Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

débordées, toutes les montagnes sont éboulées, tous les carrosses sont noyés, et personne ne part. Il est même fort douteux que M. Tronchin aille à Paris cet hiver. Je vous mandais[1] que Mme  la comtesse d’Harcourt se faisait transporter dans un tiroir, mais il n’en est plus rien. On disait aussi dans votre grande ville qu’on avait envoyé un courrier à M. Tronchin, et qu’il allait à Fontainebleau ; il n’y a pas un mot de vrai. Il se pourrait bien aussi qu’il ne fût pas vrai que. M. de Castilhon, avocat général au parlement d’Aix, eût prononcé le discours qu’on débite sous son nom à Paris[2]. Le mieux qu’on puisse faire, en plus d’un genre, est d’attendre le Boiteux[3], et de ne rien croire du tout ; croyez cependant très-fermement que je vous aime de tout mon cœur, vous, le grand écuyer de Cyrus, et vos deux conseillers.


6150. — À M.  D’ALEMBERT.
À Ferney, 9 novembre.

Vous avez dû recevoir la lettre où je vous parlais de la souscription des Calas ; on m’a envoyé de plusieurs endroits le discours prétendu de M. de Castilhon. Je ne peux croire qu’un magistrat ait prononcé un discours si peu mesuré. Il y a des choses vraies : ou aura sans doute brodé le fond. Trop de véhémence nuit quelquefois à la meilleure cause ; et, comme dit fort bien Arlequin, le lavement trop chaud rejaillit au nez de celui qui le donne.

M. Tronchin n’a point reçu de courrier de Fontainebleau, comme on le disait, et je vois toujours qu’on fait monsieur le dauphin plus malade qu’il ne l’est. Le public est exagérateur, et ne voit jamais en aucun genre les choses comme elles sont. Il est vrai que les médecins en usent de même, ainsi que les théologiens. La plupart de ces messieurs ne voient la vérité ni ne la disent.

Si vous voyez M. Thomas, je vous prie de l’assurer que je lui ai dit la vérité quand je lui ai écrit[4]. Mme  la duchesse d’Enville

  1. Voyez la lettre 6145.
  2. L’extrait du discours de Castilhon est imprimé dans les Mémoires secrets (de Bachaumont) du 10 octobre 1765. Cet extrait fut désavoué lors de l’impression du discours par ordre du parlement de Provence. Malgré le désaveu, on s’obstinait à croire Caslilhon auteur des phrases mal sonnantes aux oreilles de quelques personnes.
  3. Le Temps, qui cloche. (Note de Decroix.)
  4. Lettre 6117.