Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chez moi un logement. Ma chaumière n’est plus qu’une masure renversée et désolée par des maçons ; mais, quand je serai sur de vous recevoir, je leur ferai bien faire une cellule pour vous dans mon petit couvent. Vous serez logé bien ou mal, mon cher ami, et nous aurons le plus grand soin de votre santé. Je vous ouvrirai un cœur qui est tout à vous ; nous plaindrons ensemble le sort de la littérature et de ceux qui la cultivent.

Vous vous doutez bien à quel excès le libelle du gazetier janséniste[1] m’a indigné. Voilà donc les ouvrages qu’on permet, tandis que les bons sont à peine tolérés et quelquefois proscrits !

Je crois qu’on a imprimé quelques sermons de l’abbé Bazin, et qu’ils se trouvent dans des recueils ; on m’en a même envoyé quelques passages. Sa Philosophie de l’Histoire, qu’on m’imputait dabord, et que, Dieu merci, on ne m’impute plus, n’a pas laissé d’être bien reçue en Angleterre et dans tous les pays étrangers. On me mande que cet ouvrage a paru instructif et sage ; mais il n’est pas juste qu’on m’attribue tous les ouvrages nouveaux qui paraissent : je ne veux ni d’un honneur ni d’une honte que je ne mérite pas. Je suis hors d’état de travailler ; je voudrais au moins que les autres fissent ce que je ne puis faire. La Harpe, qui est toujours chez moi, m’avait promis une tragédie ; il n’a rien commencé : {{brn|1}=

· · · · · · · · · · · · · · · Vitanda est improba Siren
Desidia.

(Hor., lib. II, sat. iii, v. 14.)

J’attends patiemment le paquet que m’a promis Briasson, et je me flatte que nous lirons ensemble ce qu’il contient ; nous en raisonnerons, et ce seront les moments les plus agréables de ma vie.


6058. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
Ferney, 6 juillet.

Voici, mes divins anges, ce qui est advenu : votre paquet, adressé à M. Camp, et contre-signé Chauvelin, arriva en son temps à Lyon, à l’adresse de M. Camp. Les fermiers généraux des postes l’avaient contre-signé à Paris d’une autre façon, en mettant ou gros caractères : Paquet suspect. M. Camp est toujours malade ; M. Tronchin, qui est toujours à Lyon, fut étonné du

  1. Voyez la lettre 6051.