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CORRESPONDANCE.

montres sont bonnes et bien réglées. On a travaillé avec le zèle qu’on doit avoir quand il faut vous servir ; tous les prix sont d’un grand tiers meilleur marché qu’en Angleterre, et cependant rien n’est épargné.

Nous souhaitons tous bien ardemment, dans mon canton, que toutes les heures de ces montres vous soient favorables, et que Moustapha passe toujours de mauvais quarts d’heure.

Que l’héroïne du Nord daigne toujours agréer le profond respect et la reconnaissance du vieux malade du mont Jura.

8273. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Potsdam, le 1er mai.

J’ai eu le plaisir de recevoir deux de vos lettres. L’apparition que le roi de Suède a faite chez nous[1] m’a empêché de vous répondre plus tôt.

J’avais donc deviné que ce beau Testament[2] n’était pas de vous. On vous a fait le même honneur qu’au cardinal de Richelieu, au cardinal Albéroni, au maréchal de Belle-Isle, etc., de tester en votre nom. Je disais à quelqu’un qui me parlait de ce Testament que c’était une œuvre de ténèbres ; que l’on n’y reconnaissait ni votre style, ni les bienséances que vous savez si supérieurement observer en écrivant pour le public : cependant bien du monde, qui n’a pas le tact assez fin, s’y est trompé ; et je crois qu’il ne serait pas mal de le désabuser.

J’ai donc vu ce roi de Suède, qui est un prince très-instruit, d’une douceur charmante, et très-aimable dans la société. Il aura été charmé, sans doute, de recevoir vos vers[3] ; et j’ai vu avec plaisir que vous vous souveniez encore de moi. Le roi de Suède nous a parlé beaucoup des nouveaux arrangements qu’on prenait en France, de la réforme de l’ancien parlement, et de la création d’un nouveau. Pour moi, qui trouve assez de matières à m’occuper chez moi, je n’envisage qu’en gros ce qui se fait ailleurs. Je ne puis juger des opérations étrangères qu’avec circonspection, parce qu’il faudrait plus approfondir les matières que je ne le puis, pour en décider.

On dit que le chancelier[4] est un homme de génie et d’un mérite distingué : d’où je conclus qu’il aura pris les mesures les plus justes dans la situation actuelle des choses, pour s’arranger de la manière la plus avantageuse et la plus utile au bien de l’État. Cependant, quoi qu’on fasse en France, les Welches crient, critiquent, se plaignent, et se consolent par quelque chanson maligne, ou quelques épigrammes satiriques. Lorsque le cardinal Mazarin, durant son ministère, faisait quelque innovation, il demandait si à Paris on chantait la canzonetta. Si on lui disait que oui, il était content.

  1. Gustave III arriva à Potsdam le 22 avril.
  2. Voyez tome XX, page 200 ; et les lettres 8248 et 8259.
  3. Épître au roi de Suède, tome X, page 438.
  4. Maupeou ; voyez la note tome XVI, page 107.