Maradan (4p. 207-236).


CHAPITRE L.




Un anglais, intimement lié avec milord Sunderland, ayant séjourné en Italie, avait entendu dire que la fortune de la mère de son ami finirait par appartenir à son habile et perfide intendant. Il avait cherché à visiter cette dame, il n’avait pu y parvenir, Carloni la rendant inaccessible à ses compatriotes. Celui-ci se promit bien de faire ses observations à la famille sitôt son retour en Angleterre, qui s’effectua quinze jours après le mariage d’Abel et de Simplicia. Ces jeunes époux se disposaient alors à conduire milord et miladi D… en Espagne ; mais on les pénétra de la nécessité de se rendre à Florence. Ainsi milord D… et sa femme, s’embarquèrent seuls pour Cadix ; et sir Alvimar et Simplicia, traversant les Alpes, arrivèrent avec beaucoup de célérité à Florence.

L’on présume bien qu’ils s’étaient empressés d’en prévenir la duchesse de Sunderland : par un hasard assez extraordinaire, cette lettre n’était pas parvenue. À peu de distance ils avaient dépêché encore un courrier, sans douter néanmoins qu’ils ne fussent attendus.

L’excès de la surprise ne nuisit pas à la joie vive qu’éprouva la duchesse, en recevant cette nouvelle. Pour Carloni, dissimulant la véritable impression qu’elle lui causa, il s’occupa, comme l’avait dit Rosine, à diriger une brillante réception à lord Abel, à sa femme, qui vers la fin du même jour, se trouvèrent à Mont-Fierry.

Une extrême confusion y régnait. On soupa fort tard ; il semblait que tout le monde avait oublié celle qui reposait au grand château. Rosine cependant se réjouissait de l’égayer à son réveil, par ses récits de la fête, de la beauté de Simplicia, de l’air tendre et aimable de son époux, des caresses que leur avait prodigué la duchesse, et sur-tout du gracieux sourire avec lequel la charmante ladi avait accueilli les fleurs qui lui avaient été présentées.

Le lendemain matin, vers huit heures, Rosine entra, comme à l’ordinaire, chez miss Eveling, ayant une seconde clef de son appartement ; elle la trouva habillée de blanc, comme la veille, étendue sur son canapé. Elle dort, pensa Rosine, est-ce qu’elle ne se serait pas couchée cette nuit autrement que cela. En approchant doucement, et prenant sa main qui lui semble glacée ; en remarquant sur son visage le calme profond qui avait enfin succédé aux agitations, aux douleurs de l’humanité, Rosine, sans oser envisager précisément la terrible vérité, tombe à genoux, et répète : Miss Eveling, répondez-moi. Elle touche encore sa main ; elle pose la sienne sur son cœur, et n’y découvre nulle chaleur, nulle palpitation : Sainte-Vierge, reine du ciel ! prends pitié d’elle et de moi ! s’écrie Rosine au comble de la terreur. Éperdue, elle se lève pour voler chercher quelque secours ; elle rencontre des domestiques, rentre avec eux, et bientôt on entend crier de toutes parts : Elle est empoisonnée ! elle est morte !

Ces gémissemens parviennent jusqu’à l’appartement de lord Alvimar. Peu de distance le sépare de ce lieu fatal. Ah ! Dieu, dit-il, quelle est cette infortunée ! et il se rend près d’elle. Le premier coup d’œil l’éclaire ; il prononce le nom de Palmira avec l’accent le plus déchirant ; et, ne pouvant en ajouter davantage, il tombe sans connaissance. Simplicia, qui le suivait, distingue, dans cette confusion, ce nom chéri. Palmira ! Palmira ! répète-t-elle en entrant. Hélas ! elle ne peut la méconnaître. Ma sœur, mon amie, ma compagne ! Mais pourquoi ces larmes, ces cris inutiles ! continue-t-elle au désespoir ! Des secours ! des soins ! Tout le monde lui en doit ici, de même que du respect… Ah ! grand Dieu ! qu’on la sauve, où je meurs avec elle ! Les expressions de miladi, l’état de sir Abel étonnaient les assistans à un degré impossible à dépeindre.

