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4620. — À M. DE CHAMPFLOUR,
ancien lieutenant particulier, à clermont en auvergne.
Au château de Ferney, par Genève, 30 juillet.

Ayant quitté, monsieur, ma maison des Délices, près de Genève, que j’ai cédée à M. le duc de Villars[1] j’y ai laissé votre lettre ; mais quoique je ne l’aie pas sous les yeux, elle est dans mon cœur. Je me suis attendri au souvenir de monsieur votre père, et je vous prie de ne pas douter que je ne prenne toujours un vif intérêt à tout ce qui vous regarde. Vous êtes père de famille depuis longtemps ; vous êtes heureux par votre femme et par vos enfants ; vous l’êtes par votre manière de penser : ce sont pour moi autant de sujets de joie ; elle n’est affaiblie que par le grand intervalle qui nous sépare. Je finis ma carrière dans un séjour assez riant, et dans des terres qui ont de beaux privilèges ; il ne me manque que de pouvoir vous assurer de vive voix des sentiments inviolables avec lesquels j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.

4621. — À M. ***[2].
Au château de Ferney en Bourgogne, par Genève, 30 juillet.

Dans une petite transmigration, monsieur, d’une maison à une autre, la lettre dont vous m’honorâtes en date du 1er juin s’était égarée. Mme du Perron m’ayant appris à qui je devais cette lettre, j’ai été fort honteux ; j’ai cherché longtemps, et j’ai enfin trouvé ; mais ce que je ne trouverai pas, c’est la solution de votre problème. Quand on demanda à Panurge lequel il aimait le mieux d’avoir le nez aussi long que la vue, ou la vue aussi longue que le nez, il répondit qu’il aimait mieux boire.

Vous me demandez lequel est le plus plaisant de savoir tout ce qui s’est fait ou tout ce qui se fera : c’est une question à faire aux prophètes ; ces messieurs, qui connaissaient l’avenir si parfaitement, étaient sans doute instruits également du passé. Il

  1. Honoré-Armand, duc de Villars, né le 4 octobre 1702, reçu en 1734 à l’Académie françaisc, à la place du maréchal de Villars son père ; mort au mois de mai 1770.
  2. Cette lettre est peut-être adressée au bourgmestre de Middelbourg dont il est question dans la lettre 4616, si ce n’est pas un personnage supposé.