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ANNÉE 1766.

logne, et le roi de Prusse. Voilà trois philosophes sur le trône, et cependant il y a encore peu de philosophie dans leurs climats : elle y pénètre pourtant. L’impératrice de Russie dit[1] que ce n’est qu’une aurore boréale ; et moi, je pense que cette nouvelle lumière sera permanente. On se plaint qu’il y en a trop en France. Je ne vois pas quel mal peut jamais faire la raison. On n’a jamais jusqu’à présent essayé d’elle ; il faut du moins faire cette tentative, et on verra si elle est si nuisible. Non, mon cher confrère, la raison n’est pas si méchante qu’on le dit ; ce sont ses ennemis qui sont méchants.

J’aurai donc Bélisaire pour mes étrennes. C’est là où je trouverai la philosophie qui me plaît ; c’est là que tout le monde trouvera à s’amuser et à s’instruire. Je vous souhaite d’avance une bonne année. Présentez mes hommages et ma reconnaissance à Mme Geoffrin ; ce qu’elle a fait pour les Sirven est digne d’une souveraine. Je ne la connais que par de belles actions. Elle fut la première à souscrire en faveur de Mlle Corneille, dont le père lui avait fait un procès si impertinent ; elle ne s’en vengea que par des bienfaits. En vérité, voilà de ces choses qu’il faut que la postérité sache.

Mettez-moi bien à ses pieds.

Quand aurons-nous donc le discours de M. Thomas[2] ? On dit qu’il lira un premier chant de la Pétréiade[3], qui est admirable. L’année 1767 ne commencera pas mal pour la lillérature. Soyez-en le soutien avec M. Thomas. J’applaudis de loin à vos succès, qui me sont bien chers, et qui me consolent.

Mme Denis vous fait les plus sincères compliments.

N. B. Ce n’est point l’abbé Coyer qui a fait la Lettre au docteur Pansophe, c’est M. Bordes, académicien de Lyon, qui s’était déjà moqué plus d’une fois du charlatan de Genève. Je vous assure qu’il est bien loin d’oser remontrer sa petite figure dans sa patrie ; il courrait risque d’y être pendu ; mais vous savez qu’il en serait fort aise, pourvu que son nom fût mis dans la gazette.

Adieu, mon cher confrère.

  1. Lettre 6393.
  2. Thomas prononça son discours de réception à l’Académie française le 22 janvier 1767 ; il succédait à Jacques Hardion.
  3. Voyez la note 2, page 69.