Sir Alvimar rouvre les yeux. Fuyez, fuyez Simplicia, lui dit-il, ce spectacle d’horreur ! Palmira, s’adressant à elle, comme si elle eût pu l’entendre : Tu m’avais commandé de t’oublier ; mais devais-je t’obéir avec une si rigoureuse exactitude ! Ô mon premier amour ! quel jour de repos et de bonheur luira désormais pour moi ! J’avais promis à ta mère expirante, de veiller toujours sur ton sort ; ma passion inconsidérée devait même en être la garantie… Ma légèreté a triomphé de mon devoir, de mes propres sentimens… Cependant quelle barbarie de m’en punir ainsi ! Il ne pleurait pas, son œil était sec ; mais ses cris étaient effrayans ! Pour la douce Simplicia, ses larmes la soulageaient un peu ; elle en inondait le sein de son amie, cherchait à réchauffer ses mains, les pressait entre les siennes, et les couvrait de baisers.

Dans le premier moment, on avait été avertir Carloni. Un abyme ouvert sous ses pas l’eût moins saisi que cette nouvelle. Malgré son trouble, il était à chercher du contre-poison, lorsqu’on vint lui apprendre que toute tentative était inutile. À ces mots, il disparut du château. Bientôt d’autres chirurgiens arrivèrent, et confirmèrent que depuis plus de cinq heures l’infortunée Palmira avait cessé de vivre. Abel retomba dans un second évanouissement dont on profita pour le transporter dans son appartement, et lui faire une indispensable saignée. On n’arracha qu’avec peine sa jeune épouse de cette scène de désolation.

La duchesse se voyait seule, abandonnée à sa casetta. Dans cette consternation générale, on l’avait oubliée. Vainement elle appelait, sonnait, personne n’accourait. D’un pas tremblant, elle essaya de se rendre au grand château. Le premier individu qu’elle y rencontra l’instruisit ; et, allant jusques chez ses enfans, elle leur dit avec une émotion que son âge n’aurait pu lui faire supporter long-temps : Comment ! elle ne vous était pas inconnue !

Ah ! madame, répond l’affligée Simplicia, vous allez savoir tous les droits qu’elle avait à votre protection ; et en même temps elle lui remit la lettre trouvée sur le secrétaire de Palmira. La duchesse tremble, hésite, mais enfin a le courage de lire l’écrit suivant :

« Dévouée à l’infortune, même avant que de naître, j’aurais peut-être dû supporter avec plus de résignation les continuelles épreuves qu’un cœur vertueux, mais trop fier, m’a rendu si douloureuses. La tendresse d’une mère adorable, les égards affectueux d’une illustre famille n’étaient pas, comme ils auraient dû l’être, une compensation des peines, des humiliations attachées à ma situation. Mon sang bouillonnait à l’idée que le mystère, la honte, avaient présidé à ma naissance ; et mon orgueil, une affectation de hauteur, devaient souvent, j’en conviens, inspirer le desir de me le faire sentir.

« Personne ne fut plus impitoyable à cet égard que la sœur de mon père, madame de Mircour. Sa conduite, ses expressions, altérèrent jusqu’à l’espoir d’un bonheur futur. J’étais destinée à connaître tous les genres de supplices ; une passion malheureuse consumait ma jeunesse : celui qui devait appartenir un jour à ma chère Simplicia me l’avait fait ressentir. Dans ces derniers instans, j’ose en parler encore. Le ciel connaît la pureté de mon amour, et que mon amitié, ma reconnaissance envers l’aimable fille d’Edward dirigèrent constamment ma conduite. Ce fut même par une délicatesse, que l’on peut juger mal-entendue, que j’abandonnai l’Angleterre.

« Différens événemens, tous marqués du sceau du malheur, me conduisirent dans cette maison sous le nom de miss Eveling. La nature, si la loi ne le prononçait pas, me donnait quelque droit à la protection de miladi Sunderland. Sa voix a été muette, je n’en murmurais pas, mais j’en ai gémi souvent…

« Un monstre de scélératesse (je tairai son nom pour qu’il ne soit point livré à d’autre justice qu’à celle de ses remords) a profané l’asile de sa bienfaitrice. Ses viles, ses désordonnées passions ne se sont point appaisées à l’aspect de l’innocence privée de l’appui qu’elle peut avoir dans sa propre force. Il a provoqué un sommeil léthargique, et a été plus cruel qu’un féroce assassin qui n’aurait attenté qu’à ma vie.

