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l’on est obligé de leur ressembler, il faut se taire. On m’assure que Diderot est devenu riche ; si cela est, qu’il envoie promener les libraires, les persécuteurs et les sots, et qu’il vienne vivre en homme libre entre Gex et Genève.

Ma philosophe, on a grande envie de rendre ce pays de Gex libre et indépendant[1]. Ce serait une bonne affaire pour la philosophie. On trouve une compagnie qui offre de l’argent comptant aux fermiers généraux, et même au roi. Pour peu que le plan soit plausible, je vous l’enverrai ; je veux que vous fassiez réussir cette affaire, et que vous en ayez la gloire ; vous ameuterez trois ou quatre des Soixante, et je vous dresserai une statue à Ferney. Vous êtes à jamais dans ma tête et dans mon cœur.


4019. — À M.  BERTRAND.
7 janvier.

Je vous souhaite une vie tolérable, mon cher philosophe, car pour une vie heureuse et remplie de plaisirs, cela est trop fort après tout ce qui arrive aux annuités, actions et billets de la Compagnie des Indes. Tout périt ; je laisse là mes bâtiments, et mea me virtute involvo[2].

On a imprimé mes lettres[3] que M.  de Haller avait fait courir. Il a oublié apparemment cet article dans les principes de l’irritation[4] : Magis magnos clericos non sunt magis magnos sapientes. Je ne conçois pas comment vos magis magni clerici peuvent accorder des lettres de naturalité à un voleur[5] avéré. Il me semble que la vertu de la république de Berne devait être inflexible.

À propos de vertu, mes tendres respects à M.  et Mme  de Freudenreich.

Ce n’est pas une affaire de vertu que trois éditions faites en Angleterre de la Vie[6] de Mme  de Pompadour. La moitié de l’ou-

  1. Voyez la lettre 4040.
  2. Horace, livre III, ode xxix, vers 54-55.
  3. La lettre de Voltaire à Haller (n° 3779) et la réponse de Haller (n° 3782) avaient été imprimées à la suite d’une édition encadrée du Précis de l’Ecclésiaste et du Cantique des cantiques, Liège, 1759. in-8o, avec un portrait de Voltaire sur le frontispice.
  4. Voltaire équivoque sur la célèbre théorie de l’irritabilité due à Haller.
  5. Fr. Grasset. Les lettres de naturalité ne lui furent pas accordées ; voyez la lettre 4030.
  6. La Vie de la marquise de Pompadour avait paru, en anglais, à Londres, en deux volumes in-16. Cette Vie, qui eut quatre éditions, fut traduite en français par P.-Ant. de La Place.