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aussi de cette tracasserie. M. l’abbé de Valori[1], prévôt du chapitre de Lille, lui en avait parlé. Je ne peux mieux faire, je crois, monsieur, que d’avoir l’honneur de vous envoyer la copie de la réponse à ma nièce.

« Les tracasseries viennent donc, ma chère enfant, jusque dans ma retraite, et prennent leur grand tour par Berlin. Je vois très-clairement que quelque bonne âme a voulu me nuire à la fois dans l’esprit du prince royal de Prusse, et dans celui de M. de Valori ; et il y a quelque apparence qu’une certaine personne qui avait voulu desservir M. de Valori à la cour de Berlin, a semé encore ce petit grain de zizanie.

« Je connais M. de Valori, en général, par l’estime publique qu’il s’est acquise, et plus particulièrement par le cas infini qu’en fait M. d’Argenson, qui m’avait même flatté que j’aurais une nouvelle protection, dans M. de Valori, auprès du prince royal.

« J’avais eu l’honneur d’écrire plusieurs fois à ce prince que M. de Valori augmenterait le goût que Son Altesse royale a pour les Français, et que j’espérais que ce serait pour moi un nouveau moyen de me conserver dans ses bonnes grâces. Je me flatte encore que le petit malentendu qu’on a fait naître ne détruira pas mes espérances.

« Il est tout naturel que M. de Valori, ayant vu, dans les gazetins infidèles dont l’Europe est inondée, une fausse nouvelle sur mon compte, l’ait crue comme les autres ; qu’on en ait dit un petit mot en passant à la cour de Prusse, et que quelqu’un, à qui cela est revenu à Paris, en ait fait un commentaire.

« Il ne résultera de cette petite malice, qu’on a voulu faire à M. de Valori, rien autre chose que des assurances de la plus respectueuse estime, que je vous prie de faire passer à M. de Valori, par le canal de monsieur son frère. Si tous les tracassiers de Paris étaient ainsi payés de leurs peines, le nombre en serait moins grand. »

Voilà, monsieur, mes véritables sentiments. Je fais toujours des vœux pour que vous soyez dans quelque place où vous puissiez donner un peu de carrière à vos grands talents, à votre bonne volonté pour le genre humain, et à votre goût pour les arts.

En attendant, je vous conseille de ne pas négliger Mlle Le-

  1. Paul-Frédéric-Charles de Valori, auquel est adressée la lettre 1288. C’était le frère aîné de l’ambassadeur.