’œuvre.

2. Publicis sumptibus minuendis. Cinq commissaires avaient été nommés sous Nerva pour réduire les dépenses publiques (Pline, Ep. II, 1). Dion, LXVIII, 2, parle aussi des nombreuses économies opérées par ce prince. Elles portaient principalement sur les sacrifices, sur les jeux du cirque et les autres spectacles.

7. Probatos senatui viros suspicit. Au lieu de suspicit, leçon reçue par J. Lipse, Gesner, Lallemand, Schæfer et beaucoup d’autres, Schwartz lit suscipit, qu’il explique par consilio, et opéra, et commendatione adjuvat ac tuetur. Je dois dire que suscipit est en effet dans nos trois mss. et dans l’éd. de S. G. La confusion est très-facile entre ces deux mots.

LXIII. 1. Comitiis tuis interfuisti. Ce chapitre et ceux qui suivent sont intéressants pour l’histoire des élections sous les empereurs. Tibère, comme dit Tacite, Ann. I, 15, avait transporté les comices, c.-à-d. l’élection des magistrats, du Champ de Mars au sénat. C’était le prince qui désignait les candidats ; c’était le sénat qui faisait les nominations. Pline, Ep. III, 20, IV, 25, VI, 19, nous fait en quelque sorte assister aux séances de cet ordre, et nous apprend avec quelle vivacité l’on s’y disputait des honneurs qui ne donnaient plus guère dans Rome qu’un vain éclat, mais qui assuraient aux titulaires des droits au gouvernement des provinces. Nous voyons ici qu’après l’élection faite au sénat on allait la confirmer au Champ de Mars : on y convoquait le peuple pour la forme, et là on accomplissait toutes les cérémonies usitées sous la république. C’est à ce simulacre de comices que Trajan assiste en personne, pour s’y entendre proclamer consul devant le peuple, après avoir été élu par le sénat. Mais au moins il y assiste, ce que ne faisaient pas ses prédécesseurs ; et, si par là il ne rend pas la vie à des institutions qui ne peuvent plus renaître, il fait preuve de respect pour les anciennes coutumes. Cf. Tacite, l. c., et les notes, t. I, p. 413, et t. 1, p. 412.

5. Liberœ civitatis ne simulationem quidem serves. Dans la première édition, j’avais lu civitati, que j’essayais de justifier par la note suivante : « Les leçons civitati et civitatis sont également autorisées par les mss. Avec le datif, j’explique littéralement : « A l’égard d’une cité libre, « nous ne conserverez pas même une simple apparence, « une fiction, un faux semblant de ce qui devrait être ! » En ce sens, simulationem offre une idée complète, et n’a pas plus besoin d’être déterminé par un génitif, que la locution française garder ou sauver les apparences n’a besoin d’un complément. Si l’on préfère civitatis, avec Schwartz et Gesner, on expliquera : « Vous ne conserverez pas même les apparences d’une cité libre, l’image de l’ancienne liberté ! » Le lecteur choisira. » — Je suis convaincu aujourd’hui que civitatis est préférable, et j’ai traduit en ce sens.

LXIV. 3. Si sciens fefellisset. Cette leçon est défendue par Ernesti, adoptée par Lallemand et Schæfer ; et Schwartz prouve, par beaucoup d’exemples, que la formule ordinaire était si sciens fallo. Cependant Schwartz lui-même lit scienter, qui est en effet dans nos trois mss. et dans tous les autres. Si cet adverbe est de Pline, c’est, le seul exemple connu où il signifie sciemment : partout ailleurs il est synonyme de scite, perite, intelligenter. Je laisse à la critique le soin dejuger s’il devra, ou non, être rétabli dans le texte.

LXV. 1. Quas nemo principi scripsit. Les lois qui obligeaient les consuls à monter à la tribune en prenant possession de leur charge, et à jurer devant le peuple qu’ils useraient du pouvoir dans l’intérêt de l’état, n’avaient pas été faites pour les princes, puisqu’elles existaient du temps de la république. De plus, le décret d’investiture que le sénat rendait à l’avènement de chaque empereur (voy. not. sur Tacite, t. V, p. 436 sqq.) dispensait celui-ci de certaines lois, et l’on était accoutumé à voir les empereurs se dispenser eux-mêmes de toutes les lois. Trajan faisait donc une action digne d’éloges on se soumettant à celle des institutions républicaines dont la violation eût été le moins remarquée.

Quod ego nunc primum audio. Gesner lit quod ergo, et Schwartz quid ergo, avec interrogation. Est-ce par erreur que ce dernier attribue ergo au cod. paris. ? Nos trois mss. ont uniformément quod ego. Je pouvais d’autant moins me dispenser de rétablir une leçon si bien appuyée, que Schwartz n’a trouvé quid que dans deux mss. Ce qui semble avoir causé l’hésitation des critiques, c’est cette incise qui se trouve à la tête de la phrase, au lieu d’être placée après les mots auxquels elle se rattache ; mais cette position insolite elle-même attire plus fortement l’attention, et donne plus de solennité aux paroles de l’orateur : un prince soumis aux lois ! c’était alors une chose inouïe, un fait prodigieux.

2. Non pejerari. Schwartz lit pejerare, qui est en effet dans les mss. Juste-Lipse a donné pejerari, malheureusement sans dire d’après quelle autorité. Arntzénius soutient pejerare, en disant que Trajan avait intérêt à ne pas se parjurer, parce que son parjure eût autorisé celui des autres. Mais que devient l’opposition entre les deux membres de la phrase ? et que devient le rapport de la phrase entière avec les mots qui la précèdent, jurat observantibus his quibus idem jurandum est ? Il suffit qu’un très-ancien copiste ait mis un e à la place d’un i pour que tous l’aient imité.

3. Pauculis diebus. Domitien (Suét. 13) ne resta jamais consul au delà du premier mai ; plusieurs fois il abdiqua dus les ides de janvier, et presque toujours il se contenta de posséder le litre sans remplir de fonctions.

LXVI. 1. Quidquid de jurejurando dicendum erat. Pline a parlé du serment que fit le prince en prenant possession du consulat, et de celui qu’il fit, selon l’usage, en quittant cette magistrature. Il va parler maintenant des actes de ce même consulat, le troisième de Trajan. Nous sommes donc arrivés au premier janvier de l’an 100 de notre ère.

2. Insurgere. Gardons-nous de joindre ce verbe, comme fait Gesner à publicis utilitatibus, et de le comparer au nunc insurgite remis de Virgile. Insurgere est pris absolument, comme dans Tacite, G. 39 : Si forte prolapsus est, attolli et insurgere haud licitum. Le sénat, courbé par la tyrannie, était à genoux : qu’il se lève !

3. Ut facilius esset iratos quam propitios habere. Le délateur Marcellus, dans Tacite, Hist. IV, 8, se plaint que l’amitié de Néron n’a pas été pour lui moins pleine d’alarmes, minus anxiam, que pour d’autres l’exil. Minus anxiam nous donne, par opposition, le sens de facilius. Nous disons en français : « Il est des hommes avec lesquels les relations ne sont pas faciles, qui n’ont pas le caractère aisé, qu’il n’est pas commode d’avoir pour amis. » Le latin facilis se prête aux mêmes acceptions. Cicéron, pro Cœl. 12, l’emploie même avec tolerabilis, dont il devient presque synonyme : Adolescentiæ cupiditates… si ita erumpunt ut nullius vitam labefactent, nullius domum evertant, faciles et tolerabiles videri solent. C’est donc à tort que, sur une simple conjecture, Arntzénius a remplacé facilius par felicius, qui s’entendrait assurément, mais qui n’aurait pas à beaucoup près la même finesse.

5. Nihil subdolum, nihil denique, quod, etc. Schæfer, d’après Gesner, lit : nihil subdolum denique, quod…, et Schwartz, nihil subdolum, denique nihil, quod…, ce qui est confirmé par le ms. 7840. La variation des mss. en cet endroit, et des traces de lettres grattées dans le n° 8556, entre subdolum et denique, m’ont autorisé à remettre nihil a sa place naturelle.

