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ANNÉE 1766.

J’ai lu le procès de l’ingratitude contre la générosité. Ce Jean-Jacques me paraît un charlatan fort au-dessus de ceux qui jouent sur les boulevards. C’est une âme pétrie de boue et de fiel. Il mériterait la haine, s’il n’était accablé du plus profond mépris.

On ma mandé beaucoup de bien de Mlle Durancy[1]. Le public, qui d’abord l’avait mal reçue, a changé d’avis. Cela lui arrive souvent à ce bon public ; c’est une assemblée de fous qui devient sage à la longue.

Recevez, mon chevalier, mes tendres remerciements de votre souvenir, et les sincères compliments de Mme Denis, et de tout notre petit ermitage.


6551. — À M. DAMILAVILLE.
29 octobre.

Point de nouvelles de Meyrin[2], mon cher ami ; mais j’en ai du moins reçu du prophète Élie. Il dit qu’il a fini à la fin son factum pour les Sirven[3] ; qu’à son retour à Paris, il va le faire signer par des avocats, et le faire imprimer. Dieu le veuille ! Je vois qu’il est occupé d’affaires intéressantes et épineuses. Son procès devenu personnel contre Mme de Roncherolles, son autre procès pour les biens que réclame madame sa femme[4], me font une extrême peine. Mais enfin nous avons entrepris l’affaire des Sirven, il faut en venir à bout. Nous aurons gagné notre procès, si cette aventure sert à inspirer la tolérance et l’humanité à des cœurs barbares qui ne les ont point connues.

Mandez-moi ce qu’on pense du procès de l’ingratitude contre la bienfaisance. Ce charlatan de Jean-Jacques n’est-il pas le mépris de tous ceux qui ont le sens commun, et l’exécration de ceux qui ont un cœur ? Mes deux conseillers[5] sont partis, mais l’un s’en va à sa terre d’Hornoy, l’autre à son abbaye. J’espère que vous les verrez cet hiver. Puisque je ne jouis pas de la con-

  1. Madeleine-Céleste de Frossac, connue sous le nom de Mlle Durancy, née en 1746, avait débuté en 1759, au Théâtre-Français, qu’elle abandonna pour l’Opéra, où elle parut en juin 1762. Elle rentra, le 13 octobre 1766, sur la scène française, qu’elle quitta de nouveau en 1767 pour retourner à l’Opéra, où elle resta jusqu’à sa mort, arrivée le 28 décembre 1780. (B.)
  2. Voyez lettre 6572.
  3. Voyez une note sur la lettre 6487.
  4. Voyez lettre 6528.
  5. D’Hornoy, petit-neveu de Voltaire, et Mignot, neveu de Voltaire.