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CORRESPONDANCE.
7760. — À M. LE DUC DE PRASLIN[1].
À Ferney, 24 janvier.

Monseigneur, pardon ; je tremble de fatiguer vos bontés. Voici le seul papier justificatif concernant les diamants volés par messieurs de Tunis[2]. Si jamais vous daignez prendre la peine de battre ces barbares, je vous supplierai alors de faire comprendre les diamants dans les articles de paix que vous daignerez leur accorder.

J’ai toujours été émerveillé que les princes chrétiens, qui se font quelquefois la guerre de gaieté de cœur, ne s’accordassent pas à jeter Tunis et Alger dans leurs ports. Voilà de plaisants successeurs des Carthaginois que ces voleurs de Tunis.

On dit que vous avez une très-florissante marine. Permettez à un de vos vieux courtisans de s’intéresser passionnément à votre gloire.

J’ai l’honneur, etc.

7761. — À M. ÉLIE DE BEAUMONT.
À Ferney, le 24 janvier.

Mon cher Cicéron, je reçois les papiers que vous avez eu la bonté de m’envoyer. Vous voyez bien qu’il n’y a la qu’un ménage de gâté. J’entends fort mal les affaires ; mais je ne crois pas que la sentence du lieutenant civil, qui ordonne qu’on enfermera chez des moines, par avis de parents, un fils de famille[3], en cas que le roi lui rende la liberté, puisse subsister après dix ans, quand le père et la mère sont morts, quand le fils de famille est père de famille, quand il a cinquante-trois ans, quand sa mère s’est opposée à cette étonnante sentence et l’a l’ait son légataire universel.


Ma foi, juge et plaideurs, il faudrait tout lier.

(Racine, les Plaideurs, acte I, scène viii.)

J’ignore encore si l’homme aux cinquante trois ans ne ressemble pas aux nèfles, qui ne mûrissent que sur la paille. Je me

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Voyez la lettre à d’Argental du 5 janvier.
  3. Durey de Morsan, alors âgé de cinquante-trois ans ; voyez tome XLV, page 500.