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tous les capucins, et elle a rendu Abraham Chaumeix tolérant. Elle ajoute qu’il y a un troisième miracle qu’elle ne peut faire, c’est de donner de l’esprit à Abraham Chaumeix.

Auriez-vous trouvé Bigex à Paris ? Pour moi, j’ai toujours mon capucin[1]. Je fais mieux que l’impératrice ; elle les chasse, et je les défroque.

Il paraît à Genève un livre qui m’est en quelque sorte dédié : c’est une histoire courte, vive, et nette des troubles passés et des présents[2]. Les citoyens y exposent de très-bonnes raisons ; il semble que l’auteur veuille me forcer par des louanges, et même par d’assez mauvais vers, à prendre le parti des citoyens contre le petit conseil ; mais c’est de quoi je me garderai bien. Il serait ridicule à un étranger, et surtout à moi, de prendre un parti. Je dois être neutre, tranquille, impartial, bien recevoir tous ceux qui me font l’honneur de venir chez moi, ne leur parler que de concorde : c’est ainsi que j’en use ; et s’il était possible que je leur fusse de quelque utilité, je ne pourrais y parvenir que par l’impartialité la plus exacte.

Je vais faire rassembler ce que je pourrai des anguilles de M. Needham pour vous les faire parvenir ; ce ne sont que des plaisanteries[3]. Les choses auxquelles Bigex peut travailler sont plus dignes de l’attention des sages.

On m’a dit qu’on allait faire une nouvelle édition de l’ouvrage attribué à Saint-Évremont[4], et de quelques autres pièces relatives au même objet. J’ai cherché en vain à Genève une lettre d’un évéque grec[5] ; il n’y en a qu’un seul exemplaire, qui est, je crois, entre les mains de Mme  la duchesse d’Enville. On prétend que c’est un morceau assez instructif sur l’abus des deux puissances. L’auteur prouve, dit-on, que la seule véritable puissance est celle du souverain, et que l’Église n’a d’autre pouvoir que les prérogatives accordées par les rois et par les lois. Si cela est, l’ouvrage est très-raisonnable. J’espère l’avoir incessamment.

Adieu, mon cher ami ; tout notre ermitage vous fait les plus tendres compliments.

  1. Voyez la note 1 de la page précédente
  2. Voyez la note page 109.
  3. Les Questions ou Lettres sur les miracles ; voyez tome XXV, page 357.
  4. C’est l’Analyse de la religion chrétienne, dont il a été question si souvent ; voyez tome XVIII, page 261 ; et XXVI, 500.
  5. Voyez le Mandement de l’archevêque de Novogorod ; tome XXV, page 345.