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Assurez-le, je vous prie, de mon attachement, et soyez persuadé de tous les sentiments que vous faites naître dans le cœur du Suisse V.


4173. — À M. BERTRAND.
5 juillet.

Je ne crois pas, mon cher philosophe, qu’il y ait un plus mauvais correspondant que moi. Je ne vous ai point répondu parce que, de jour en jour, je me suis flatté de partir pour la cour palatine ; mais quand on a des maçons et des charpentiers, on n’est plus son maître. Les moissons sont venues, je ne sais plus quand je pourrai faire ce voyage. Si je ne pars pas, j’écrirai pour le cabinet[1] de la manière la plus engageante que je pourrai imaginer. L’envie de servir ses amis arrondit le style et échauffe le cœur. L’histoire naturelle cède, pour le présent, à l’histoire de la guerre ; les princes ne sont plus occupés que de la façon dont le roi de Prusse succombera ou se tirera d’affaire. On dit qu’on a envoyé le landgrave[2] de Hesse prisonnier à Stade ; il l’était déjà dans ses États. Ce prince était confesseur, le voilà martyr : cela est bien plus beau que d’être landgrave.

On fait, à Paris, la guerre des brochures. Les Palissot, les Pompignan, sont un peu battus en vers et en prose. Cela amuse les badauds de Paris, qui s’occupent plus de ces bagatelles que de ce qui se passe en Silésie. Le Parisien trouve toujours le moyen d’être heureux au milieu des malheurs publics ; et cantilenis miserias solabantur.

Adieu, mon cher philosophe ; je m’imagine que vous êtes à la campagne avec les deux personnes[3] de Berne à qui je suis le plus dévoué. Présentez-leur mes tendres respects, je vous en prie. V.


4174. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[4].
Samedi, 5 juillet 1760.

Le président, qui est aux Ormes chez M. d’Argenson, me mande qu’il vient de recevoir de vous une lettre charmante, où vous lui parlez de moi, et où vous vous plaignez de ce que je ne vous écris plus ; je suis bien aise que vous vous en soyez aperçu : c’était mon intention. Je vous boudais,

  1. Voyez lettre 4129.
  2. Voyez lettre 3981.
  3. M. et Mme de Freudenreich.
  4. Correspondance complète, édition de Lescure, 1865.