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Pierre le Grand. Le Pruth, Catherine orpheline gouvernant un empire, un fils condamné par son père, et par quatre-vingts juges dont la moitié ne savait pas signer son nom, sera une diversion qui vaudra les neuf années[1] d’Horace. On dit qu’une nouvelle scène de finances va égayer la nation. On ne fera point la guerre l’hiver, on courra aux spectacles, et la Chevalerie pourra vous amuser ce carême.

Je pense que c’était à l’abbé du Resnel à gouverner nos finances plutôt qu’à Silhouette : car celui-ci n’a traduit Pope et le Tout est bien qu’en prose, et l’abbé l’a traduit en vers[2] ; mais j’aimerais encore mieux Martin le manichéen.

De grâce, mon respectable ami, dites-moi si les effets publics reprennent un peu de faveur. J’ai quatre-vingts personnes à nourrir.

Est-il vrai que M.  d’Armentières[3] a été battu ? Est-il vrai que les fottes se battent ? Je croyais que la flotte de M.  le maréchal de Conflans[4] allait à la Jamaïque. J’ai peur que tout n’aille au diable, sur mer et sur terre. La paix, la paix, mon divin ange !


3989. — À M.  LE PRÉSIDENT DE BROSSES[5].
3 décembre.

La poste part, monsieur, dans le moment. Je n’ai donc que ce moment pour vous dire que j’envoie un gros paquet à monsieur le procureur général de Dijon ; que ce paquet prouve à mon avis que ce n’est ni à vous ni à moi à payer jamais cent pistoles de frais que la justice de Gex pourrait faire pour une demi-douzaine de noix ; que je vous supplie de lire mon paquet et de l’appuyer[6].

  1. Voyez plus haut la lettre 3986, page 241.
  2. Dans sa lettre à Thibouville, du 20 février 1769, Voltaire dit avoir fait la moitié des vers de l’abbé.
  3. Louis de Conflans, marquis d’Armentières, né en 1711 ; lieutenant général en 1746, maréchal de France le 2 janvier 1758. Il était parent du maréchal de Conflans.
  4. Hubert de Conflans, né en 1690 ; créé maréchal de France le 15 mars 1758. Il venait d’être battu sur mer (20 novembre) par l’amiral anglais Hawcke.
  5. Éditeur, Th. Foisset.
  6. Il s’agissait des frais d’un procès criminel fait à un sieur Panchaud, de la Perrière (entre Tournay et Genève), pour un coup de sabre porté dans une rixe occasionnée par un vol de noix. Ces frais étaient à la charge du seigneur haut-justicier. Peu empressé de les payer. Voltaire soutenait que la Perrière ne dépendait pas de Tournay. (Note du premier éditeur.)