LXVII. 2. Tenebit ergo semper quod suaserit. Schwartz, lit quid suaserit. Les mss. sont en effet partagés : le n° 7840 porte quidquid ; 8556, quid ; 7805 et l’édition de S. G. quod. Avec le subjonctif, quid conviendrait sans doute ; mais je regarde suaserit comme un futur antérieur, et alors quod me semble préférable : avant de promettre, César est décidé a se rappeler toujours ce qu’il aura promis. Il ne faut pas oublier que Pline explique ici la disposition d’esprit où était le prince en parlant au sénat : Equidem hunc parentis publici sensum, etc.

3. Et pro salute principum. J’ai suivi la leçon que Schwartz a préférée, et qu’il assure être dans un ms. du Vatican. Les trois nôtres portent : Nuncupare vota et pro æternitate imperii, et pro salute principum, ac propter illos pro æternitate imperii solebamus. On voit que les mots pro salute principum, immo sont omis, ce qui vient évidemment de la répétition des mêmes termes dans une même ligne. Un copiste n’aura fait attention qu’au second principum. Le n° 7840 restitue en marge, d’une plus grosse écriture (je n’ose pas assurer que ce soit d’une autre main), pro salute civium, immo. Mais, sous les despotes qui précédèrent Trajan, il ne pouvait être question, des citoyens dans les vœux solennels. Et la formule de correction immo ne tombe que sur l’ordre de ces vœux : les premiers n’étaient pas pour l’éternité de l’empire, ils étaient pour le salut du prince ; et, si l’on parlait ensuite de l’empire, c’était uniquement dans l’intérêt de l’empereur. Du reste Gesner lit ainsi toute la phrase : Nuncupare vota et pro æternitate imperii, et pro salute civium ? immo pro salute principum, ac propter illos pro æternitate imperU solebamus. — Pour ce qui regarde ces vœux, lesquels avaient lieu le 3 janvier de chaque année, voy. J. Lipse. Excurs. B sur Tacite, Ann., XVI, 22.

4. Hæc pro imperio nostro. Gesner voudrait qu’on lût imperatore nostro. Cette correction est inutile : j’attache a imperio nostro le même sens ; nostro marque l’opposition du temps présent au temps passé, de l’empire sous Trajan à l’empire sous Domitien.

5. Tui cupitis. Cette leçon a été rétablie par Schwartz, au lieu de corporis. Nos trois mss. la confirment.

7. An merearis. Schwartz dit que le cod. paris, porte quod merearis. Serait-ce une erreur de la collation communiquée à ce savant ? an est dans nos trois mss., et parfaitement lisible.

8. Manum armavi. Lorsque Trajan remit au préfet du prétoire Saburanus l’épée du commandement, il la tira du fourreau, et, la présentant à cet officier, il lui dit : Prends ce glaive afin de t’en servir pour moi, si je fais mon devoir ; contre moi, si je ne le fais pas. Aurél. Vict., de Cæs., 13 ; Dion, LXVIII, 16.

Si susceperit invita, ne debeat. Trajan désire que, si la république fait pour lui des vœux qu’elle aimât mieux ne point faire, elle ne soit jamais tenue de les acquitter ; en d’autres termes, il désire que ces vœux ne soient pas exaucés. Car on doit l’accomplissement d’un vœu, debemus votum, lorsque l’objet demandé est obtenu. C’est dans le même sens que nous avons vu plus haut, 4, digna vola quæ semper solvantur : vœux dignes d’étre toujours acquittés par ceux qui les ont faits, c’est-à-dire, d’être toujours exaucés par les dieux. Quand on a obtenu l’effet d’un vœu, on est voti reus, voti ou voto damnatus. Cf. Virg., Ecl., V, 80, damnabis tu quoque votis.

LXVIII. 2. Securus tibi el lœtus dies exit. Nous venons de dire que le 3 janvier on offrait pour l’empereur des vœux solennels. Le premier du même mois, on lui renouvelait le serment à Rome et aux armées. Ce qui prouve qu’il s’agit de cette dernière cérémonie, c’est ce qu’on a lire inf, 4, scis tibi ubique jurari, quum ipse juraveris omnibus.

5. Istud tamen non tui facimus amore. Il peut se faire qu’on aime le prince à cause de soi, et non à cause de lui. Mais le lui dire avec si peu de ménagement, n’est-ce pas, sous l’apparence de la franchise, une flatterie au fond peu délicate ? Valérius Messala disait à Tibère (Tac., Annv I, 8) qu’il ne prendrait jamais conseil de lui quand il s’agirait du bien public. Il faut laisser aux flatteurs des tyrans cette affectation d’indépendance.

7. Istis auribus. Telle est la leçon de nos trois mss. Schwartz et Schæfer, illis. Islis convient mieux pour désigner la seconde personne.

LXIX. 1. Illo die. Il s’agit, dans ce chapitre et dans les suivants, des élections auxquelles Trajan présida pendant qu’il était consul.

6. Sunt in honore hominum, in honore famœ. Le mot honoré, aux deux endroits, est suspect à Schwartz. Il est certain que in ore hominum, in ore famœ, serait d’une latinité mieux autorisée. Mais, de ce qu’une locution se trouve rarement, ou peut-être une seule fois, ce n’est pas une raison pour la rejeter, quand les mss. sont unanimes.

Ex tenebris oblivionis. Le sens est clair, mais l’ellipse est trop forte pour ne pas être remarquée. Juste-Lipse soupçonne qu’un copiste a omis extracta ou quelque autre participe semblable. Observons cependant que la préposition ex suffit, à la rigueur, pour indiquer cette idée.

Cujus est ut nobiles et conservet et efficiat. Cette leçon est claire, si l’on sous-entend proprium avec est ; mais il n’est pas certain qu’elle soit la véritable. Schwartz ne la trouve que dans le ms. de Padoue ; encore y manque-t-il le premier et. La plupart des autres ont cujus hæc ut nobiles… ; deux cujus hoc… ; d’où Schwartz a fait, par conjecture, cujus hoc est… Enfin beaucoup d’éditeurs, depuis Cuspinien jusque Lallemand, ont lu, cujus hæc intentio est, ut… Là du moins le sens est plein, si, par intentio, l’on entend, non pas intention, dessein, mais, comme dit Schwartz, summum studium, nisus, et qu’on rapporte cujus, non à Trajan, mais à indulgentia. C’est ainsi que Pline dit plus bas, LXXI, 4 : Mihi quidem non tam humanitas tua, quam intentio ejus admirabilis videbatur. Certes, si l’on était sûr que hæc intentio est vînt d’un ms. ou d’une éd. pr., il faudrait le préférer. Dans le doute, je m’en suis tenu, avec Schæfer, à la leçon du ms. de Padoue et de la très-ancienne éd. de S. G.

LXX. 1. Inque ea civitatis, etc. Lallemand conserve la leçon des mss., qui n’offre pas de sens raisonnable : in quem ea civitas amplissima reditus egregia constitutione fundaverat. Supposerons-nous, avec Arnlzénius, que la province avait fait des rentes à son questeur, en reconnaissance de sa bonne administration ? Je doute que c’eût été pour lui un titre à l’estime du sénat et du prince : et d’ailleurs il faudrait prouver que fundare reditus in aliquem signifie constituer un revenu à quelqu’un, et que ea civitas est synonyme de en provincia. La correction de cette phrase est due à J. Lipse.

8. Nam si profuerint. Ce verbe a pour sujet provinciœ. Schwartz lit prœfuerint et sous-entend magistratus. Ce critique dit que le cod. paris, a præfuerint en toutes lettres (distinctis literis). La vérité est que les mss. 7805 et 8556 ont profuerint en toutes lettres, et le 7840 en abrégé, mais avec le signe constamment employé pour la syllabe pro.

Decet alioqni nihil magis prodesse. Tous les mss. Et alioqui nihil magis prodesse, sans verbe. Juste-Lipse proposait de lire, Et liquebit, en supprimant alioqui. Schwartz garde l’adverbe et lit, Et alioqui liquet. Il est évident qu’il faut une restitution : la plus simple et la plus conforme à la liaison des idées est certainement Decet alioqui, que Lallemand avait déjà proposé.

