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ANNÉE 1766.

Cela ne m’empèchera pas de traiter mon beau sujet, pourvu que la nature épuisée accorde encore cette consolation à ma vieillesse. Je serai soutenu par l’envie de faire quelque chose qui puisse vous plaire.

La troupe de Genève, qui n’est pas absolument mauvaise, se surpassa hier en jouant Olympie ; elle n’a jamais eu un si grand succès. La foule qui assistait à ce spectacle le redemanda pour le lendemain à grands cris. Je suis persuadé que Mlle Durancy ferait réussir bien davantage Olympie à Paris ; et, par tout ce que j’apprends d’elle, je juge qu’elle jouerait mieux le rôle d’Olympie que mademoiselle Clairon. Tâchez de vous donner ce double plaisir ; mais je vous avoue que je voudrais qu’on ne retranchât rien à la pièce. Toute mutilation énerve le corps et le défigure. Je n’ai point vu la représentation donnée à Genève ; je ne sors guère de mon lit depuis longtemps, mais je sais qu’on a joué la pièce d’après l’édition des Cramer, et je suis un peu déshonoré à Paris par l’édition de Duchesne.

Au reste, mes anges ne manqueront pas de pièces de théâtre. M. de Chabanon est bien avancé[1] ; La Harpe vient demain travailler chez moi. Si je vous suis inutile, mes élèves ne vous le seront pas.

J’espère enfin qu’Élie de Beaumont va faire jouer la tragédie des Sirven. Il est comme moi : il a été accablé de tracasseries et de chagrins, mais il travaille à sa pièce.

Vous m’assurez, mes divins anges, que M. le duc de Praslin trouve bon que j’emploie la protection dont il m’honore auprès de M. du Clairon[2], commissaire de la marine à Amsterdam, au sujet de ces lettres défigurées que l’éditeur[3] de Rousseau a imprimées, et des notes infâmes dans lesquelles le seul Rousseau est loué, et presque toute la cour de France traitée d’une manière indigne et punissable. Ces notes ont été faites à Paris, et il ne serait pas mal de connaître le scélérat. Un mot d’un premier commis, au nom de M. le duc de Praslin, suffirait à M. du Clairon.

Que mes anges agréent toujours ma tendresse inaltérable et respectueuse.

  1. Dans sa tragédie d’Eudoxie, en cinq actes et en vers, imprimée en 1769, sans avoir été représentée.
  2. Voyez la lettre 6561.
  3. Marc-Michel Rey, libraire de Rousseau à Amsterdam. Le volume de Lettres dont Voltaire se plaint ne porte pas le nom d’Amsterdam, mais celui de Genève. L’annotateur était J.-B. Robinet ; voyez tome XXV, page 579.