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Les bons Suisses me reprochent d’avoir trop loué une nation et un siècle qui produisent encore des Ravaillac. Je ne m’attendais pas que des querelles ridicules produiraient de tels monstres. Je crois bien que Robert-François Damiens n’a point de complices ; mais c’est un chien qui a gagné la rage avec les chiens de Saint-Médard ; c’est un reste des convulsions. On ne doit pas me reprocher du moins d’avoir tant écrit contre le fanatisme ; je n’en ai pas encore assez dit. S’il y a quelque chose de nouveau, nous prions instamment M. de Florian, qui n’épargne pas ses peines, de se souvenir de nous.

Songez à votre santé, ma chère nièce ; j’ai fait un fort beau présent au grand Tronchin le guérisseur : il en est très-content.

Voici ce Testament[1] que vous demandez, ma chère enfant ; je vous prie d’en donner copie sur-le-champ à M. d’Argental et à Thieriot. Ce nouveau Testament est meilleur que l’ancien qui court sous mon nom.


3295. — À M. PICTET,
professeur en droit.
Monrion, 16 janvier.

Mon très-aimable voisin, les Délices ne sont plus Délices quand vous n’êtes plus dans le voisinage ; il faut alors être à Monrion. Votre souvenir me console ; et l’espérance de vous revoir, au printemps, me donne un peu de force.

Je suis bien honteux pour ma nation qu’il y ait encore des Ravaillac ; mais Pierre Damiens n’est heureusement qu’un bâtard de la maison Ravaillac, qui a cru pouvoir tuer un roi avec un méchant petit canif à tailler des plumes. C’est un monstre, mais c’est un fou. Cet horrible accident ne servira qu’à rendre le roi plus cher à la nation, le parlement moins rétif, et les évêques plus sages.

Réjouissez-vous à Lyon, avec la meilleure des femmes et la plus aimable des filles, et comptez sur l’inviolable attachement des deux solitaires suisses.

  1. Voltaire désigne ainsi son poëme de la Religion naturelle, dans la lettre 3150.