9. Bene… inseruntur. Deux de nos mss. ne… inseruntur : le n° 7840, ne… inserantur. Bene, proposé par J. Lipse, admis par Gesner, me semble inattaquable. C’est encore un mot dont quelque copiste aura omis la première syllabe. Toutefois Schwartz a préféré Nœ… inserantur. Nœ est déjà dans l’éd. de S. G., mais avec l’indicatif.

LXXI. 3. Princeps et candidatus œcqui tum et simul stantes. Telleest la leçon d’Arntzénius et de Lallemand, et elle se rapproche beaucoup des mss., qui sont tous altérés en cet endroit : Gesner l’approuve dans sa Lettre à Ernesti. Cependant Schæfer a préféré, principis œquati candidatis et simul stantis, faisant rapporter ces génitifs à faciès. Schwartz a mis dans son texte, princeps œquatus candidatis et simul stans. Avant intueri, Schwartz et Schæfer répètent contigit, qu’il faut au moins sous-entendre, mais qui n’est pas dans les mss.

4. Securus magnitudinis suæ. On trouve dans Bossuet, Or. fun. de Henriette d’Orléans, une pensée analogue à celle-là : « On ne l’eût point vue s’attirer la gloire avec une ardeur inquiète et précipitée : elle l’eut attendue sans impatience, comme sûre de la posséder. »

5. Quam ab humilitatis. Sous-ent. periculo. J’ai suivi le texte adopté par Schæfer et par beaucoup d’autres. Ab n’est dans aucun de nos mss., et Schwartz le rejette. Quant au sens, Pline veut dire que l’homme placé au rang suprême n’est que trop disposé à s’élever encore, et que cette haute fortune offre moins d’occasions que toute autre de se rabaisser par un exces de modestie.

Quam intentio ejus. Le verbe intendere signifie également tendre quelque chose avec force, et tendre vers un objet. De là deux séries d’acceptions pour le substantif : 1° intensité, effort, chaleur d’action ; 2° direction, tendance, et (dans un sens plus moderne) intention. Il s’agit ici de la vivacité, de la politesse franche et empressée avec laquelle Trajan offrait aux candidats ses félicitations. Cf. inf LXXVIII, 3.

6. Ut si alii eadem ista mandasses. Trajan employait avec les candidats des formes si polies, il mettait dans ses paroles tant d’action et de feu, que les rôles semblaient changés. On aurait cru, dit l’orateur, qu’au lieu d’adresser un compliment au candidat, vous le chargiez d’une commission. Vous lui parliez comme a un homme auquel vous auriez recommandé l’objet même dont il s’agissait entre vous, eadem ista. Voilà, je crois, le sens véritable d’une phrase que je ne trouve expliquée nulle pari d’une manière satisfaisante. Orationi désigne, non pas le discours du prince au sénat (il ne faisait pas de discours en ce moment), mais les compliments qu’il adressait aux candidats. Eadem ista se rapporte aux choses qu’il leur disait, et non à oculos, vocem, manum.

Quum suffragatorum nomina honore quo solent exciperentur. Après que le consul qui présidait à l’élection (ici ce consul était le prince lui-même) avait présenté un candidat, celui-ci nommait les sénateurs qui appuyaient sa candidature, suffragatores (Pline, Ep. III, 20). Comme ce ne pouvait être que des hommes distingués, leurs noms étaient accueillis avec un murmure favorable, honore exciperentur. Cela parait tout simple, et je ne conçois rien à l’opinion des commentateurs qui prétendent non suffragatorum nomina plausu excipi, sed candidatorum. C’est pourtant sur un motif aussi léger que Schwartz, ordinairement si réservé, bouleverse toute la phrase, à laquelle même il ajoute un mot : Atque etiam quum suffragatores candidatorum nomina, honore quo solent, exciperent. Pourquoi changer les textes, quand ils offrent un sens clair, simple, évident ?

6. Perhibere testimonium merentibus. Ceci s’applique, aussi bien que ce qui précède, aux suffragatores : c’est la suite naturelle et nécessaire des idées.

7. Ornanque se, non illos magis quos laudabas, lœtabatur. Le sujet de lætabatur est senatus, et se est à l’accusatif : je m’abstiendrais de celle observation, si Gesner ne faisait de se un ablatif dépendant de magis. Schwartz lit ornari qui se ; tous nos mss. ont ornarique.

LXXII. 1. Quod precatus es. La formule de cette prière, que le président des comices adressait aux dieux avant de proclamer le nom des nouveaux consuls, se trouve dans Cicéron, pro Murœna, 1. Le magistrat qui la prononçait s’y nommait le premier : Ui ea res mihi, magistratuique meo, populo plebique romanœ, bene atcque feliciter evemiret. Trajan au contraire ne s’est nommé qu’après le sénat et la république.

Ordinatio comitiorum. Il faut entendre par ces mots la tenue même des comices et la distribution des magistratures entre les candidats. Cf. Suétone, Dom., 4.

5. Acclamationes. Schwartz ne cite que deux mss. qui aient ce mot : tous les autres, y compris ceux de Paris, et l’éd. de S. G., ont exclamationes, qui mériterait peut-être d’autant mieux d’être rétabli dans le texte, que Cicéron, de Orat, III, 26, emploie exclamatio absolument dans le même sens. Du reste, acclamationes va se rencontrer plusieurs fois encore ; voilà pourquoi je l’ai également conservé ici.

6. Ecquando... audisti ? ecquando dixisti ? Nos trois mss. ont et quando à l’une et à l’autre place. Il est évident que les copistes ont ainsi altéré ecquando. Schwartz et Schæfer, quando audisti, et quando dixisti ? la forme ecquando est la plus convenable quand la réponse doit être négative.

7. Sed quæ appareant quœsita ab invitis. Schæf. sed quæ appareat. J’ai conservé le pluriel avec Schwartz et nos trois mss.

Utque jam maxime eadem ab ulrisque dicantur, alter dicuntur. Cette phrase est altérée dans beaucoup d’éd. Celle de S. G. omet aliter dicuntur. J’ai suivi le texte de Schwartz, qui est exactement celui de nos trois mss. Gesner supprime jam. Cet adverbe paraît cependant utile pour compléter le sens : Utque jam maxime... dicantur... « en supposant que l’on arrive une fois à dire... »

LXXIII. 1. Non amictus cuiquam, etc. Ce passage trouve son commentaire le plus naturel dans Mamertinus, Gratiar. act. Juliano, 29 : Vidimus attonitos admirantium vultus, multiformes lœtantium status, varios corporum motus... Illa jactatio togarum, illa exsultatio corporum nescientibus pæne hominibus excitabatur. Omnem modestiam populi, omnem verecundiam tui gaudia effrena superaverant.

Quem modo extulerat. J. Lipse suppose qu’il faudrait lire domo au lieu de modo, et qq. édd. ont introduit cette coujecture dans le texte. Entre ces deux mots la confusion était facile ; mais la correction n’est pas nécessaire : modo s’entend très-bien, et domo peut se sous-entendre.

Resultantia vocibus tecta. Il s’agit non des maisons voisines, mais de la salle même du sénat, où venaient de se faire les élections.

2. Quis tunc non e vestigio suo exsiluit ? Ernesti trouve ces détails mesquins el peu dignes du beau morceau qui précède. Je trouverais plutôt l’enthousiasme impétueux et désordonné des sénateurs peu digne de cette grave assemblée. Mais Pline retrace ce qu’il a vu, devant des auditeurs qui l’ont vu comme lui : c’est une peinture des mœurs romaines, une scène de la vie réelle ; il serait à regretter que nous n’eussions pas ce tableau.

Quis exsiluisse sensit ? Le pronom se est-il omis ? est-il sous-entendu ? Tacite le supprime souvent dans des phrases pareilles. Au reste, Schwartz dit qu’il se trouve dans un des mss. de Venise.

5. Abstergeres. Ce verbe, depuis longtemps admis dans le texte, ne se trouve dans aucun ms. Tous laissent la phrase incomplète. Mais si l’origine en est incertaine, le sens en est clair : Pline souhaite que Trajan n’essuie jamais la rougeur de son front, c’est-à-dire qu’il ait toujours des occasions de rougir ainsi.

