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année 1772.

Vous devez actuellement, vous et M. d’Argental, connaître celui qui m’a joué ce tour cruel, et que j’ai deviné dès le premier moment[1] ; cela doit vous dégoûter de messieurs de la Comédie.

Le comédien qui se plaint de Valade se plaint sans doute de ce que ce libraire a mis trop tôt en vente l’indigne ouvrage qu’il lui avait vendu ; en un mot, cette infamie est démontrée.

J’écris à M. le maréchal de Richelieu, et je le supplie d’empêcher les comédiens de jouer une pièce si horriblement défigurée. Valade a menti impudemment à M. de Sartines. Il n’y a dans tout le pays, autour de Genève, d’autre exemplaire des Lois de Minos, actuellement, que celui que Grasset, libraire, habitué à Lausanne, a fait venir de Paris, et que Grasset lui-même m’a envoyé. J’ai cette infâme édition entre les mains. Grasset même, voulant l’imprimer, y a mis des pages blanches pour y faire les corrections nécessaires. Il est bien étrange qu’on n’ait pas fait saisir à Paris l’édition de Valade, sur laquelle il n’a nul droit.

L’état où je suis ne me permet pas d’en dire davantage sur cette malheureuse affaire ; je ne veux pas croire qu’elle ait contribué à augmenter mon mal.

Je suis très-fâché de toutes les peines que cette perfidie vous a causées, et j’oublie mon chagrin pour ne m’occuper que du vôtre.

8769. — À M. LE MARECHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 12 février.

Je me meurs pour le présent, mon héros ; vous me direz que, quand je serai mort, il n’importe guère que Mlle Raucourt soit fâchée ou non contre moi je vous répondrai qu’il importe beaucoup à ma mémoire que je ne meure pas souillé de cet opprobre. De méchantes langues ont fait courir cette histoire scandaleuse dans Paris, et ont prétendu que c’était un tour cruel que vous aviez voulu faire à cette pauvre fille, dont tout le monde est idolâtre. Je crois que, dans l’ordre des petites choses, rien n’est plus essentiel que de faire parvenir à Mlle Raucourt la petite lettre[2] que je vous ai écrite sur son compte.

Vous aurez bientôt Patrat[3], dont je crois qu’il est très-aisé de

  1. Il se trompait ; voyez la note 2 de la page précédente.
  2. Cette lettre manque.
  3. Voyez lettres 8719, 8774 et 8835.