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CORRESPONDANCE.

J’ai déjà fait usage de la singulière anecdote que je lui dois touchant l’étonnant traité de Léopold avec Louis XIV, que j’aurais toujours ignoré sans lui[1]. Si sa belle mémoire veut encore m’aider, le siècle de Louis XIV ne s’en trouvera pas plus mal. Je ne me mêle, Dieu merci, que des affaires du temps passé, et je laisse là le siècle présent pour ce qu’il vaut. Je ne prends point la liberté d’écrire à monsieur l’ambassadeur sur sa santé ; je m’adresse à vous pour en savoir des nouvelles. Ma nièce, qui alla ces jours passés lui présenter ses hommages et les miens, m’assure qu’il sera bientôt en état de sortir.

Adieu, monsieur : toute ma petite famille vous embrasse bien tendrement, et soupire comme moi après le bonheur de vous voir. V.


6346. — À M. DAMILAVILLE.
21 mai.

En réponse à votre lettre du 15, mon cher ami, je vous dirai que je viens de lire l’article dont vous m’avez parlé. Tout mon petit troupeau et moi, nous en sommes transportés. J’ai fait l’acquisition, dans mon bercail, d’un jeune avocat qui est notre bailli, et qui est homme à plaider vigoureusement contre les intolérants.

Le buste en ivoire[2] d’un homme très-tolérant partit à votre adresse le 13 de ce mois. Il est vrai que c’est un vieux et triste visage, mais ce morceau de sculpture est excellent.

Je ne sais si vous avez lu une Vie de Henri IV, par un M. de Bury, qui s’est avisé, je ne sais pourquoi, de comparer notre héros à Philippe, roi de Macédoine, auquel il ne ressemble pas plus qu’à Pharaon. Je vous ai déjà dit que cet homme s’était déchaîné dans sa préface contre le président de Thou. Nous avons trouvé un vengeur[3] : un de mes amis s’est chargé de la cause de de Thou contre Bury. Il a inséré dans cette défense quelques anecdotes assez curieuses. Je crois que cet ouvrage peut s’imprimer à Paris. Je le ferai transcrire, je vous l’enverrai, et vous en pourrez gratifier l’enchanteur Merlin.

  1. Il s’agit, ici d’un traité de partage de la monarchie espagnole, fait en très-grand secret par Louis XIV et l’empereur Léopold, dès les premières années du règne de Charles II. Voyez le Siècle de Louis XIV, chapitre viii. (Note de Hennin fils.)
  2. Voyez la lettre 6249.
  3. Voltaire lui-même, dans son opuscule intitulé le Président de Thou justifié ; voyez tome XXV, page 477.