Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8835
C’est toujours au premier gentilhomme de la chambre, au grand maître des jeux et des plaisirs, que j’ai l’honneur de m’adresser. Je lui ai écrit en faveur de Patrat[1], que je crois très-utile au théâtre que mon héros veut rétablir.
Je lui présente aujourd’hui requête pour La Borde, dont on prétend que la Pandore est devenue un ouvrage très-agréable. Je crois qu’il mourra de douleur si mon héros ne fait pas exécuter son spectacle aux fêtes de Mme la comtesse d’Artois[2] ; et moi, je reprendrais peut-être un peu de cette vie, si cette aventure pouvait me fournir une occasion de vous faire ma cour pendant quelques jours.
Je crois que cette Pandore, avec sa boîte, a été en effet la source de bien des maux, puisqu’elle fit mourir de chagrin ce pauvre Royer[3], et qu’elle est capable de jouer un pareil tour à La Borde. Les musiciens me paraissent encore plus sensibles que les poëtes.
Il y a longtemps, monseigneur, que je cherche le moyen de vous envoyer un recueil[4] qui contient les Lois de Minos et plusieurs petits ouvrages, en prose et en vers, assez curieux. Je vous demanderais une petite place pour ce livre dans votre bibliothèque ; il est assez rare jusqu’à présent. Ne puis-je pas vous l’envoyer sous l’enveloppe de M. le duc d’Aiguillon ? J’attends sur cela vos ordres.
On va jouer les Lois de Minos à Lyon ; le spectacle sera très-beau, mais les acteurs sont bien médiocres. Je compte que la pièce sera mieux jouée dans votre capitale de la Guienne. Je n’irai point voir le spectacle de Lyon : les suites de ma maladie ne me le permettent pas ; mais, quand il s’agira d’obéir à vos ordres, je trouverai des ailes, et je volerai. Je vois qu’un certain voyage est un peu différé ; tant mieux, car nous n’avons point encore de printemps, mais, en récompense, nous sommes entourés de neige.
Conservez vos bontés à ce pauvre malade, qui ne respire que pour en sentir tout le prix.
N. B. On me mande que La Borde a beaucoup retravaillé sa Pandore, et qu’elle est très-digne de votre protection.
- ↑ Voyez lettre 8769.
- ↑ Il avait déjà été question de donner cette pièce pour le mariage du dauphin : voyez tome XLVI, page 400.
- ↑ Voyez tome XXXVIII, page 260.
- ↑ Voyez la lettre 8792.