Des presses de Vromant & Co, imprimeurs (p. 41-42).

LE UHLAN

I


Les voilà donc les jardins de Ferage
— Que je pensais ne plus jamais revoir, —
Désenchantés, alourdis sous l’ombrage
Où nos enfants ne viendront plus s’asseoir.

Voici des ans le séculaire ouvrage,
Le chêne auguste au pied du vieux manoir,
Sous ses rameaux qui défiaient l’orage
L’image sainte où l’on priait le soir.

Et tout autour, le « Chemin de la Reine »
Jusqu’à la Lesse. Une paix souveraine
Dans la bruyère y respirait jadis,

Quand un Uhlan, parmi ce grand silence,
Surgit, farouche, et, déposant sa lance,
Mit pied à terre en notre Paradis !

II


Depuis ce jour, hélas ! Ferage est vide !
Sous son talon, au contact de son fer,
Tout s’est glacé, tout est morne et livide ;
Même au printemps y règne encor l’hiver.

Où sont les jeux d’une jeunesse avide
D’un monde auquel ses yeux s’étaient ouverts ?
Où les plaisirs que Virgile et qu’Ovide
Auraient aimé célébrer dans leurs vers ?

On y goûtait, après les mois d’étude,
Une infinie et douce quiétude,
Mais à ce choc, le charme fut rompu.

Asile cher, fontaine enchanteresse
Où s’abreuva tant de fois ma paresse,
Ton eau tarit où son cheval a bu !