« J’aurais été la plus heureuse des femmes, j’aurais été sur le premier trône du monde, mieux que tout cela, j’aurais été l’épouse d’Abel, qu’un semblable crime m’aurait inspiré la même résolution.

« Jusques alors l’idée du suicide ne s’était pas présentée à mon esprit, qui ne le considérait que comme une lâcheté, tant qu’il n’était que le résultat des orages, ou des ennuis de la vie ; mais j’ai toujours approuvé, exalté la jeune Virginie se précipitant dans les flots, plutôt que de sacrifier sa pudeur à la possibilité de sauver ses jours ; la fameuse Romaine s’immolant après l’attentat de Tarquin. L’ame d’une Anglaise, l’ame de Palmira est capable de ce sentiment, de cet effort. Son exemple sera moins célèbre, mais ses amis pourront la pleurer sans rougir. Peut-être se rappellera-t-on son courage, son enthousiasme pour la vertu, avec une sorte d’amour-propre dans la famille de Sunderland. On pensera que je ne l’aurais point avilie s’il m’eût été permis d’en porter le nom respectable. Je lui appartenais d’assez près, du moins, pour rejeter de toute mon énergie celui de Carloni… Ô miladi Sunderland ! daignez vous rappeler que c’est là l’unique cause de votre colère. J’espère donc mon pardon, et qu’une de vos larmes tombera sur le sort de la fille d’Élisa…

« Que m’apprend-on ? Abel, Simplicia, vont arriver. Ô Dieu ! vous me forcez à jeter un dernier regard sur cette terre de douleur… J’entends d’éclatantes fanfares ; on orne cette croisée de fleurs : arrêtez ! arrêtez ! cette chambre dans un instant, ne sera plus qu’un tombeau…

« Mon cher Abel, ma bien-aimée Simplicia, recevez mes bénédictions à cette heure suprême !… Il ne faut pas m’appesantir trop long-temps sur vos images. Peut-être le sentiment du regret détruirait-il le calme parfait que j’éprouve.

« Pardonnez-moi le chagrin que je vais vous donner en songeant que je vais habiter un monde où je ne serai ni opprimée, ni humiliée, ni souillée. [1] Je te donne le baiser de la plus tendre affection, ma douce Simplicia ; et mon dernier soupir, ô Abel ! est pour toi. »

Si l’on eût présenté Palmira vivante à la duchesse, comme l’enfant de sa fille, certes, elle l’eût rejetée avec indignation ; mais l’apprendre à l’instant d’une si terrible catastrophe, son cœur se brisa ; un torrent de larmes ruissela sur ses joues qu’une expression de chagrin rendait encore plus vénérables. Ange du ciel ! s’écria-t-elle, un grand crime s’est commis sur ton innocente et infortunée personne ; nous n’imiterons point ta générosité ; le coupable sera remis dans des mains vengeresses.

Abel se trouvait dans une si déplorable situation, que sa femme était obligée de contraindre l’excès de son affliction pour chercher à adoucir la sienne. Il ne faut pas, dit-il enfin avec ces sanglots si déchirans chez les hommes, parce qu’on les connaît avares de douleurs, il ne faut pas que ces restes précieux reposent dans un climat où l’on voit des atrocités inconnues aux nations que nous qualifions de barbares. Qu’on les transporte en Angleterre ; qu’ils soient réunis à ceux de ladi Élisa, et qu’une épitaphe digne d’elle instruise tous les êtres sensibles que des siècles entiers ne verront pas renaître une femme plus belle, une ame si pure, si courageuse.

Simplicia applaudit à ce projet. Chère Palmira, dit-elle, il nous eût été si doux de rendre ta vie heureuse ! puisqu’il faut y renoncer, honorons du moins ta mémoire.

