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ANNÉE 1766.

L’affaire de Lembreta[1] traîne un peu en longueur ; mais elle se fera, malgré le dérangement où l’on est.


6629. — À CATHERINE II.
22 décembre.

Madame, que Votre Majesté impériale me pardonne, non vous n’êtes point l’aurore boréale[2] ; vous êtes assurément l’astre le plus brillant du Nord, et il n’y en a jamais eu d’aussi bienfaisant que vous : Andromède, Persée, et Calisto, ne vous valent pas. Tous ces astres-là auraient laissé Diderot mourir de faim. Il a été persécuté dans sa patrie, et vos bienfaits viennent l’y chercher[3]. Louis XIV avait moins de magnificence que Votre Majesté ; il récompensa le mérite dans les pays étrangers, mais on lui indiquait ce mérite : vous le cherchez, madame, et vous le trouvez. Vos soins généreux pour établir la liberté de conscience en Pologne sont un bienfait que le genre humain doit célébrer, et j’ambitionne bien d’oser parler au nom du genre humain, si ma voix peut encore se faire entendre.

En attendant, madame, permettez-moi de publier ce que vous avez daigné m’écrire au sujet de l’archevêque de Novogorod[4], et sur la tolérance[5]. Ce que vous écrivez est un monument de votre gloire ; nous sommes trois, Diderot, d’Alembert, et moi, qui vous dressons des autels ; vous me rendez païen. Je suis avec idolâtrie, madame, aux pieds de Votre Majesté, mieux qu’avec un profond respect, le prêtre de votre temple.


6630. — À MADAME LA DUCHESSE DE GRAMMONT.
À Ferney, 22 décembre.

Madame, permettez que deux personnes qui vous doivent leur bonheur en grande partie, ainsi qu’à M. le duc de Choiseul, vous témoignent au moins une fois par an leur reconnaissance.

  1. D’Alembert.
  2. Voyez les lettre ; 6393 et 6625.
  3. L’impératrice, après avoir acheté la bibliothèque de Diderot (voyez tome XLIII, pagre 542, ayant appris qu’il n’était pas payé depuis quelques mois du traitement qu’elle lui faisait comme conservateur de la bibliothèque, lui écrivit pour lui annoncer qu’elle ne voulait pas que la négligence d’un commis lui fût préjudiciable, et qu’en conséquence elle entendait lui payer cinquante années d’avance. À la lettre était jointe une traite de vingt-cinq mille francs, représentant vingt-cinq années de la pension.
  4. Voyez ci-dessus, page 195.
  5. Voyez la lettre 6393.