6. Hoc ipsum templum, has sedes... interrogemus. J’ai suivi le texte de Gesner, reproduit par Schæfer ; du reste, templum n’est dans aucun de nos mss. Les nos 7805 et 8556 portent, hoc ipsum luis sedes nos quasi responsuras interrogemus ; et c’est ainsi qu’a lu Schwartz. J. Lipse, qui le premier a proposé templum, a remarqué ensuite que l’on pouvait entendre hoc ipsum (nempe quod dico de lacrymis) nos interrogemus has sedes. Cette observation ôte à la leçon templum son principal appui, et cependant j’ai peine à croire qu’elle ne soit pas bonne : Pline aurait-il écrit hoc ipsum lias sedes, en prenant hoc dans un sens et has dans un autre ? Quant à nos, Schwartz convient qu’il préférerait nobis. Notre ms. 7840 est fort altéré en cet endroit : hoc ipsum sedes tua nos quasi responsuras interrogemus.

LXXIV. 1. O te felicem ? Dans ce chapitre, Pline commente fort ingénieusement les acclamations du sénat en l’honneur du prince. Mais on demandera peut-être à quoi servent tous ces développements, et ce que nous dirions d’un orateur qui viendrait, après huit mois, faire une amplification sur des cris de joie qui ordinairement naissent et meurent avec la circonstance. C’est que, chez les Romains, le souvenir en était plus durable. Un vœu, un compliment, un mot échappé à l’enthousiasme, étaient recueillis et consignés au procès-verbal. Il y avait même dans les acclamations quelque chose d’officiel, dans le désordre de la joie quelque chose de réglé. Plusieurs de ces paroles, qui n’étaient pas toutes improvisées, se répétaient dix, vingt, trente fois. A l’élection de l’empereur Tacite, les sénateurs lui dirent vingt fois : Tacite Auguste, dii te servent. On peut voir dans Vopiscus, ch. 5 , dix autres acclamations adressées au nouveau prince, dont la plus remarquable, Animum tuum, non corpus eligimus, fut répétée trente fois. Nous ne pouvons donc blâmer Pline d’avoir insisté sur des détails auxquels les Romains attachaient de l’importance, et qui, pour ainsi dire, faisaient partie du cérémonial public. Ce morceau du Panégyrique est encore une page d’histoire.

5. Pietate merita. Schwartz a conservé le pie des mss. Mais il est presque évident que cet adverbe est l’abréviation altérée de pietate. En effet, le ms. de Wolfenbüttel, au rapport du même critique, porte prae : or, le copiste n’a pas eu intention d’écrire præ ; car il représente toujours la diphth. æ par un e simple. C’est donc ptae, abréviation assez naturelle de pietate, qu’il voulait écrire.

Nisi ut dii Cæsarem imitentur. On a vivement reproché cette phrase à Pline : il est vrai qu’elle a quelque chose de paradoxal dans la forme ; mais, au fond, l’orateur ne met pas César au-dessus des dieux ; il désire seulement que les dieux aient pour les Romains les mêmes sentiments que César, et ce vœu n’a rien d’impie.

LXXV. 1. Publica acta. Sur ce qu’il faut entendre par ces mots, voy. not. sur Tacite, Ann., V, 4, et XIII, 31.

2. Nec principes possent. Telle est la leçon du ms. 7840 ; et, comme Schwartz l’a trouvée dans plusieurs autres, je n’ai pas hésité à l’admettre. Schwartz attribue la même leçon au cod. paris., qui, si c’est un de ceux que nous possédons, ne peut être que le n° 7805 ; cependant ce ms. porte, quibus nec senatus gloriari nec princeps possent ; et le n° 8556, nec princeps posset. Les trois manières sont avouées par la grammaire ; la seconde, nec senatus, nec princeps possent, est la moins bonne.

3. De bonis malisque principibus. Le sénat sans doute avait prodigué autant d’hommages aux plus mauvais princes qu’à Trajan lui-même. La distinction de l’orateur tombe donc uniquement sur les termes dans lesquels étaient conçues les acclamations, termes qui, toujours respectueux, souvent même adulateurs, n’en révélaient pas moins des sentiments tout autres pour un tyran que pour un bon prince. Cette différence est bien marquée dans la seconde moitié du chapitre 2, § 6.

5. Decipi non poterunt. Schwartz dit ici : cod. paris. habet possint. La Bibl. du roi ne possède que trois mss., et tous les trois ont poterunt.

6. Quod tunc oculis protulisti. Ici encore le cod. paris. aurait, selon Schwartz, quod nunc, tandis que tous les trois ont réellement quod tunc.

LXXVI. 1. Triduum totum senatus… sedit. Il s’agit du procès de Marius Priscus, proconsul d’Afrique, accusé par la province d’avoir vendu la condamnation et la vie de plusieurs innocents. La cause fut plaidée au commencement de janvier, époque ou les assemblées du sénat étaient le plus nombreuses, et en présence de l’empereur, qui présidait en qualité de consul. Pline et Tacite, désignés par le sénat pour avocats de la province, s’acquittèrent glorieusement de cette importante mission. Pline, Ep. II, 11.

3. Sedentarium. Ce mot est opposé à discedere, qui est un peu plus haut. Quand on adoptait un avis, on allait se ranger du côté de celui qui l’avait proposé, d’où l’expression pedibus ire in sententiam ; cette manière de voter s’appelait discessio, division, partage : ou bien il y avait ce que nous nommons un appel nominal, et chaque sénateur était consulté individuellement ; ou bien enfin on donnait son assentiment de sa place, par un mot ou par un simple signe. Voyez Aulu-Gelle, XIV, 7 ; Festus, verb, Numera senatum ; Vopiscus, in Aureliano, 20.

8. Tanta viatoribus quies. On appelait viatores des appariteurs dont la fonction principale était d’accompagner les magistrats (T. Live, II, 56 ; XXX, 39). Originairement ils convoquaient pour les assemblées les sénateurs, qui presque tous habitaient la campagne ; et c’est de là que leur vient le nom par lequel on les désigne : ex quo qui eos arcessebant viatores nominati sunt (Cic., de Senect., XVI, 58.)

LXXVII. 1. Comitia consulum. Les comices du Champ de Mars, où l’on allait proclamer les nouveaux consuls après qu’ils avaient été désignés dans le sénat. Cf. sup,. 63, et la note, p. 216.

Et tantum. Schæfer omet et, qui en effet ne se trouve pas dans nos mss. ni dans l’éd. de S. G. Mais celle-ci porte, à la ligne suivante, et quantum. La conjonction a été évidemment déplacée, et elle est nécessaire. Schwartz l’a rétablie dans son texte.

4. Ut collegas vocaret. Trajan se conformait aux usages de l’ancienne république en appelant les préteurs ses collègues. Ces magistrats étaient nommés, comme les consuls, dans les comices par centuries, et les auspices étaient pris de la même manière pour l’élection des uns que pour celle des autres. C’est à cause de cette similitude des auspices que les préteurs et les consuls étaient collègues entre eux, quoique le préteur eût une autorité inférieure à celle du consul. Cicéron, ad Attic., IX, 9 ; Tite-Live, VII, 1 ; Aulu-Gelle, XIII, 15.

LXXVIII. 1. Quartum consulatum. Trajan fut en effet consul pour la quatrième fois l’année suivante, 101 de notre ère.

Obsequio tuo crede. Ernesti interprète ainsi ces trois mots : id credere te, ostende obsequio tuo. La pensée de l’auteur me paraît bien plus simple ; la voici : « Le sénat vous a ordonné d’accepter un quatrième consulat. Et ne croyez pas que ce mot ordonner soit une flatterie déguisée : vous avez assez prouvé au sénat votre déférence pour qu’il ose vous donner un ordre. »

3. Hœc nempe intentio tua. J’ai déjà fait remarquer, p. 223, les deux sens du mot intentio. Ils peuvent se résumer ainsi, 1° efforts ; 2° but de ces efforts : « Le but de vos efforts est de ramener la liberté. » Mais de cette idée il n’y a pas loin à celle d’intention, dessein, surtout dans la construction intentio tua, si analogue à intentionem defuncti de Papinien, Dig., XXXIV, 1, 10. Dès le temps de Pline, intentio commençait donc à prendre le sens que lui ont donné les langues modernes. Cicéron eût dit mens, animus, consilium, voluntas, tout, plutôt que intentio.

