un peu au Lazare, à qui vous avez dit : Viens-t’en dehors[1] ; mais je vois qu’on ne ressuscite plus le bon temps est passé, et c’est bien dommage.
Après avoir remercié mon protecteur du fond de mon âme, je vais parler à monsieur le doyen. Il ne se souvient plus de m’avoir donné un très-bon conseil, très-judicieux, très-fin, très digne de monsieur le doyen. C’était pour la Sophonisbe de Mairet, c’était pour la fin du quatrième acte. Je crois avoir exécuté pleinement ce que vous m’avez prescrit. J’ai taché d’ailleurs de garnir d’un peu d’embonpoint ce squelette de Mairet ; je l’ai travaillé de la tête aux pieds. Je le fais réimprimer, et, dès qu’il sera sorti de la presse, je l’enverrai à monsieur le doyen et à monsieur le premier gentilhomme de la chambre. Ce premier monument de la scène française mérite assurément d’être rajeuni : c’est le premier ouvrage où les trois unités aient été observées. Corneille ne les connaissait pas encore, et c’est une obligation que nous avons à M. le cardinal de Richelieu. La pièce même de Mairet était beaucoup plus intéressante que la Sophonisbe de Corneille, bien plus naturelle et bien plus tragique. Elle était plus correctement écrite, quoique antérieure de près de quarante ans ; et si elle n’avait pas été entièrement infectée d’une familiarité comique, souvent poussée jusqu’à la bassesse, elle se serait soutenue toujours au théâtre.
Je pense donc, et j’ose dire que je pense avec mon héros, qu’en donnant à la Sophonisbe un ton plus noble, on peut la ressusciter pour jamais. Il fera ce miracle quand il le voudra et quand il le pourra. J’aurai l’honneur de lui envoyer quelques exemplaires de la ressuscitée, et je le supplierai d’en faire parvenir un à Lekain, afin qu’il apprenne son rôle de Massinisse, supposé que monsieur le doyen soit content de l’ouvrage.
Je n’ose lui parler de Minos et de la Crète, parce que je sais qu’il ne faut courir ni deux lièvres ni deux tragédies à la fois, et surtout qu’il ne faut point fatiguer son héros, qui a autre chose à faire qu’à écouter mes balivernes.
N. B. Une très-belle dame de votre connaissance[2], et qui, par son portrait, me paraît ce que j’ai jamais vu de plus beau, a chargé La Borde de m’embrasser des deux côtés, à ce qu’il prétend ; je lui en ai témoigné ma reconnaissance par une
- ↑ Saint Jean, Évangile, xi, 43.
- ↑ Mme Dubarry ; voyez la lettre 8870.