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suis très-content, avec un petit mot de remerciement et d’instruction pour lui[1].

Je vous avoue que, dans ces ornements, je demande célérité plutôt que perfection ; je n’ai jamais trop aimé les estampes dans les livres ; que m’importe une taille-douce quand je lis le second livre de Virgile, et quel burin ajoutera quelque chose à la description de la ruine de Troie ? Mais les souscripteurs aiment ces pompons, et il faut les contenter.

Je plains votre jeune homme s’il est obligé de lire les pièces dont il gravera le sujet. Cinna et les belles scènes du Cid, de Pompée, d’Horace et de Polyeucte, sont au-dessus de toute gravure, et les autres pièces n’en méritent pas. Les premiers sujets sont déjà distribués. Il est triste, j’en conviens, de travailler sur Agésilas et sur Attila ; mais je vous en aurai plus d’obligation, et je regarderai votre condescendance comme une de vos plus grandes bontés.

J’aurais bien voulu vous montrer quelques-uns de mes commentaires. L’entreprise est épineuse ; il faut avoir raison sur trente-deux pièces. Je consulte l’Académie, mais cela ne me suffit pas ; je suis le contraire des commentateurs, je me défie toujours de mes jugements. Qu’il serait agréable de relire Corneille dans votre beau château, avec vous et quelque adepte ! Le commentaire serait le résultat de nos conférences. Mille tendres respects. V.


4704. — À M.  BRET[2].
À Ferney, 10 octobre.

J’ai parlé aux frères Cramer, monsieur, plus d’une fois, en conformité de ce que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Ils me paraissent surchargés d’entreprises ; et je m’aperçois depuis longtemps que rien n’est si rare que de faire ce que l’on veut. Je suis très-fâché que votre Bayle[3] ne soit pas encore imprimé. On craint peut-être que ce livre, autrefois si recherché, ne le soit moins aujourd’hui : ce qui paraissait hardi ne l’est plus. On avait crié, par exemple, contre l’article David, et cet article est infiniment modéré en comparaison de ce qu’on vient d’écrire en Angleterre[4]. Un ministre a prétendu prouver qu’il n’y a pas une

  1. Probablement la lettre 4925 qui, dans l’édition de Beuchot, est faussement datée de juin. — L’autographe en fait foi. (Th. F.)
  2. Antoine Bret, né à Dijon en 1717, est mort en 1792.
  3. Cette édition de Bayle, projetée par Bret, n’a pas été exécutée.
  4. David, ou l’Homme selon le cœur de Dieu : voyez tome V, page 573 ; et XVIII, page 316.