LXXX. 1. In omnibus cognitionibus. Le prince, même quand il n’était pas consul, connaissait personnellement de certaines affaires, et, entre autres, de celles qui intéressaient les provinces et les armées. Pline, Ep. VI, 31, parle de plusieurs procès qui furent jugés par Trajan à sa campagne de, Centum-Cellæ (Cività-Vecchia). Claude jugeait dans sa chambre les accusations mêmes de lèse-majesté (Tac., Ann., XI, 2, et la note).

3. Atque etiam consulis. Nouveau motif pour que Trajan accepte un quatrième consulat : comme prince, il réconcilie les cités rivales ; un tel emploi est digne aussi d’un consul.

4. Velocissimi sideris move… omnia audire. Pline, Hist. nat., II, 4, (6), dit du soleil : « Brillant, radieux, sans égal, il voit tout, il entend tout : Prœclarus, eximius, omnia intuens, omnia etiam exaudiens. » Et Homère, Illiad., III, 277 : Ήέλιός ζ.

6. Qua nunc parte liber. Telle est la leçon de nos trois mss. L’éd. de S. G., au lieu de parte, a per te, erreur qui s’explique facilement. Cuspinien conserve celte faute de copiste, et lit, Qui nunc per te curarum liber, d’où Schrwartz a fait, qua nunc parte curarum liber. Mais n’est-il pas probable que Cuspinien aura introduit curarum pour donner un complément à l’adjectif ? J’ai repoussé ce mot parfaitement inutile, traînant même, et dont aucun ras. n’offre la moindre trace. — Quant à la pensée, il est à peine nécessaire d’en faire remarquer l’exagération.

Summa cum tua laude. Gesner et après lui Schæfer ont omis summa. Comme ce mot est dans nos trois mss., je l’ai rétabli avec Schwartz.

LXXXI. 3. Usurpabant autem ita, ut, etc. J’ai mis ita, avec Lallemand, et cet adverbe est approuve par Schæfer ; j’avoue cependant qu’il n’est dans aucun de nos mss.

Fractasque claustris feras. Lallemand lit clathris, et Gesner, dans sa Lettre à Ernesti, approuve aussi cette leçon. Claustris est dans nos trois mss. et dans l’éd. de S. G., et ce mot me paraît préférable, parce que la signification en est plus générale.

Mentita sagacitate colligerent. Suétone, 19, rapporte qu’on vit souvent Domitien, à sa maison du mont Albain, tuer dans une seule chasse cent animaux de toute espèce. Le récit du biographe fait assez comprendre que ces animaux étaient rassemblés et tenus en réserve pour les chasses du prince, qui du reste tirait de l’arc avec une adresse singulière, puisqu’il faisait passer une flèche entre les doigts d’un esclave placé à distance, et dont la main lui servait de but.

4. Transferre obstantia freta. Gesner lit transire, Schwartz transfretare. Ces mots ne se trouvent dans aucun ms. et transferre se trouve dans tous. Je ne vois pas pourquoi on repousserait ce verbe, quand on lit, ch. 60, de Bell. Alex. : Marcellus castra Bœtim transfert. L’accusatif freta soutient ici avec le verbe exactement le même rapport que Bœtim. Il est vrai que, dans la phrase précitée, l’objet que l’on transporte est exprimé ; mais combien n’est-il pas facile de sous-entendre navem, qui est aussi présent à la pensée du lecteur qu’à celle de Pline ? L’esprit ne peut-il pas admettre, dans ce passage tout poétique, la même ellipse, ou, si l’on veut, la même hypallage qui est vulgaire dans trajicere et dans transmittere ? Virgile, Énéide, VI, 327, fait d’ailleurs un emploi semblable de transportare, dont l’analogie avec transferre ne sera pas contestée :

Nec ripas datur horrendas et rauca fluenta
Transportare prius, quam sedibus ossa quierunt.

Si Schwartz avait songé du moins à ce dernier rapprochement, il n’aurait pas dit que transferre ne faisait aucun sens raisonnable. Combien transfretare est lourd et technique ! Combien transire est froid et inanimé ! Avec obstantia freta, c’est transferre qui est le mot propre : il faut transporter le vaisseau au-dessus de l’obstacle que la mer, gonflée par les vents, élève devant lui. Le lecteur voudra bien excuser la longueur de cette note ; il s’agissait de restituer à Pline une belle expression, et d’effacer de son texte une tache qui le déparait.

LXXXII. 1. Quantum dissimilis illi. Sur la mollesse de Domitien et sur le goût de ce prince pour sa retraite d’Albe, voy. Suétone, 4 et 19. C’est cette villa près d’Albe, que Tacite et Juvénal appellent albanam arcem. C’est dans cette forteresse de sa tyrannie que Domitien recevait les délations, et qu’il préparait la ruine des plus illustres familles. Voy. Tacite, Agr., 45, et la note.

2. Non secus ac piaculum aliquod trahebatur. Le mot piaculum est employé ici pour victima piacularis. Chez les Juifs, le bouc émissaire, chargé des iniquités du peuple, et poursuivi de ses malédictions, était chassé dans le désert. Chez les païens, la victime expiatoire était le plus souvent un homme, que l’on dévouait pour le salut commun, et sur la tète duquel on appelait tous les malheurs dont la république était menacée. Cet homme, que l’on croyait chargé de la colère céleste, était sacer, c’est-à-dire anathème ; tout contact avec lui eut été une souillure ; et, en le traînant à la mort, soit qu’il dût être jeté dans un précipice ou noyé dans la mer, on avait le plus grand soin de se tenir éloigné de sa personne. La victime était, ou un grand coupable, que la société rejetait de son sein pour échapper à la solidarité du crime, ou même un innocent qui consentait à s’offrir en sacrifice pour faire cesser quelque fléau (Servius, ad Virg., Æneid., III, 57).

5. Campis superfusa. Je lis ainsi avec nos trois mss. Quelques autres ont superflua, que Gesner a préféré.

6. Quem non fortunœ indulgentiœ molliant. Schwartz lit indulgentia molliat ; et il allègue parmi ses autorités le cod. paris. Voici les leçons non d’un codex, mais de trois : n° 7805, fortunæ indulgentiœ molliat ; 7840 et 8556, fortuna indulgentiæ molliat. Du reste Schwartz remarque, à l’appui de sa correction, que nulle part ailleurs Pline n’emploie indulgentia au pluriel. L’éd. de S. G. porte indulgentiœ molliant.

7. Nec dignitate nuptiarum. Juste-Lipse a pensé qu’il manquait ici quelques mots, qui répondraient à deorum liberos. Schæfer voudrait qu’on lût maritos dearum, ac deorum liberos, nec generis præstantia, nec dignitate nuptiarum, etc. Il est assez probable que la répétition de nec aura trompé les copistes ; mais aucun éditeur n’a osé introduire dans le texte un supplément qui ne pourrait être qu’arbitraire.

8. Illæ seriæ et intentæ… voluptates. Sunt enim voluptates, etc. Gesner conjecture, avec assez de vraisemblance, qu’à la place du premier voluptates il faudrait lire occupationes ; car Pline a dû opposer quelque chose à ludus et avocamentum. Si l’on objecte que seriæ et intentes voluptates peut désigner aussi des occupations, je répondrai que le second voluptates signifie alors tout autre-chose que le premier, ce qui n’est pas naturel. Juste-Lipse a proposé, Simul cogito… quæ quantaque sint ilia seria et intenta, et a quibus se in tale otium recipit. Voluptates sunt enim, voluptates quibus, etc. Le second voluptates lui paraît oratoire. Je crois au contraire qu’il faudrait retrancher l’un des deux, et que, pour le reste, Juste-Lipse a deviné la véritable leçon. Plus on approche de la fin de l’ouvrage, plus les mss. sont altérés. Il manquerait à cette phrase quæ quantœque sint, si ces mots ne se trouvaient pas dans l’éd. de Cuspinien.

