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CORRESPONDANCE.

8884. — À M. D’ALEMBERT.
14 juillet.

Je trouve une occasion, mon cher ami, de vous faire parvenir, s’il est possible, trois exemplaires d’un petit recueil[1] dont un de vos petits ouvrages[2] fait tout l’ornement. Il me semble que nous n’en avons point donné à M. Saurin, à qui je dois cet hommage plus qu’à personne.

Il n’y a plus de correspondance, plus de confiance, plus de consolation ; tout est perdu, nous sommes entre les mains des barbares. Je vous ai écrit deux lettres[3] concernant l’œuvre posthume d’Helvétius, imprimée par les soins du prince Gallitzin. Je tremble qu’elles ne vous soient pas parvenues. Les curiosi sont en grand nombre ; ils furent les précurseurs des inquisiteurs, comme vous savez.

Catau a bien autre chose à faire qu’à nous répondre. Je me flatte pourtant que les bruits qui courent ne sont pas vrais, et qu’elle n’ira point passer le carnaval à Venise avec Diderot.

Il faut cultiver les lettres ou son jardin.

À propos, plus j’y pense, et plus j’ose trouver que le calcul de la densité des planètes, la comète deux mille fois plus chaude qu’un fer rouge, l’élasticité d’une matière déliée qui serait la cause de la gravitation, la création expliquée en rendant l’espace solide, et le commentaire sur l’Apocalypse, sont à peu près de même espèce. Magis magnos clericos non sunt magis magnos sapientes.

Ne m’oubliez pas, je vous en prie, auprès de M. de Condorcet et de vos autres amis qui soutiennent tout doucement la bonne cause.

8885. — À M. BORDES.
À Ferney, li juillet.

Mon cher confrère, mon cher philosophe, il est bien triste pour votre belle ville de Lyon qu’il y ait de si mauvais acteurs sur un théâtre si magnifique. Adieu les beaux-arts dans le siècle où nous sommes. Nous avons des vernisseurs de carrosses, et pas un grand peintre ; cent faiseurs de doubles-croches, et pas

  1. Les Lois de Minos, etc. ; voyez la lettre 8792.
  2. Le Dialogue entre Descartes et Christine ; voyez lettre 8792.
  3. No 8867 et 8872.