La duchesse, haïssant Carloni au même degré qu’elle l’avait aimé, le fit chercher, voulant l’accabler de reproches et sévir contre lui de la manière la plus rigoureuse ; mais il fut impossible de le rejoindre. Quinze jours après, il donna lui-même de ses nouvelles. Sa lettre était datée du couvent le plus austère. Il avouait son crime, se dévouait à la pénitence, ou se soumettait au supplice qu’il avait mérité, si les amis de Palmira voulaient l’y conduire. Ceux-ci, plus affligés que vindicatifs, se décidèrent à laisser ce monstre livré aux tourmens de sa conscience. Ils furent affreux ; dans l’ombre de la nuit, dans les cloîtres, l’image de sa victime lui apparaissait sans cesse. Cette vision, fruit d’une imagination frappée, détruisit sa santé, et, peu d’années après, son existence. Dans sa lettre à la duchesse, il donnait des renseignemens pour recouvrer des sommes considérables, placées sous son nom, à lui, et que le cri de la probité lui ordonnait de restituer à celle à qui elles appartenaient légitimement.

Miladi Sunderland reçut cette nouvelle preuve de sa perfidie avec beaucoup d’insouciance. Que lui importaient deux millions de plus ? Ah ! elle les eût sacrifiés tous pour s’éviter le reproche d’avoir favorisé l’amour de Carloni. S’effrayant de l’isolement où elle allait se trouver après le départ de ses enfans, elle les pria de la ramener dans sa patrie, afin d’y vivre toujours au milieu d’eux.

Sir Abel et sa femme avaient grand besoin de distraction : le voyage d’Espagne leur en promettait, mais ils le sacrifièrent à la volonté de leur aïeule.

Le superbe corps qui avait renfermé une ame plus pure et plus parfaite encore, ayant été embaumé avec le plus grand soin, fut envoyé de suite au château de Sunderland. Milord duc vint le recevoir, accompagné du ministre Orthon, et de toute la paroisse. On le déposa dans le monument de marbre blanc où était celui de ladi Élisa. Jusque-là il n’avait été entouré que de cyprès ; mais les jeunes filles de Sunderland, à qui on raconta l’histoire de Palmira, dont tant de fois elles avaient admiré la beauté et béni la bienfaisance, s’empressèrent à planter, à entretenir des fleurs entre les cyprès ; et cet aspect, agréable et mélancolique en même temps, attira plus d’une fois le voyageur près de ce monument.

La duchesse, ayant terminé assez promptement ses affaires en Italie, partit donc pour l’Angleterre avec sir Alvimar et Simplicia ; ils se rendirent à Sunderland. Il était bien tard lorsqu’ils y arrivèrent, mais les pâles rayons de la lune éclairèrent, cette même nuit, Abel au tombeau de Palmira ; douloureux pélerinage qu’il répéta fréquemment.

Son caractère, un peu léger, avait acquis, par cet événement, la solidité de vingt années d’expérience. Le souvenir de Palmira, sa tendresse pour sa femme, la noble humanité, occupèrent uniquement la sensibilité de son cœur. Dans sa constance il trouva le bonheur ; car il existe peu de Simplicia, dont la douceur, l’amabilité et les graces, furent inaltérables.

Le bon Edward (on se plaît plutôt à l’appeler ainsi que milord duc) eut des soins si recherchés pour sa mère, qu’il l’a véritablement rajeunie. Elle et lui sont idolâtres de deux enfans d’Abel et de Simplicia qui promettent les avantages de ceux à qui ils doivent le jour.

Milord Alvimar continue d’avoir une grande influence dans le gouvernement. Étranger à tous les partis ; il est un des plus fermes appuis de la constitution de son pays. Son gendre milord D… suit la même carrière, et il jouit de toute la considération due à la vertu éclairée.

Miladi D…, toujours gaie, spirituelle, sème de roses une route communément peu riante. Aussi son père, son époux, interrompent souvent une discussion ministérielle pour sourire aux saillies de leur chère Mathilde.

