Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8835

Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 369-370).
8835. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 5 mai.

C’est toujours au premier gentilhomme de la chambre, au grand maître des jeux et des plaisirs, que j’ai l’honneur de m’adresser. Je lui ai écrit en faveur de Patrat[1], que je crois très-utile au théâtre que mon héros veut rétablir.

Je lui présente aujourd’hui requête pour La Borde, dont on prétend que la Pandore est devenue un ouvrage très-agréable. Je crois qu’il mourra de douleur si mon héros ne fait pas exécuter son spectacle aux fêtes de Mme la comtesse d’Artois[2] ; et moi, je reprendrais peut-être un peu de cette vie, si cette aventure pouvait me fournir une occasion de vous faire ma cour pendant quelques jours.

Je crois que cette Pandore, avec sa boîte, a été en effet la source de bien des maux, puisqu’elle fit mourir de chagrin ce pauvre Royer[3], et qu’elle est capable de jouer un pareil tour à La Borde. Les musiciens me paraissent encore plus sensibles que les poëtes.

Il y a longtemps, monseigneur, que je cherche le moyen de vous envoyer un recueil[4] qui contient les Lois de Minos et plusieurs petits ouvrages, en prose et en vers, assez curieux. Je vous demanderais une petite place pour ce livre dans votre bibliothèque ; il est assez rare jusqu’à présent. Ne puis-je pas vous l’envoyer sous l’enveloppe de M. le duc d’Aiguillon ? J’attends sur cela vos ordres.

On va jouer les Lois de Minos à Lyon ; le spectacle sera très-beau, mais les acteurs sont bien médiocres. Je compte que la pièce sera mieux jouée dans votre capitale de la Guienne. Je n’irai point voir le spectacle de Lyon : les suites de ma maladie ne me le permettent pas ; mais, quand il s’agira d’obéir à vos ordres, je trouverai des ailes, et je volerai. Je vois qu’un certain voyage est un peu différé ; tant mieux, car nous n’avons point encore de printemps, mais, en récompense, nous sommes entourés de neige.

Conservez vos bontés à ce pauvre malade, qui ne respire que pour en sentir tout le prix.

N. B. On me mande que La Borde a beaucoup retravaillé sa Pandore, et qu’elle est très-digne de votre protection.

  1. Voyez lettre 8769.
  2. Il avait déjà été question de donner cette pièce pour le mariage du dauphin : voyez tome XLVI, page 400.
  3. Voyez tome XXXVIII, page 260.
  4. Voyez la lettre 8792.