Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Mme  Scaliger. Je prévois que ma réponse sera inutile, puisqu’elle n’arrivera qu’après que Tancrède aura été joué à Versailles ; mais du moins j’aurai la consolation d’avoir fait mon devoir. Si vous avez encore quelques petits scrupules, je suis à vos ordres.

Êtes-vous toujours dans l’idée de faire imprimer Tancrède par provision ? En ce cas, je vous supplie de faire transcrire sur la pièce les changements que vous trouverez dans mon mémoire. Vos bontés ne se lassent pas.

Vous imaginez donc que je suis assez malhabile pour fourrer dans la dédicace quelque chose que la marquise n’ait pas approuvé ? Je ne suis pas si niais. Voici cette dédicace mot pour mot, telle que M.  le duc de Choiseul me l’a renvoyée, munie du grand sceau des petits appartements. J’ai plus d’une raison de faire cette dédicace, et je crois que vous les devinez toutes.

Et vous, madame Scaliger, vous me croyez donc assez Suisse pour ignorer que mon intendant de Bourgogne est le frère de mon cher avocat général ? Sachez que ce frère m’a amené son neveu, propre fils de son frère. J’ai soupçonné sa mère[1] d’avoir été une habile femme, car le jeune candidat est d’une taille fine et élancée, et son père est tout rabougri.

Nous avons à présent M.  Turgot, qui vaut mieux que tout le parquet. Celui-là n’a pas besoin de mes instructions, il m’en donnerait ; c’est un philosophe très-aimable. Nous lui avons joué Fanime et les Ensorcelés[2] : il dit qu’il n’avait pas pleuré à Tancrède, et je l’ai vu pleurer à Fanime ; mais c’est que Mme  Denis a la voix attendrissante, et quand nous jouons ensemble on n’y tient pas.

George III[3] ne changera pas la face de l’Europe ; celle de Luc change tous les jours.

Mille tendres respects à tous les anges.


4330. — À M.  DE CHENEVIÈRES[4].
Aux Délices, 11 novembre.

Vous verrez bientôt, mon ami, Mme  de Bazincourt[5] ; elle va des Délices au couvent, de la comédie à vêpres, de chez

  1. Madeleine-Geneviève-Mélanie Desvieux, morte an commencement de 1747.
  2. Parodie de l’opéra des Surprises de l’Amour, de Bernard, par Mme  Favart, Guérin, et Harni ; 1757.
  3. George II était mort le 25 octobre précédent.
  4. Éditeurs, de Cayrol et François.
  5. Voyez la dernière lettre à Chenevières.