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quelquefois dans celles du bon sens : mais de bons esprits, tels que vous et vos amis, soutiendront toujours l’honneur de la nation. Il est vrai qu’ils seront en petit nombre : mais à la longue le petit nombre gouverne le grand.

J’ai vu depuis peu un ouvrage posthume de M.  Fréret[1], secrétaire de l’Académie des belles-lettres. Ce livre mérite d’entrer dans votre bibliothèque : il ne paraît pas fait pour être lu de tout le monde ; mais il y a d’excellentes recherches, et si l’on y trouve quelque chose de dangereux, vous en savez assez pour le réfuter. J’aurai l’honneur de vous l’envoyer par la diligence de Lyon, à l’adresse qu’il vous plaira de m’indiquer.

Mme  Denis est très-touchée de votre souvenir. Agréez, monsieur, mes tendres respects, que je vous présente du fond de mon cœur.

P. S. Si vous aimez Henri IV, comme je n’en doute pas, je vous exhorte à lire la justification du président de Thou[2] contre le sieur de Bury, auteur d’une nouvelle Vie de Henri IV.


6381. — À M.  DAMILAVILLE.
1er juillet.

On me mande, mon cher frère, une étrange nouvelle. Les deux insensés[3], dit-on, qui ont profané une église en Picardie ont répondu, dans leurs interrogatoires, qu’ils avaient puisé leur aversion pour nos saints mystères dans les livres des encyclopédistes et de plusieurs philosophes de nos jours. Cette nouvelle est sans doute fabriquée par les ennemis de la raison, de la vertu et de la religion. Qui sait mieux que vous combien tous ces philosophes ont tâché d’inspirer le plus profond respect pour les lois reçues ? Ils ne sont que des précepteurs de morale, et on les accuse de corrompre la jeunesse. On cherche à renouveler l’aventure de Socrate ; on veut rendre les Parisiens aussi injustes que les Athéniens, parce qu’on croit plus aisé de les faire ressembler aux Grecs par leurs folies que par leurs talents.

Ne pourriez-vous pas remonter à la source d’un bruit si odieux et si ridicule ? Je vous prie de mettre tous vos soins à vous en informer.

J’ai reçu la visite d’un homme de mérite qui vous a vu quelque-

  1. Examen critique, etc. ; voyez lettre 6306.
  2. Le Président de Thou justifié, etc ; voyez tome XXV, page 477.
  3. Le chevalier de La Barre et Moinel ; voyez tome XXV, page 509.