Des presses de Vromant & Co, imprimeurs (p. 89-90).

GRAVELOTTE


Sur la carte, je suis le progrès des canons
Se frayant un chemin glorieux en Lorraine,
Et voici, coup sur coup, que surgissent des noms,
Des noms plus grands que ceux de l’Histoire romaine.

Saint-Privat, Gravelotte, et Metz, et Mars-la-Tour !
Ah ! que ces noms fameux ont, au pays de France,
Depuis un demi-siècle allumé tour à tour
De haine et de douleur, d’amour et d’espérance !

Or, de ce lieu fatal, de ces champs de repos
Où vainqueurs et vaincus suspendaient des couronnes,
Demain, le Ciel vengeur refera le champ-clos
Où se mesureront à nouveau leurs colonnes ;

Et tandis qu’à ce choc la terre s’ouvrira
Fléchissant sous le poids de la mêlée immense,
Un long tressaillement de tombe en tombe ira
Dire aux morts : Levez-vous ! le combat recommence !

Est-ce un rêve ? Il me semble, à ce cri solennel,
Les voir, se soulevant de leurs couches profondes,
Ceux qui dormaient là-bas du sommeil éternel,
Aller grossir les rangs des guerriers des deux Mondes.

Je les vois, au signal, voler comme le vent,
Les légions que retenait jadis Bazame,
Et, spectres, galoper en croupe des vivants
Sur qui je sens passer leur flamme et leur haleine.

Hurrah ! par les hauteurs, la plaine et les ravins
C’est une chevauchée épique, irrésistible,
Entre le Dieu des Francs et le Gott des Germains
Un duel d’où le Droit va sortir invincible.

Dans votre fol orgueil, vous aurez beau, Teutons,
Comme on étale une escarboucle à la vitrine,
Porter sur l’estomac Celui que nous portons,
Nous, invisiblement, au fond de la poitrine,

Le vrai Dieu saura bien reconnaître les siens,
Entre bons et méchants faire un juste triage,
Distinguer les Français d’avec les Pharisiens
Et rétablir chacun dans sa part d’héritage !

21 septembre 1918.