Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien du pays, et tout le sera sans doute, puisque vous avez la bonté d’entrer dans cette opération absolument nécessaire.

Nous vous présentons, Mme  Denis et moi, nos très-humbles obéissances. Soyez persuadé, monsieur, que c’est avec les sentiments les plus vrais, et l’attachement le plus sincère, que je serai toute ma vie votre très-humble et très-obéissant serviteur.


4452. — À M.  FYOT DE LA MARCHE[1].
Aux Délices, 6 février 1761.

Souffrez que je vous remercie de votre lettre, je la regarde comme un bienfait. Vous y peignez la plus belle âme du monde. Elle mérite bien d’être la plus heureuse. Nous sommes sur le soir d’une bien courte journée ; j’espère que cette soirée vous sera très-agréable. Si vous ne daignez pas franchir nos montagnes pour venir voir notre délicieux vallon entouré d’horreurs, je descendrai sûrement chez vous du haut du mont Jura, pourvu que je puisse jouir de vos bontés et de votre charmant commerce dans une de vos campagnes : car, sans haïr les hommes, je hais les villes. On n’y est point libre ; on n’y jouit point de ses amis ni de soi-même. C’est vous, et non Dijon, que je veux voir. Je suis à la porte de Genève, et je n’y entre jamais.

Vous voyez combien je suis éloigné en tout de ce très-bel esprit, Fontenelle, que vous voulez que je prenne pour modèle : donnez-moi donc son cœur insensible, donnez-moi son indifférence pour tout ce qui n’était pas l’art de montrer de l’esprit et de le faire valoir. Faites-moi renaître Normand. Je suis bien loin d’être dans sa position. Jugez-en par le petit brimborion que je vous envoie. Vous verrez qu’il n’est pas ici question de défendre des Lettres du chevalier d’Her…, ou des églogues, ou des dialogues dans lesquels les morts font des pointes. Il s’agit des plus détestables calomnies ; il s’agit de parer des coups mortels. Qui défend ses vers et sa prose est un sot ; qui ne détruit pas la calomnie est un lâche. Il était réservé au siècle où nous vivons d’accuser d’irréligion tous les auteurs dont on est jaloux. Si on avait laissé faire Lefranc, si on ne l’avait pas couvert de ridicule, l’usage se serait établi de n’être reçu à l’Académie qu’à condition de déclamer contre les philosopbes. Il s’élevait une cabale infâme de fanatiques et d’hypocrites. Il a fallu les faire taire.

  1. Éditeur, Th. Foisset. — Voyez la lettre 4137.