dignes de vous, et comme citoyen, et comme philosophe, et comme écrivain. Nous avons lu hier en pleine Académie votre lettre à l’abbé d’Olivet[1], qui nous a fait très-grand plaisir ; elle contient d’excellentes leçons. Vous avez bien raison, mon cher maître ; on veut toujours dire mieux qu’on ne doit dire : c’est là le défaut de presque tous nos écrivains. Mon Dieu, que je hais le style affecté et recherché ! et que je sais bon gré à M. de La Harpe de connaître le prix du style naturel ! Vous avez bien fait de donner un coup de griffe à Diogène-Rousseau[2]. On a publié ici pour sa défense quatre brochures[3], toutes plus mauvaises les unes que les autres : c’est un homme noyé, ou peu s’en faut ; et tout son pathos, pour l’ordinaire si bien placé, ne le sauvera pas de l’odieux et du ridicule.
J’avais déjà lu l’Hypocrisie[4] ; il y a des vers qui resteront, et Vernet vous doit un remerciement. Vous aurez vu ce que je dis de ce maraud à la fin de mon cinquième volume[5] : je crois qu’on ne sera pas fâché non plus des deux passages de Rousseau qui disent le blanc et le noir, et que je me suis contenté de mettre à la suite l’un de l’autre.
M. de La Harpe m’a déjà parlé du poëme sur la Guerre de Genève ; ce qu’il m’en dit me donne grande envie de le lire ; je ne consentirai pourtant à trouver cette guerre plaisante qu’à condition qu’elle ne vous fera pas mourir de faim. Il ne manquerait plus à cette belle expédition que de mettre la famine dans le pays de Gex et dans le Bugey, pour faire repentir les Genevois de n’avoir pas remercié M. de Beauteville[6] de son digne et éloquent discours.
Vous croyez donc qu’on ne vend que cent exemplaires d’un discours de l’Académie[7] ? Détrompez-vous : ces sortes d’ouvrages sont plus achetés que vous ne pensez ; tous les prédicateurs, avocats, et autres gens de la ville et de la province, qui font métier de paroles, se jettent à corps perdu sur cette marchandise.
À propos d’avocats et de paroles, avez vous lu un très-bon Discours sur l’administration de la justice criminelle, prononcé au parlement de Gre-
- ↑ C’est la lettre 6652.
- ↑ Voyez page 13.
- ↑ Justification de J.-J. Rousseau dans la contestation qui lui est survenue avec M. Hume, 1766, in-12 de 28 pages. — Observations sur l’exposé succinct de la contestation qui s’est élevée entre M. Hume et M. Rousseau, in-12 de 88 pages. — Lettre à l’auteur de la Justification de J.‑J. Rousseau, in-12 de 31 pages. Cette pièce et la précédente sont quelquefois réunies sous le titre de Précis pour M. J.‑J. Rousseau. Je ne sais quelle est la quatrième des brochures dont parle d’Alembert. (B.)
- ↑ Éloge de l’hypocrisie ; voyez tome X.
- ↑ À la fin de son cinquième volume de Mélanges, d’Alembert inséra une Justification de l’article Genève de l’Encyclopédie, et il y rapportait un morceau de la lettre de J.‑J. Rousseau à d’Alembert, 1758, où l’auteur défend les ministres genevois, et un extrait de la seconde des Lettres de la montagne, où il blâme ces ministres.
- ↑ Voyez tome XLIV, page 198.
- ↑ Voyez lettre 6681.