Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7481

7481. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
À Ferney, 20 février.

Je croyais, en vérité, vous avoir répondu, mon cher marquis ; mais, comme il ne s’agissait que de compliments du jour de l’an, vous n’avez rien perdu. Il faut que les lettres disent quelque chose.

Je ne conçois pas comment on a oublié le maréchal d’Estrades[1]. Cette faute va être corrigée, du moins dans un errata. Je vous suis très-obligé de m’en avoir fait apercevoir.

À l’égard de l’abbé du Resnel, il n’a jamais écrit dans le siècle de Louis XIV, et d’ailleurs, comme j’ai fait la moitié de ses vers j’ai eu trop de modestie pour en parler.

Je vois que votre ancien goût pour la comédie est passé, puisque vous ne me parlez point des tracasseries des auteurs et des comédiens, et des niches qu’on fait à Mlle Vestris, ni des pièces nouvelles, soit imprimées, soit jouées. À l’égard des nouvelles intéressantes, comme vous ne m’avez jamais fait l’honneur de m’en dire, et que vous vous compromettriez trop en ne signant point et en ne cachetant point de vos armes, je n’ai rien à vous dire sur cela ; mais je vous prie de considérer que je suis entre des montagnes de seize cents pieds de haut ; qu’un chartreux est beaucoup moins solitaire que moi ; que j’ai soixante-quinze ans ; que je suis très-malade et presque aveugle, et que voilà des raisons pour écrire rarement, sans cesser de vous être attaché et de vous aimer de tout mon cœur.

si vous voyez M. le duc de Villars, à qui je n’écris point, je vous prie de lui exposer mes tristes raisons.

  1. Le maréchal d’Estrades a place dans le Catalogue des écrivains du siècle de Louis XIV ; mais il n’est, pas dans la liste des maréchaux. Malgré ce que dit ici Voltaire, l’omission n’a pas été réparée.