LXXXIII. 4. Retenta patientius. Il ne faut pas oublier que le divorce était autorisé par les lois romaines.

5. Tibi uxor in decus et gloriam cedit. Lorsque Pompéia Plolina, femme de Trajan, monta pour la première fois les degrés du palais, elle se retourna vers le peuple, et s’écria : J’entre ici telle que j’en veux sortir. Et en effet, pendant tout le règne de son époux, elle ne fit pas une seule action qui méritât le plus léger reproche (Dion, LXVI11, 5). Les procurateurs de Trajan commettaient dans les provinces d’odieuses exactions : il en fut averti par sa femme, qui l’engagea fortement à les réprimer, et lui acquit ainsi une gloire moins brillante peut-être, mais plus solide que celle des conquêtes (Aurél. Vict., Epitom., 42).

Pontifici maximo. Le grand pontife avait plus d’intérêt que personne à choisir une épouse vertueuse, à cause de la sainteté de son sacerdoce, que le contact du vice aurait profanée. Or c’est Trajan lui-même qui était revêtu de cette dignité, toujours attachée à celle de prince. Pline veut donc lui dire : Quand même votre choix serait encore à faire, et que vous le feriez, non plus comme simple citoyen, mais comme grand pontife, c’est encore à Plotine que vous donneriez la préférence.

6. Probatis ex æquo. Ernesti a tort de chercher ici une difficulté ; et rien n’autorisait Schwartz à changer probatis en probati. Qui ne voit l’analogie de cette pensée avec celle de Tacite, Agr., 6 : Vixeruntque mira concordia, per mutuam caritatem, et invicem se anteponendo ? Il s’agit, dans l’un et dans l’autre écrivain, de l’estime mutuelle d’un mari et de sa femme. On désirerait vos pour régime à probatis ; mais ce n’est pas le seul exemple, dans le Panégyrique, d’un pronom sous-entendu : suspiciunt invicem, du chapitre suivant, n° 4, offre la même ellipse. Peut-être faut-il en dire autant de licebit ergo civibus tuis invicem contueri, du ch. 51, n° 4.

LXXXIV. 1. Soror autem tua. La sœur de Trajan s’appelait Marciana. Elle eut une fille nommée Matidia, qui fut la mère de Julia Sabina, femme de l’empereur Adrien. Trajan fonda en Mœsie une ville, qu’il appela, du nom de sa sœur, Marcianopolis (Amm. Marc., XXYII, 4). Marciana était morte avant le sixième consulat de son frère, qui tombe sous l’an 112 ; car Schwartz cite, d’après Gruter, une inscription de cette époque, où elle a le titre de Diva, ce qui prouve aussi qu’elle avait reçu les honneurs de l’apothéose.

An feliciter nasci. J’ai mis an, avec Schwartz, au lieu de aut, quoique sur l’autorité d’un seul ms. La règle de grammaire qui exige an est donnée par Quintilien, 1, 5, § 49 : Nam et an et aut conjunctiones sunt ; male tamen interroges, hic, aut ille, sit. Du reste l’observation même de Quintilien prouve que, dès ce temps-là, quelques personnes s’y trompaient ; mais Pline, disciple de Quintilien, pouvait-il être de ce nombre ?

4. Suspiciunt invicem. La logique et l’exemple de Tacite (Agr. 6) sembleraient demander suspiciunt se invicem ; j’explique l’absence du pronom par l’analogie apparente d’invicem avec inter se ; or Cicéron, de Nat.deor'., I, 44, dit, en parlant des dieux, inter se diligunt (ils s’aiment entre eux) phrase parfaitement claire, quoique le régime appartienne à la préposition et non au verbe.

7. Sed quæcunque illis ratio, etc. On a conclu de ce passage qu’au moment où Pline était consul, Marciana et Plotine n’avaient pas encore accepté le titre d’Augustes, qui leur est donné sur les médailles. Cependant Trajan avait déjà reçu celui de Père de la patrie ; et, d’après ce qui précède, la modestie des deux princesses aurait dû céder en même temps que celle de l’empereur. La solution de cette difficulté tient, je crois, à la manière d’entendre toute la phrase. Si l’on suppose que l’orateur remonte par la pensée à un temps déjà écoulé, comme il le fait ci-dessus, ch. 60 (voy. la sec. note), quia non vocantur ne se rapportera plus au temps où il parle, mais a celui où la femme et la sœur du prince refusaient encore le surnom d’Augustes. Or cette explication est suffisamment autorisée par les verbes obtulerat, recusasses, judicabant, qui tous reportent l’esprit du lecteur vers un temps passé.

LXXXV. 1. Jam et in privatorum animis. On lit jam etiam et… dans les mêmes mss. qui, à la ligne précédente, portent et dum, au lieu de etiam dum. Il me semble évident qu’il y a eu confusion, et que les copistes, après avoir abrégé etiam en et à la première place, l’ont reporté par erreur à la seconde. Je l’en ai rejeté d’après l’observation très-juste de Schæfer, qui pourtant l’a laissé dans le texte. L’éd. de S. G. porte etiam dum recusant. Jum etiam et… Assurément l’un de ces deux etiam est une addition maladroite.

2. Nam quæ poterat, etc. Schwartz a lu qui, dans le sens de quomodo. Les mss. sont partagés.

5. Immo tunc maxime imperator. J’ai donné, p. 142, les var. de nos trois mss. Schwartz dit que le cod. paris, a tunc maxime imperator es. Il n’y a trace du verbe es dans aucun des trois.

7. Jucundissimum. Les mss. 7805 et 8556 portent Iocundissimum, et l’o touche au c, comme partout. Si c’est bien le 7805 dont Schwartz a eu la collection (et je ne conçois pas quel autre ce pourrait être), son copiste a cru y voir fœcundissimum. — Ce chapitre et les deux suivants, consacrés tout entiers à l’éloge d’une seule des vertus de Trajan, sembleront peut-être un peu longs. Mais si l’on considère combien cette vertu, dans un prince, en suppose d’autres, et combien elle avait été inconnue à la plupart des prédécesseurs de Trajan, on excusera l’orateur de s’être complu dans la peinture d’une si belle qualité. Le panégyriste n’est d’ailleurs qu’un historien fidèle, et quelques phrases de Dion, LXVIII, 7, et d’Eutrope, VIII, 4, confirment pleinement le témoignage de Pline.

LXXXVI. 2. Non ex ingerentibus, sed ex subtrahentibus legere. Plusieurs critiques ont déjà remarqué que peut-être se a été omis par un ancien copiste après ingerentibus, omission que le voisinage de sed rendait très-facile. Il est certain que ce pronom est réclamé par la logique.

3. Pro laboriosa ista statione et exercita. Le mot statione est une métaphore empruntée au langage militaire : le rang suprême est un poste d’où le prince, comme une sentinelle dévouée, veille aux intérêts de l’empire (cf. Tac., Dial, de Or., 17). Quant aux expressions laboriosa et exercita, elles paraissent tirées de cette phrase de Cicéron, pro Milone, 2 : Quid enim nobis duobus, judices, laboriosius ? Quid magis sollicitum, magis exercitum dici aut fingi potest ? Ce rapprochement a déjà frappé plusieurs critiques.

Prosecutus enim. Il y a ici ellipse ou omission du verbe es : à moins qu’on ne lise, comme dans l’éd. de Schæfer, Prosecutus enim nec temperasti tibi, en supprimant la virgule, et en prenant nec dans le sens de ne quidem.

Exeunti… amplexus osculum ferres. Amplexus est un participe, avec lequel il faut sous-entendre eum. Je n’en ferais pas la remarque, si Schwartz ne l’avait pris pour un nom au génitif : osculum amplexus ! Schæfer a justement relevé cette faute.

4. Precatusque maria. Ernesti croit que precatus maria n’offre pas un sens déterminé, et qu’il manque, par exemple, pacata ou tranquilla. Sans doute ces épithètes ne gâteraient rien ; mais pourquoi ne dirait-on pas absolument precari maria, comme on dit precari deos (Cic. de Nat. deor., I, 44) ? La mer, pour les anciens, était une divinité, à laquelle on offrait des prières, des libations et des sacrifices.

