Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Qu’on vit, bravant le préjugé,
Saigner[1] l’Autriche et la Hongrie.

Grand prince, je vous remercie
Des salutaires petits grains
Qu’avec des vers un peu malins
Me départ votre courtoisie.

L’inventeur de la poésie,
Ce dieu que si bien vous servez,
Ce dieu dont l’esprit vous domine.
Fut aussi, comme vous savez,
L’inventeur de la médecine.

Mais vous avez, aux champs de Mars,
Fait connaître à toute la terre
Que ce dieu qui préside aux arts
Est maître dans l’art de la guerre.

C’est peu d’avoir, par maint écrit,
Étendu votre renommée ;
L’Autriche à ses dépens apprit
Ce que vaut un homme d’esprit
Qui conduit une bonne armée.

Il prévoit d’un œil pénétrant,
Il combine avec prud’homie.
Avec ardeur il entreprend ;
Jamais sot ne fut conquérant.
Et pour vaincre il faut du génie.

Je crois actuellement Votre Majesté à Neisse ou à Glogau, faisant quelques bonnes épigrammes contre les Russes. Je vous supplie, sire, d’en faire aussi contre le mois de mai, qui mérite si peu le nom de printemps, et pendant lequel nous avons froid comme dans l’hiver. Il me paraît que ce mois de mai est l’emblème des réputations mal acquises. Si les pilules dont Votre Majesté a honoré ma caducité peuvent me rendre quelque vigueur, je n’irai pas chercher les chambrières[2] de M. de Valori : l’espèce féminine ne me ferait pas faire une demi-lieue ; j’en ferais mille pour vous faire encore ma cour. Mais je vous prie de m’accorder une grâce qui vous coûtera peu : c’est de vouloir bien conquérir quelques provinces vers le midi, comme Naples et la Sicile, ou

  1. Voltaire appelle Frédéric le saigneur des nations, dans la lettre 1516.
  2. Voyez tome XXXVI, page 574.