Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la plus belle vue du monde sont deux choses qu’on ne rencontre pas dans tous les châteaux des rois. J’aurais bien voulu que vous fussiez venu dans nos tranquilles retraites avec Mme de Bazincourt : elle aurait été charmée d’avoir un tel écuyer, et je vous aurais bien fait les honneurs de mon petit royaume de Catai. Je visais toujours à une retraite agréable, lorsque nous étions dans la ville des géants ; mais je n’osais en espérer une aussi charmante. J’ai avec moi un homme de lettres qui s’est fait ermite dans mon abbaye, la sœur Bazincourt, la prieure Denis, un neveu qui a pris l’habit ; bonne compagnie vient dîner, souper et coucher dans le monastère. Si vous étiez homme à y venir passer quelque temps en retraite nous dirions notre office très-gaiement. Je ne sais si vous savez que le véritable roi mon maître, le roi très-bien aimé de moi chétif, a daigné, par un beau brevet, rendre mes terres que j’ai en France, sur la frontière, entièrement franches et libres ; c’est un droit qu’elles avaient autrefois, et que Sa Majesté a daigné renouveler en ma faveur, de sorte que mes monastères sont obligés de prier Dieu pour lui, ce que nous faisons très-ardemment. C’est une grâce que je dois à M. le duc de Choiseul, et à Mme la marquise de Pompadour. Par ma foi, cela vaut mieux que d’être chambellan. Ne m’oubliez pas auprès de M. Duverney, je vous en supplie, et dites-lui que je lui serai attaché jusqu’à la mort : car, tout moine que je suis, je ne suis pas ingrat.

Ihe treue diener, gehorsam diener[1], qui ne mourra pas entre deux capucins[2].


Voltaire.

4021. — À M. PÂRIS-DUVERNEY[3].
Aux Délices, 7 janvier.

Je vous souhaite, monsieur, les années du cardinal de Fleury, bien convaincu d’ailleurs que vous avez des vues plus nobles et plus étendues que les siennes ; il n’eût jamais établi l’École militaire.

Permettez que je vous propose une action digne de votre caractère. Il s’agit de rendre à la patrie une famille entière, de la plus ancienne noblesse du royaume.

Vous avez peut-être connu autrefois le marquis de Langallerie,

  1. Votre fidèle et obéissant serviteur.
  2. Comme Maupertuis ; voyez lettres 3914 et 3965.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.