5. Desiderare principem desiderantem. Le dernier mot était omis dans la plupart des édd. Schwartz l’a rétabli d’après les mss. Quant au sens, il ne présente aucune difficulté ; mais il y a là, pour ainsi dire, un mysticisme d’amitié et de regrets que peu de lecteurs, je crois, trouveront naturel.

LXXXVII. 4. Nemo in oblivionem absentia veniat. Schwartz dit avoir lu venit dans deux mss., et il le substitue à veniat, sous prétexte que l’indicatif va mieux au sens. Il est certain que ce n’est pas un commandement qu’il faut ici, comme dans la proposition précédente ; mais on peut très-bien rendre compte du subjonctif par le sens conditionnel attaché à ce mode : Nemo veniat, personne ne viendrait, ne pourrait venir. On l’expliquerait encore, au besoin, par une ellipse d’idée : Non fiet ut quisquam… veniat.

LXXXVIII. 1. Libertorum erant servi. Les Calliste, les Pallas, les Narcisse sous Claude, les Polyclète, les Hélius sous Néron, les Icélus sous Galba, les Asiaticus sous Vitellius, sont trop fameux pour qu’il soit nécessaire d’entrer dans aucun détail. On peut consulter, entre autres passages, Tacite, Ann., XI, 29, 33, 38 ; XII, 1, 2 ; XIII, 1 ; XIV, 39 ; Hist., I, 13, 37 ; II, 95 ; Suétone, Claud., 28 ; Galb., 14 ; Pline, Ep. VII, 29 ; VIII, 6.

3. Aut optimo cuique principum dilectum. Gesner omet principum, en disant que Schwartz repousse ce mot, nec sine suffragio ms. Schwartz conseille en effet de supprimer le mot ; mais il ne cite pas de ms. qui autorise à le faire. Principum doit donc rester dans le texte, et il peut très-bien désigner Vespasien et Titus. L’objection de Schwartz, que Pline n’aurait pas qualifié ces princes d’optimi en face de Trajan, auquel le sénat venait de conférer spécialement le titre d’Optimus, se réfute d’elle-même : est-ce que, pour être devenu le surnom de Trajan, l’adj. optimus avait perdu sa signification, et ne pouvait plus s’appliquer à personne ? Les critiques dont je combats d’opinion entendent par optimo cuique, « les meilleurs citoyens. » On pourrait être tenté de donner le même sens à optimo cuique principum, « les meilleurs d’entre les principaux citoyens. » Mais, après les mots aut tibi, aut patri tuo, le troisième terme de l’énumération ne peut se rapporter qu’à des hommes du même rang que Nerva et Trajan.

Statimque hos ipsos, quotidie deinde, ita formas. Cet trois adverbes de temps l’un sur l’autre ont embarrassé les commentateurs, parce qu’ils ne les ont séparés par aucune ponctuation. Je m’abstiendrai de rapporter leurs conjectures ; le sens est clair : statim indique le moment où Trajan commence à employer les services d’un affranchi et à l’approcher de sa personne. Dès ce premier moment, il lui apprend à ne pas sortir des bornes de sa condition, et chaque jour dans la suite (quotidie deinde), il s’attache à le maintenir dans les mêmes sentiments.

5. Felicem vocare. Comme Sylla.

Magnum. Comme Pompée.

6. Frugalitate Pisones. Allusion au surnom de Frugi, que portait une branche de la maison Calpurnia, depuis L. Calpurnius Piso, qui fut consul l’an de R. 620, et qui, dès l’an 604, étant tribun du peuple, avait fait rendre la première loi contre la concussion. Voyez Cicéron, pro Font., 16 ; Brut., 27 ; Valère-Max., IV, 3, 10 ; Pline, Hist. nat., XXXIII, 11 (2).

Sapientia Lœlii. C. Lélius, disciple de Diogène le stoïcien et de Panétius, ami et lieutenant du second Africain, reçut le surnom de Sapiens, pour avoir renoncé à une loi agraire qu’il avait eu l’intention de proposer, et qui ne tarda pas à être reprise par Tib. Gracchus. Il fut consul en 612, non sans avoir échoué dans une première candidature. Il avait fait la guerre au Lusitanien Viriate, et remporté sur lui de grands avantages. Lélius est le principal interlocuteur du Dialogue de Cicéron sur l’Amitié. Cic., de Fin., II, 8 ; Tuscul., V, 19 ; de Offic., II, 11 ; Brut., 21, 58 ; Plutarque, Tib. Gracch., 8.

Pietate Metelli. Q. Métellus dut le surnom de Pius au zèle avec lequel il sollicita du peuple et des tribuns le retour de son père Q. Métellus Numidicus, exilé, l’an de R. 652, par les intrigues et la violence de Saturninus. Cic., ad Quir. p. Red., 3 ; Val. Max., V, 2, 7.

Quæ simul omnia. Telle est la leçon de nos trois mss.

Schwartz dit cependant que le cod. paris, porte quod simul omne. — Plus bas, après et Augustum, le cod. paris, aurait, selon le même critique, le verbe dici, que je ne trouve dans aucun des trois mss.

LXXXIX. 1. Non timuisti eligere meliorem. Ceci, comme l’a remarqué Gesner, est probablement une allusion aux bruits, d’ailleurs peu vraisemblables, qui accusèrent Auguste de n’avoir laissé l’empire à Tibère que pour se faire regretter. Voy. Tacite, Ann., I, 10, et la note.

2. Proximam… sideribus oblines sedem. Les hommes déifiés avaient, selon la superstition païenne, leur séjour avec les dieux, dans la région des astres. Les héros qui n’avaient pas reçu l’apothéose habitaient une sphère moins élevée, entre la terre et le ciel. C’est là que Lucain, Phars., IX, 5, place l’âme de Pompée :

Qua niger astriferis connectitur axibus aer,
Quodque patet terras inter lunæque meatus,
Semidei manes habitant.

Cicéron, de Rep., VI, 9, et Manilius, Astron., I, 755-809, assignent pour demeure aux héros et aux grands hommes la voie lactée, immédiatement au-dessous du cercle de l’éther, où résident les dieux. — Des médailles frappées sous le sixième consulat de Trajan, où son père est appelé Divus, prouvent qu’il lui décerna plus tard les honneurs de l’apothéose. Voyez Schwartz, ad h. l.

Contendis, pulchrius fuisse genuisse talem, an elegisse. On désirerait (en prenant contendis dans le sens de disputer) pulchriusne fuerit, ou pulchrius fuisse videatur ; ou bien (en interprétant contendis par vous soutenez), pulchrius fuisse genuisse talem, quam elegisse. Mais aucun ms. n’autorise ces changements ; et, si la phrase est irrégulière, la pensée est claire. La critique doit donc se borner à exposer ses doutes.

3. Alteri… triumphalia, cœlum alteri. Voyez ci-dessus, ch. 11 et 14.

XC. 5. Stragibus amicorum. Pline, Ép. III, 11, nomme sept de ses amis parmi les victimes de la tyrannie. Trois avaient été tués, Sénécion, Rusticus, Helvidius : quatre étaient bannis, Mauricus, Gratilla, Arria, Fannia. Pline ajoute dans la même lettre que des indices certains lui annonçaient à lui-même une ruine prochaine. Il raconte en effet, Ép. VII, 27, que, après la mort de Domitien, une dénonciation contre lui fut trouvée dans les papiers de ce prince.

6. Ut nos, etsi minus ut bonos, promovere vellet. J’ai suivi exactement les trois mss. de la Bibl. royale, et l’éd. de S. G. Schwartz lit : ut nos, etsi minus, ut bonos tamen. Gesner et Schæfer, d’après la conjecture de J. Lipse, ut nos, etsi minus notos, ut bonos tamen. Le mot tamen, que ces éditeurs mettent après bonos, mangue dans nos trois mss. et dans beaucoup d’autres, et cet adverbe est complètement inutile. Avec la ponctuation que j’ai adoptée, la leçon des mss. est parfaitement claire. Pline veut dire, ut vellet nos promovere ob pericula, si minus quia nos bonos haberet : « Le prince a voulu nous élever à cause des périls que nous avions courus, si ce n’est à cause du mérite plus ou moins grand que nous pouvions avoir. » Ce sens est très-bien exposé par Arntzénius, et je l’avais trouvé de mon côté avant d’avoir vu la note de ce savant. Je ne conçois pas comment Schwartz, Gesner et Ernesti ont pu se refuser à l’évidence qu’une telle explication porte avec elle.

