Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/536

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après cela, on peut saisir des Grizel, etc. On verra que les amateurs des lettres sont plus amateurs de la patrie que les convulsionnaires et les ennemis des arts. Je signe hardiment cette lettre ; votre véritable ami


Voltaire.

4749. — À M. JEAN SCHOUVALOW.
À Ferney, 14 novembre.

Vous voyez que je suis plus diligent que je ne l’avais cru. Mon âge, mes infirmités, me font toujours craindre de ne pas achever l’histoire à laquelle je me suis dévoué ; ainsi je me hâte, sur la fin de ma carrière, de remplir celle où vous me faites marcher, et l’envie de vous plaire presse ma course. Votre Excellence a dû recevoir le paquet contenant la fin tragique du czarovitz, avec une lettre[1] dans laquelle je vous exposais mon embarras et mes scrupules avec la franchise que votre caractère vertueux autorise, et que vos bontés m’inspirent. Je vous répète que j’ai cru nécessaire de relever ce chapitre funeste par quelques autres qui missent dans un jour éclatant tout ce que le czar a fait d’utile pour sa nation, afin que les grands services du législateur fissent tout d’un coup oublier la sévérité du père, ou même la fissent approuver. Permettez, monsieur, que je vous dise encore que nous parlons à l’Europe entière ; que nous ne devons ni vous ni moi arrêter notre vue sur les clochers de Pétersbourg, mais qu’il faut voir ceux des autres nations, et jusqu’aux minarets des Turcs. Ce qu’on dit dans une cour, ce qu’on y croit, ou ce qu’on fait semblant d’y croire, n’est pas une loi pour les autres pays ; et nous ne pouvons amener les lecteurs à notre façon de penser qu’avec d’extrêmes ménagements. Je suis persuadé, monsieur, que c’est là votre sentiment, et que Votre Excellence sait combien j’ambitionne l’honneur de me conformer à vos idées. Vous pensez aussi, sans doute, qu’il ne faut jamais s’appesantir sur les petits détails, qui ôtent aux grands événements tout ce qu’ils ont d’important et d’auguste. Ce qui serait convenable dans un traité de jurisprudence, de police et de marine, n’est point du tout convenable dans une grande histoire. Les mémoires, les dupliques et les répliques, sont des monuments à conserver dans

  1. Celle du 9 novembre, n° 4740.