Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8870

Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 403-404).
8870. — À MADAME LA COMTESSE DU BARRY.
20 juin.

Madame, M. de La Borde m’a dit que vous lui aviez ordonné de m’embrasser des deux côtés de votre part.


Quoi ! deux baisers sur la fin de ma vie !
Quel passe-port vous daignez m’envoyer !
Deux ! c’est trop d’un, adorable Égérie ;
Je serais mort de plaisir au premier.


Il m’a montré votre portrait : ne vous fâchez pas, madame, si j’ai pris la liberté de lui rendre les deux baisers.


Vous ne pouvez empêcher cet hommage,
Faible tribut de quiconque a des yeux.
C’est aux mortels d’adorer votre image ;
L’original était fait pour les dieux.


J’ai entendu plusieurs morceaux de la Pandore de M. de La Borde ; ils m’ont paru bien dignes de votre protection. La faveur donnée aux véritables beaux-arts est la seule chose qui puisse augmenter l’éclat dont vous brillez.


Votre portrait va me suivre sans cesse,
Et je lui rends vos baisers ravissants,
Qui, tous les deux ; et, dans ma douce ivresse,
Je voudrais voir renaître mon printemps.


Daignez agréer, madame, le profond respect d’un vieux solitaire dont le cœur n’a presque plus d’autre sentiment que celui de la reconnaissance.