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plaire, malgré son ingratitude. Il me semble que, dans un temps où les lettres tombent si visiblement, et où les frelons s’emparent si hautement du miel des abeilles, on doit chercher au moins à se consoler par l’approbation du petit nombre des connaisseurs, plus petit, en vérité, que celui des élus. Si vous voulez, je vous enverrai encore ma lettre au roi de Prusse, sur Mahomet ; mais envoyez-moi quelques-uns des anciens brimborions que je vous ai demandés.

Je vous embrasse.


1391. — À M. DE CHAMPFLOUR, PÈRE[1].
À la Haye, ce 27 décembre.

J’ai trouvé à la Haye, monsieur, une lettre dont vous m’honorâtes il y a environ un mois. Je ne pouvais la recevoir dans des circonstances plus convenables pour monsieur votre fils. Monsieur l’ambassadeur de France, en lui procurant les secours nécessaires, n’a pas seulement suivi son zèle, il y a encore été déterminé par l’intérêt qu’on ne peut s’empêcher de prendre pour un père aussi respectable que vous. J’ai vu la lettre que vous avez écrite à monsieur votre fils : elle m’a inspiré, monsieur, la plus forte estime pour vous, et j’ose même dire de la tendresse. Il est inutile sans doute de faire sentir à monsieur votre fils ce qu’il doit à un si bon père, il m’en paraît pénétré. Il serait indigne de vivre s’il ne s’empressait pas de venir mériter chez vous, par ses sentiments et par sa conduite, votre indulgence et votre amitié. Son caractère me parait, à la vérité, vif et léger, mais le fond est plein de droiture ; et, s’il vous aime, les fautes que la seule jeunesse fait commettre seront bientôt oubliées.

Je compte le mener à Bruxelles, et là, suivant les ordres de M. de Fénelon et les vôtres, faire partir pour Luxembourg la personne qui l’a un peu écarté de son devoir. Elle n’est point sa femme ; il l’avait d’abord annoncée sous ce nom, pour couvrir le scandale. Monsieur votre fils trouvera à Bruxelles le ministre de France, M. Dagieu, très-honnête homme, qui sera plus à portée que moi de vous rendre service. Je me joindrai à lui pour rendre un fils au meilleur des pères. Je ne cesserai, pendant la route, de cultiver dans son cœur les semences d’honneur et de vertu qu’un jeune homme né de vous doit nécessairement avoir. Permettez-moi, monsieur, de saisir cette occasion d’assurer

  1. Voyez plus haut la lettre 1365, adressée au même.