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je n’en puis plus ; et je vous conseille de mettre l’inscription : « À Voltaire mourant », comme je le mande à M. d’Alembert[1].

Bonsoir, mon très-cher confrère.

Frère François.
7871. — À M. LAUS DE BOISSY[2].
Ferney, 28 avril.

Monsieur, Anacréon chantait et dansait, Platon raisonnait ou déraisonnait dans le beau pays de la Grèce, et moi je suis entouré de quarante lieues de neiges, à la fin d’avril, entre les Savoyards et les Suisses ; et tant que les neiges sont sur la terre, je suis privé de la vue. Pardonnez-moi si, dans cet état, je ne réponds qu’en prose à vos très-jolis vers ; je sens tout leur mérite ; mais vous me prenez trop à votre avantage ; ce n’est pas le cas où


HercNardi parvus onix eliciet cadum.
HercNardi parvVejanius, armis
Herculis ad postem fixis, latet abditus agro.


Vous daignez me chercher dans la solitude où je suis enseveli pour me récompenser de mes travaux passés ; je ne puis que vous offrir de sincères et d’inutiles remerciements des fleurs que vous jetez sur le bord de mon tombeau. J’ai perdu la voix ; mais si elle me revient, ce sera pour vous dire combien je suis sensible aux bontés dont vous m’honorez.

7872. — À M. SÉNAC DE MEILHAN.
Au château de Ferney, le 1er mai.

Monsieur, si vous vous souvenez encore de moi, permettez que je recommande avec la plus vive instance, à vos bontés, un citoyen de la Rochelle, qui, à la vérité, a le malheur d’être ministre du saint Évangile à Genève[3], mais qui est le plus doux, le plus honnête, le plus tolérant des hommes. Il ne vient dans sa patrie pour quelque temps que pour les intérêts de sa famille, et compte

  1. Lettre 7869.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. Jean Perdriau, né à Genève en 1712, auteur de quelques Éloges et de quelques Sermons, fut ami de J.-J. Rousseau, qui en parle dans le livre VIII de ses Confessions, et lui adressa deux lettres, en novembre 1754 et janvier 1756.