XCI. 1. In officio laboriosissimo. La charge de préfet du trésor, que Pline occupait encore en janvier de l’an 100, lorsqu’il plaida contre Marius Priscus pour la province d’Afrique (voy. Ép. I, 10 ; V, 16 ; X, 20). Le trésor public n’avait pas toujours été confié à des préfets : Tacite, Ann., XIII, 29 (avec la note), expose rapidement les vicissitudes que cette administration avait subies depuis Auguste.

5. Quod nos vursus collegas esse voluisti. Schwartz dit que nos manque dans le cod. paris. Ce mot est omis en effet dans le ms. 7840 ; mais ce n’est pas de celui-là que Schwartz a eu la collation. Peut-être même n’est-ce d’aucun des trois aujourd’hui existants, ou cette collation aurait été faite avec assez peu d’exactitude.

7. Altercque in allero consul. Encore une différence entre la collation de ce savant et nos mss. Le cod. paris, a, selon lui, 'consules, tandis que tous trois ont cons, (sic) en abrégé. Qu’on emploie le singulier ou le pluriel, c’est chose fort indifférente. J’ai suivi Lallemand et le plus grand nombre des anc. édit.

XCII. 2. Salva diligenliœ tuce ratione esse facturum. Il eût été naturel qu’un prince économe et ami de l’ordre comme Trajan, fît rendre compte aux préfets du trésor avant de les revêtir d’une nouvelle magistrature. Il leur donna donc une grande preuve d’estime en les créant consuls, même avant l’expiration de leur charge. Ce fait dit plus à la gloire de Pline et de Cornutus que tous les éloges possibles. — Esse n’est pas dans nos mss., et Schwartz l’a retranché du texte.

Eumdem in annum consulatum nostrum contulisti. Peut-être manque-t-il ici quelque mot. Il faut entendre nostrum et tuum. Schwartz observe qu’Onuphre Panvinio, dans les Fastes, cite ainsi ce passage : Quid ? quod eumdem in annum consulatus tui consulatum nostrum contulisti. On ignore si cette leçon est tirée d’un ms.

Non alia nos pagina, quam te consulem accipiet. Schwartz lit quam quæ te, leçon qui, dit-il, n’existe que dans le seul cod. paris. La vérité est que quæ ne se trouve dans aucun de nos trois mss. Il en est de même de prœscriberis, qui est suffisamment autorisé, mais pour lequel tous nos mss. ont perscriberis.

3. Comitiis nostris prœsidere. Cf. sup. LXIII, 1., et la note. On demande à quelle époque Pline et Cornutus furent désignés consuls. Ils l’étaient déjà dans le mois de janvier de l’an 100, lorsqu’on jugea Marius Priscus ; car Pline, Ép. II, 11, appelle Cornutus consul designatus. Il est probable que c’est en janvier même qu’ils avaient été nommés, aux élections dont Pline parle avec détail, ch. 69—77, et auxquelles Trajan présida, comme consul, tant dans le sénat qu’au Champ de Mars. Nous avons déjà dit qu’ils ne prirent possession du consulat que le premier septembre.

4. Quem tuus natalis exornat. L’ensemble de cette phrase, et la Lettre 23 du liv. X, prouvent que Pline désigne le 18 septembre, jour où périt Domitien (Suét., 17), et où Nerva fut élevé à l’empire. Trajan était-il aussi né ce jour-là ? Cette coïncidence n’est pas impossible, mais elle est au moins fort, remarquable. Aussi Schwartz essaye-t-il de prouver que ce n’est pas de la naissance de Trajan qu’il s’agit, mais de son adoption. Les mots natalis dies peuvent évidemment s’employer dans ce sens, et natalis imperii peut signifier même l’anniversaire de l’avénement d’un prince : les exemples cités par Schwartz ne laissent aucun doute sur ce point, non plus que sur le sens figuré que genuit est susceptible de recevoir. Cependant les arguments de ce critique, à défaut de preuves directes, devraient établir deux impossibilités, l’une que Trajan soit né le 18 septembre, l’autre qu’il ait été adopté un autre jour que le 18 septembre, et c’est ce qu’ils ne font pas. Tillemont discute la même question, et, sans rien prononcer, il ne nie pas que natalis ne puisse s’entendre du jour de l’adoption. J’ai traduit les mots latins dans leur sens le plus naturel, me réservant d’avertir le lecteur d’une difficulté qui a partagé les plus habiles critiques.

5. Augustior solito currus. Les magistrats qui donnaient les jeux paraissaient dans le cirque en robe triomphale et montés sur un char magnifique (Juvén., X, 36). Comme la fête de l’empereur était la plus solennelle de toutes, le soin de l’annoncer par un édit et de la célébrer appartenait aux consuls (Suét. Cal., 26), et l’on peut croire qu’ils y figuraient sur des chars plus brillants que dans les jeux ordinaires. Au reste, des lecteurs sérieux trouveront peut-être, oserai-je le dire ? quelque chose de puéril dans cet enthousiasme apprêté d’un consul qui s’extasie à l’idée seule d’une vaine cérémonie dont il sera le coryphée, et qui jouit d’avance d’un triomphe sans victoire. C’est attacher beaucoup d’importance à ce que Tacite, Agr., 6, appelle inania honoris.

XCIII. 3. Ea sentiamus, ea censeamus. Le premier de ces deux verbes se rapporte aux sentiments intérieurs, le second aux votes exprimés dans le sénat. — Schwartz dit que le cod. paris. a teneamus, au lieu de censeamus : aucun de nos trois mss. ne présente cette variante.

4. Nec disjunctos nos et quasi dimissos consulatu. J’ai adopté, avec Schwartz et Schæfer, disjunctos, qui est dans toutes les anciennes édd. et qui vient sans doute de quelque ms. Schwartz l’attribue au codex paris. Est-ce une erreur ? ou ce cod. est-il perdu ? les trois nôtres ont defunctos. Je crois que disjunctos convient mieux : d’abord il s’oppose à adstrictos, comme dimissos à devinctos. Ensuite defunctos consulatu signifierait quittes du consulat, tandis que l’auteur veut dire, disjunctos et dimissos a republica per consulatum ; « ne croyons pas être dégagés pour l’avenir de tout devoir public, parce que nous aurons exercé le consulat, qui est le dernier terme des honneurs. » La métaphore est tirée d’un attelage que l’on détache et que l’on renvoie, quand le travail est fini.

XCIV. 3. Inconcussus stetit ; prœteritus est. La liaison des idées demande prœteritusque est, ou prœteritus sans est.

4. Tuo honore cessisti. Cf. sup. V, 4, et la note.

6. Si hoc fato negatur. Trajan mourut en effet sans laisser d’enfants.

XCV. 1. In tribunatu. Les tribuns du peuple n’étaient pas privés sous les empereurs de toute espèce de juridiction. On voit dans Tacite, XIII, 28, qu’ils citaient devant eux, qu’ils prononçaient des amendes, qu’ils usurpaient même quelquefois sur les attributions des préteurs et des consuls. Il est vrai que c’était pendant les premières années de Néron, où il subsistait encore un fantôme de république. Pline, Ép. I, 23, raconte à un de ses amis comment il envisageait le tribunat dont il fut revêtu sous Domitien, et comment il crut devoir se conduire dans cette magistrature. C’est aussi sous Domitien, l’an 93 de notre ère, que Pline fut préteur.

Circa luendos socios. Comme dans le procès de Marius Priscus (cf. sup. 76 et la note), dans celui de Cécilius Classicus, accusé par la province de Bétique (Ép. III, 9), dans celui de Bébius Massa, où Pline avait déjà défendu la cause de la même province (Ép. III, 4 ; VI, 29 ; VII, 33).

4. Quum viderem… malui. Il est évident que les copistesont omis si, ou peut-être et ou ac, avant ce membre de phrase : si, quum viderem… malui. Il faut nécessairement traduire comme s’il y avait une conjonction.