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2131. — À M. LEKAIN.
À Potsdam, ce 7 octobre 1750.

Que ne puis-je vous être bon à quelque chose, mon cher monsieur ! que ne puis-je être témoin de vos succès, et contribuer de ma faible voix à vous faire avoir les récompenses que vous méritez ! Je n’ai pas manqué d’écrire à Berlin (où je ne vais presque jamais) pour faire réussir la petite affaire que vous m’avez proposée. Si j’en viens à bout, je vous le manderai ; mais si vous ne recevez point de lettres de moi, ce sera une preuve que je n’aurai pas eu le bonheur de réussir. Ce ne sera pas assurément faute de zèle ; j’en aurai toujours un très-vif pour tout ce qui vous regarde, et vous pouvez compter sur l’estime et l’amitié de V.


2132. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Dans votre Parnasse de Pharasmane, ce 8 octobre.

Vous êtes roi sévère, et citoyen humain[1] ;
Vous l’avez dit ; la chose est véritable.
Comme roi, je vous sers ; vous m’admettez à table
En qualité de citoyen ;
Et comme un être fort humain,
Vous excusez un misérable
Qui ne put assister à ce souper divin,
Par la raison qu’il souffrait comme un diable.

Daignez, grand homme, daignez, sire, me pardonner. Je ne vous dirai pas : Plaignez-moi, car je ne souffre pas plus ici qu’ailleurs, et j’y suis beaucoup plus heureux. On est heureux par l’enthousiasme, et vous savez si vous m’en inspirez. Vous, sire, et le travail, voilà tout ce qu’il faut à un être pensant. Continuez à faire de beaux vers, mais ne mettez jamais la tragédie de Sèmiramis en opéra italien, quand même madame la margrave vous en prierait : c’est un ouvrage diabolique.

Quelque jour vous ferez Conradin en trois actes, et nous la jouerons.

Je me prosterne devant votre sceptre, votre lyre, votre plume, votre épée, votre imagination, votre justesse d’esprit, et votre universalité.

  1. Voyez ci-après une note de la lettre 2159.