Jetons un coup-d’œil en France. On n’a pas dû oublier le passionné Charles Mircour. La bonne madame de Saint-Pollin, et quelques autres personnages que Palmira avait connus. Son cousin revint de l’Amérique en l’adorant toujours ; apprenant par madame de Saint-Pollin qu’elle devait être en Italie, il allait partir sans avoir d’autres renseignemens, lorsque sir Abel et sa famille, retournant en Angleterre, s’arrêtèrent au Hâvre. Ils visitèrent Charles, et le rendirent, en l’instruisant, encore plus malheureux qu’ils ne l’étaient eux-mêmes. D’après son impétuosité, seul défaut de cet intéressant jeune homme, il pensa succomber à l’excès de son désespoir. La sombre mélancolie qui succéda ne lui permettait plus de vaquer à aucune affaire importante, ni de se livrer aux plaisirs de son âge. Son unique jouissance était d’errer sur la côte où Palmira avait fait naufrage, puis de se reposer dans la cabane de Louise et Roger, couple toujours heureux dans sa simplicité, sa bonté, qui ne se lassait pas d’entendre les récits de Charles, dont Palmira était toujours l’objet, et de la pleurer avec lui. Après trois années du deuil de cœur, le plus profond, sa famille obtint pourtant qu’il rendrait quelques hommages à mademoiselle D…, la plus riche héritière du Hâvre, qui le distinguait favorablement. Il remarqua qu’elle avait de beaux cheveux noirs, une taille élevée, une figure noble, enfin quelque rapport assez frappant avec Palmira : cela le décida. Il épousa mademoiselle D…, sans amour (cette passion était éteinte dans son ame), mais avec une sorte de goût, qui, par les qualités estimables de sa femme, devint un attachement sincère.

L’excellente madame de Saint-Pollin demeure avec eux. Charles l’appelle sa mère, et lui dit : Vous l’avez protégée de tout votre pouvoir, vous l’avez aimée avec une tendre affection ; vous êtes plus ma mère que celle qui l’a dédaignée, irritée, et qui, lorsqu’elle en parle encore, ose s’exprimer ainsi : Oui, miss Harville était belle, vertueuse, mais trop insolente, en vérité.

Le jeune Mircour, madame de Saint-Pollin, vont quelquefois en Angleterre, et sont reçus chez les Sunderland comme faisant partie de la famille.

Hortense Saint-Pollin est mariée à un homme honnête et aisé de sa province. La sécheresse de son humeur n’est pas adoucie.

L’intéressante Armandine, peu de temps après la visite que lui avait faite miss Harville, succomba à ses maux, qui ne pouvaient avoir d’autre terme que la fin de son existence. Je vais retrouver Adolphe furent ses dernières paroles.

L’inconsidérée comtesse de Belmont, ayant perdu son procès, et s’affichant perpétuellement par de nouveaux égaremens, anima tellement son mari, qu’il la fit renfermer. Elle ne retrouva sa liberté que par le moyen de son veuvage, mais sa fortune anéantie, ses charmes effacés, le souvenir de sa conduite, l’ont réduite à une médiocrité, un abandon insupportables pour une femme de ce caractère.

Paula, qui avait inspiré un intérêt si vif à Palmira, devint par cette raison chère à sir Alvimar et à sa femme. S’étant présentée à eux lors de leur passage à Florence, ils l’emmenèrent en Angleterre. La duchesse se l’est attachée particulièrement, la traite avec beaucoup de bonté, et lui assure un sort agréable.

L’honnête Akinson est trop vieux maintenant pour se mêler des affaires de la maison Sunderland, il y demeure toujours, mais honoré et chéri.

Telles sont les différentes destinées des personnages dont il a été fait mention dans ces mémoires. Il est pénible de n’avoir eu à présenter dans celle de l’héroïne principale qu’un assemblage de malheurs qu’elle s’attira peut-être par la fierté de son ame et la misantropie de son caractère ; mais la pureté de ses principes, cette résolution héroïque de ne pas survivre à son innocent déshonneur, convaincront sans doute qu’elle était digne d’un meilleur sort.


fin.

  1. Elle rapporte ici les paroles qu’elle leur avait adressées dans son rêve mémorable qu’elle avait écrit, et que l’on a trouvé dans ses papiers.