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supérieur qui a raison. J’ai malheureusement perdu la lettre dont ce philosophe aimable m’honora. Peut-être son livre sera parvenu jusqu’à vous, monsieur, quoiqu’il me semble que votre goût ne se tourne pas du côté de ces petites recherches. Mais si vous pouvez savoir, par quelqu’un de vos académiciens, le nom de cet ingénieux observateur, je vous supplie de vouloir bien m’en instruire, afin que je n’aie pas à me reprocher d’avoir manqué de politesse envers un homme qui m’a fait tant de plaisir.

Adieu, monsieur ; nous sommes transis de froid, et je suis actuellement en Sibérie.


6228. — À M.  CHRISTIN.
10 janvier.

Je vous demande bien padon, mon cher ami, de répondre si tard à votre lettre. Vous ne doutez pas combien j’ai été sensible à la perte que nous avons faite tous deux du plus digne ami que vous eussiez. Je le regretterai toute ma vie. Vous êtes le seul, dans le pays où vous êtes, qui puissiez me consoler. Je vous plains de vivre avec des personnes si éloignées du caractère de celui dont nous pleurons la mort. Nous désirons infiniment à Ferney de pouvoir arranger les choses de façon que vous vécussiez avec nous. La vie n’est supportable qu’avec d’honnêtes gens dont les sentiments sont conformes aux nôtres.

Je me tiendrai très-heureux quand vous pourrez laisser des bœufs ruminer avec des bœufs, et venir penser avec vos amis.

Je tiens l’histoire de l’homme pendu[1] pour avoir mangé gras très-véritable. Cet arrêt d’ailleurs me semble fort juste, car les hommes qui se laissent traiter ainsi n’ont que ce qu’ils méritent.

Nous vous faisons tous les plus sincères compliments.


6229. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
11 janvier.

Mes divins anges, j’aurais pu faire une sottise si j’avais mis ma dernière lettre d’hier[2] sous l’enveloppe d’un autre ministre

  1. Voltaire a souvent parlé de ce gentilhomme franc-comtois, nommé Claude Guillon, qui, en 1629, eut la tête tranchée pour avoir mangé du cheval un vendredi ; voyez tome XXV, page 559, XXVIII, 343.
  2. Cette lettre est perdue.