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le droit d’insulter ce qu’il y a de plus respectable. J’ignore s’il a parlé des Sirven ; mais on devrait avertir les provinciaux qui ont la faiblesse de faire venir ses feuilles de Paris, qu’ils ne doivent pas y faire plus d’attention qu’on n’en fait dans votre capitale à tout ce qu’écrit cet homme dévoué à l’horreur publique.

Je viens de lire le mémoire de M. Cassen, avocat au conseil : cet ouvrage est digne de paraître même après le vôtre. On m’apprend que M. Cassen a la même générosité que vous : il protège l’innocence sans aucun intérêt. Quels exemples, monsieur, et que le barreau se rend respectable ! M. de Crosne et M. de Baquencourt ont mérité les éloges et les remerciements de la France, dans le rapport qu’ils ont fait du procès des Calas. Nous avons pour rapporteur[1], dans celui des Sirven, un magistrat sage, éclairé, éloquent (de cette éloquence qui n’est pas celle des phrases) ; ainsi nous pouvons tout espérer.

Si quelques formes juridiques s’opposaient malheureusement à nos justes supplications, ce que je suis bien loin de croire, nous aurions pour ressource votre factum, celui de M. Cassen, et l’Europe ; la famille Sirven perdrait son bien, et conserverait son honneur ; il n’y aurait de flétri que le juge qui l’a condamnée, car ce n’est pas le pouvoir qui flétrit, c’est le public.

On tremblera désormais de déshonorer la nation par d’absurdes accusations de parricides, et nous aurons du moins rendu à la patrie le service d’avoir coupé une tête de l’hydre du fanatisme.

J’ai l’honneur d’être avec les sentiments de l’estime la plus respectueuse, etc.

6805. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
21 mars.

Il est arrivé, monsieur, bien des événements qui nous obligent de différer. L’affaire des Sirven, qui commence à faire un grand bruit à Paris, et qui va être jugée au conseil du roi, m’occupe à présent tout entier, et ne me permet pas une diversion qui pourrait lui nuire. Beaucoup d’autres considérations me persuadent qu’il faut attendre encore quelque temps. M. Boursier doit vous envoyer incessamment trois ou quatre petits pa-

  1. M. de Chardon. (Note de Voltaire.) — Voyez la lettre que lui adressa Voltaire en février 1768.